La presse du 16/06/17 rapporte la précipitation aussi grotesque dans la forme que monstrueuse dans le fond avec laquelle, sans la moindre vergogne, Agnès Buzyn s’applique à concrétiser les épaisses manigances de Touraine concernant les obligations vaccinales. D’où un premier post-scriptum à cet article initialement mis en ligne le 03/06/17.
La visite médiatisée du duo Buzyn-Macron au CHU de Rouen fournit prétexte à un second post-scriptum, daté cette fois du 13/04/18.
RÉSUMÉ – On commence par analyser le discours médiatique béat qui tend à faire accroire qu’en désignant Agnès Buzyn comme ministre de la santé, le jeune Macron – protégé des increvables débris du vieux système – aurait fait le choix d’un gros calibre. On s’applique, notamment, à montrer la vacuité des propos que la nouvelle ministre a publiquement tenus sur les conflits d’intérêts, sur le dépistage mammographique et sur les vaccins. On conclut que l’élargissement des obligations vaccinales, régulièrement évoqué sur ce site depuis 5 ans, est en bonne voie, dans la logique d’une criminalité médico-pharmaceutique qui, après le piteux scandale de la pandémie porcine, a repris du poil de la bête grâce à la mystification Médiator.
Table des matières
Une vraie scientifique qui fait honneur au genre
Quoiqu’elle valût déjà son pesant de moutarde, la nomination d’Agnès Buzyn à la présidence de la Haute Autorité de Santé (HAS), en mars 2016, n’avait justifié aucune réaction particulière de ma part, pour au moins deux raisons : i/ même si d’aucuns se plaisent dans le rôle, on ne peut pas parler de tout ; ii/ l’excellent Christian Lehmann et le vaillant docteurdu16 avaient déjà publié au sujet de cette nomination, et je n’avais rien de fondamental à ajouter.
Depuis lors, cependant, l’intéressée a été nommée ministre de la santé, dans un gouvernement qui vise « la recomposition » – dont celle de la langue, forcément. Pour Le Figaro (19/05/17) qui fut naguère le bastion du bon goût littéraire et le rempart de la syntaxe, « Une médecin devient ministre de la santé » : après vérification dans Le Grand Robert, il semblerait que le mot « médecin » soit toujours masculin, mais les apparatchiques du genre ne l’entendent clairement pas de cet oreil.
Sur l’autre versant des choses sérieuses, les médias ont célébré l’arrivée au pouvoir d’une vraie scientifique, l’intéressée elle-même affectionnant de se présenter comme simultanément praticienne, chercheuse et responsable administrative blanchie sous le harnais.
Un pilier de la transparence chère à Macron (et à son premier ministre)
C’est, comme par hasard, à propos de conflits d’intérêts qu’Agnès Buzyn s’était d’emblée signalée en proclamant sans hésiter ni rougir que « vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts » (Médiapart, 07/03/2016) : nous qu’on croyait comme des cons que grâce au travail en profondeur de la Sirène1 de Brest, c’était signer son arrêt d’une mort bien méritée que soutenir publiquement de telles insanités, nous voilà bien refaits d’apprendre que ce nonobstant, elle a été hissée au poste de ministre – et dans un gouvernement consacré à une réhabilitation morale de la politique !…
Je n’aime pas me répéter : mais quelque déprimantes qu’elles apparaissent, l’impérieuse nécessité de réfuter la propagande néo-libérale dans son autisme écrasant justifie, voire impose un minimum de redites. J’aime, encore moins, parler de moi, mais dans notre pays de grand prestige mathématique où il est désormais admis comme allant de soi qu’on ne peut pas compter sur ses dix doigts2 sans une bonne maîtrise de la théorie des ensembles ni une parfaite connaissance des forts volumes de Bourbaki, on a fini par perdre la notion de « contre-exemple » et de sa puissance démonstrative : or, j’ai le privilège de pouvoir tirer de ma petite expérience personnelle un contre-exemple irréfutable de la théorie3 de Buzyn sur la valeur différentielle des experts. Déjà présentée dans d’autres contextes, la Figure ci-joint montre l’évolution spectaculaire, au cours du temps, de mon chiffre d’affaires avec l’industrie pharmaceutique, de plus de 400 000 € par an à carrément (et durablement…) zéro. On peut regarder cette figure de deux façons, chacune contredisant formellement la frivole assertivité de notre nouveau ministre :
- si l’on regarde d’abord la courbe dans sa dernière partie (objectivant ce qui ressemble à une ruine personnelle), on peut l’interpréter comme donnant raison à ceux qui soutiennent que je suis un minable : reste alors, dans la théorie de Buzyn, à comprendre la première partie et à se demander comment un tel minable a pu gagner tant d’argent dans un milieu qui fait rimer reconnaissance avec compétence ;
- si l’on regarde maintenant la courbe dans sa première partie (attestant de liens initialement assez lucratifs avec l’industrie pharmaceutique), la théorie de Buzyn conduit à penser que j’étais forcément « compétent » – et même vachement4 : il reste dès lors à expliquer le mystère de la dégringolade qui suit5, sachant que je tiens à la disposition de la médecin divers éléments attestant, chez moi, un reliquat de « compétence » malgré les ravages du vieillissement – par exemple, avoir été le premier, et de loin, à prétendre que la pandémie H1N1 n’était qu’une vaste blague (ou encore à avoir introduit dans le débat médiatique quelques bémols relatifs à l’intérêt du dépistage mammographique – sur lequel on va revenir dans un instant)6.
Certes, on peut penser que dans son don inné d’évaluer rigoureusement la valeur individuelle des experts, l’industrie pharmaceutique s’était initialement (quoique durablement, car la courbe initiale n’avait cessé de croître durant plus de 10 ans) trompée sur mon niveau de compétence : reste que la perspective de telles erreurs – faire d’un vrai couillon un expert généreusement rémunéré – est justement le fondement du souci sur les conflits d’intérêts dont Agnès Buzyn a balayé la légitimité avec une effronterie saturée d’obtusion7.
Des publications comme indicateur d’excellence scientifique
Venons-en, maintenant, aux critères scientifiques tels que déclinés par les médias pour convaincre les Français de l’excellence du choix opéré par notre nouveau président-promoteur-des-jeunes-qui-veulent-devenir-milliardaires.
Si j’en crois la presse manifestement fascinée, il faudrait porter au crédit de la médecin devenue ministre environ cent vingt-cinq publications.
Je cite ce chiffre de mémoire mais qu’il s’agisse, de toute façon, de 125 ou de 25 000 publications, personne de raisonnablement informé ne prend plus comme critère de crédibilité le nombre de publications d’un/e qui.dame/monsieur – surtout quand l’intéressé/e n’apparaît pas trop défendu/e par rapport aux financements de l’industrie pharmaceutique8.
Le jour où, au CNRS, à l’INSERM, à l’Université ou… à la HAS, les instances de sélection prendront également en compte les publications que l’impétrant/e aura refusé de signer (avec, le cas échéant, un coefficient de pondération lié aux circonstances, dans le but de valoriser le courage de résister), il faudra peut-être procéder à une « recomposition » des postes prestigieux ou de leurs titulaires…
La science en actes
À la différence des anti-vaccinalistes pour qui la malfaisance médico-pharmaceutique semble se limiter à LA vaccination, je n’ai personnellement rien de systématiquement contre LES vaccins en général. Cependant, tout en sachant que l’insolente rentabilité de la pharmacie industrielle ne se limite pas à ces deux secteurs9, je me suis plus particulièrement concentré sur deux d’entre eux pour la raison qu’ils me paraissent incarner la maximisation du retour sur investissement – entendez : la possibilité de se faire indécemment un fric fou – : la cancérologie d’une part10, les vaccinations d’autre part 11.
Or, il est facile de vérifier qu’Agnès Buzyn a été – et reste – particulièrement impliquée dans ces deux domaines de la cancérologie et des vaccinations : « recomposition » oblige…
Mammographie de dépistage
(note)12
La promotion, dans une optique de refondation morale, d’une ancienne présidente de l’Institut National du Cancer (INCa) justifie exactement le même type d’objections que celles qui, dans un contexte similaire (refondation de l’AFSSAPS en ANSM), m’avaient valu, sur France Inter, les pauvres insultes de Bernard Debré, à l’automne 2011 : quelles que puissent être, éventuellement, les vertus personnelles de la personne concernée, ce n’est pas forcément un bon signe de choisir, pour mener à bien une telle refondation, une représentante d’un milieu médical notoirement parmi les plus « maqués » (telle avait été l’expression exacte13 qui avait déclenché l’ire de Debré) avec Big Pharma & Co (en y incluant les fabricants de matériel d’imagerie médicale).
Renvoyant mes lecteurs à mes textes précédents pour justifier que dans sa promotion du dépistage mammographique (20 Minutes.fr, 28/09/11, AFP, 03/02/12), Agnès Buzyn se positionne plutôt en retard sur les plus éminentes instances en pareille matière (à commencer par la fondation Cochrane14), je voudrais ici souligner à quel point cet anachronisme promotionnel de notre nouveau ministre s’enracine dans une tradition médicale profondément antiscientifique, fondée sur des arguments de pseudo bon sens et des occultations ciblées :
- l’idée apparemment évidente mais radicalement fausse15 que plus un cancer est traité précocement, meilleur en est le pronostic. La “démocratie” néolibérale fonctionne comme ça, sur des arguments qui flattent le gros bon sens du blaireau de base, même s’ils sont sévèrement démentis par les faits. Ainsi, plus un cancer est dépisté tôt, meilleur en serait le pronostic: cela semble aller de soi, mais ce n’est malheureusement pas confirmé par l’expérience16. Dans un autre domaine, il faudrait croire que plus on allège les charges qui pèsent sur les patrons, moins il y a de chômage: or, toutes ces dernières décennies, on a vu énormément de baisses de charges, sans que leur impact sur le chômage ne saute aux yeux (même après manipulation des statistiques). Sur la base de ces deux exemples, il est facile de démasquer les ressorts psychologiques de la “recomposition” macroniste;
- la question pourtant centrale des faux positifs17 ;
- le piège pourtant grossier du biais chronologique : si, par rapport à une pathologie où l’âge moyen de décès est de 65 ans avec un diagnostic posé en moyenne à 60 ans, vous parvenez, grâce à un dépistage, à avancer de trois ans cette date de diagnostic, vous avez mécaniquement augmenté l’espérance de vie de 3 ans, alors qu’en pratique, vous avez juste gâché la qualité de vie durant ces trois années d’insouciance de 57 à 60 ans) ; bien pis, si, en raison de la brutalité des traitements alors mis en œuvre, vos patients décèdent désormais à l’âge moyen de 63 ans, vous avez toujours allongé d’un an l’espérance apparente de vie (de 57 ans à 63 ans), alors que l’espérance de vie réelle a été raccourcie de 2 ans… Nul besoin d’avoir publié 125 fois pour piger une telle évidence.
Je n’ai pas suffisamment d’expérience pratique à l’étranger pour savoir si ces problèmes pourtant élémentaires auxquels on se heurte ici à chaque fois que l’on cherche à discuter dépistage s’y posent avec une telle acuité. Voilà quelque temps, pourtant invité à prononcer une conférence sur ces questions (donc a priori pas traité comme pingouin anodin), je me suis fait sévèrement tancer par le président de séance – qui s’était présenté comme « statisticien » (ce que je ne prétends pas être) et avait notoirement géré un des plus gros cabinets français de gynécologie – au motif que mon scepticisme à l’endroit de la mammographie « montrait bien » que je n’avais aucune expérience pratique de la gynécologie : à dire vrai, il faut vraiment n’avoir rien compris à rien pour accréditer que l’évaluation scientifique d’un dépistage mammographique relèverait du « colloque singulier » tel qu’on peut l’avoir en pratique clinique dans le cadre d’un cabinet (et dont, effectivement, je n’ai jamais prétendu avoir l’expérience)…
De tels précédents, dont je pourrais citer bien d’autres exemples, me semblent attester que, chez la plupart des praticiens français, le langage d’apparence « scientifique » n’a fait que se substituer au latin de cuisine moqué par Molière et quelques autres : ça impressionne énormément les profanes (à commencer par les juges, surtout quand ils sont « spécialisés » – dans un Pôle santé, par exemple) alors qu’il suffit de gratter un tout petit peu pour voir qu’il n’y a rien de sérieux en dessous. Longtemps, je l’avoue, j’ai cru que l’épidémiologie – même à un niveau conceptuel élémentaire – pouvait ouvrir la voie d’une certaine scientifisation de la médecine ; mais lorsque j’entends notre nouveau ministre de la santé camper sur des positions aussi intenables à propos de la mammographie tout en se présentant comme « épidémiologiste », j’en reviens à mon constat ancien et désabusé concernant le formidable pouvoir de perversion exercé par les forces de l’argent sur toutes les innovations méthodologiques qui eussent pu introduire les médecins à un mode de pensée un peu plus rigoureux que celui de la simple « expérience personnelle » ou de la révérence obligée envers les « Maîtres »18.
Vaccinations
Voici quelques mois, Agnès Buzyn avait été auditionnée par la commission Fischer dans le cadre de cette « concertation (hi ! hi !) nationale sur les vaccins » tellement prisée par les anti-vaccinalistes affolés à l’idée de faire entendre leur ramage au prix de n’importe quel fromage…
Le compte rendu de cette audition de la future ministre est, lui aussi, déprimant : dans la dizaine de pages de sa dé(com)position, on y entend toutes les idées reçues sur l’excellence de nos experts et de la commission présidée par Madame Buzyn, sur la méthodologie forcément « très robuste » qui y prévaut, sur le calendrier des vaccinations, sur le dépistage, sur l’information, sur les campagnes de vaccinations, sur LE vaccin, sur la Dépakine et sur la maladie de Lyme, mais RIEN sur l’essentiel : l’efficacité et la tolérance DES divers vaccins disponibles. RIEN non plus sur l’intérêt additionnel d’une obligation, dont la France est quasiment le seul promoteur dans les pays développés. On a déjà vu plus convaincant en matière « d’information » et de « méthodologie »…
Au passage, on relève une curieuse confusion pour quelqu’un qui a présidé la plus éminente instance d’évaluation médico-pharmaceutique française : le sujet exposé aux vaccinations s’y voit qualifié de « patient » embarqué dans un « parcours de soin ». C’est dire que d’un point de vue aussi bien épidémiologique que bêtement économique, notre nouvelle ministre de la santé a tout compris sur la différence pourtant vertigineuse entre soin et prévention…
Ça promet…
Conclusion
Dès le mois de mai 2012, en plein brouhaha sur la « réforme du médicament » dont nous étions redevables à la Sardine de Brest19, j’évoquais en passant et comme allant de soi un élargissement de cette forme de brutalisation médico-pharmaceutique que sont les obligations vaccinales. Depuis lors, je n’ai cessé de mettre mes lecteurs en garde contre cette évolution que, comme « expert » (mais oui, chère Agnès) tant du développement clinique que de la pharmacovigilance, j’ai d’excellentes raisons de juger comme catastrophique.
Si convaincu que je fusse quant à l’inéluctabilité de ce coup de force, j’avoue que (surtout depuis la concertation-hi !-hi ! de l’été dernier) je m’interrogeais vaguement sur ses modalités – sachant qu’il n’était pas besoin d’être grand politologue pour anticiper que, compte tenu des échéances électorales, les jours de Marisol Touraine comme ministre de la santé étaient comptés.
Lors de la passation de pouvoirs qui a eu lieu le 17/05/17, Marisol Touraine « en larmes » a exhorté son successeur – pardon : sa successeuse – à concrétiser au plus vite le travail déjà opéré sur cet élargissement (CBanque, 17/05/17), présenté comme priorité de santé publique. Ce passage de relais, qui n’a pas péché par souci de décence, n’en rend rétrospectivement que plus naïve mon interrogation sur la suite. Car, à la réflexion, ce n’est pas Madame Touraine qui rend les vaccinations de plus en plus obligatoires : c’est le système qui rend de plus en plus obligatoires les laquais comme Touraine.
À preuve : la promotion de Buzyn…
Document joint
Post-Scriptum du 16/06/2017
Avec Agnès Buzyn, disais-je récemment, « c’est maintenant » : un mois jour pour jour après la passation de pouvoir mise en scène dans un décor de « recomposition » radicale, la voilà partie à fond la caisse sur l’élargissement effectif des obligations vaccinales, préparé par son prédécesseur avec l’esprit de finesse d’un pachyderme ataxique souffrant d’une grave obsession, mais réfractaire aux thérapies comportementales 20. Et cinq ans, également presque jour pour jour, après que, en pleine hystérie Médiator, l’auteur de ces lignes eut osé ironiser sur les promesses de moralisation du monde sanitaire en évoquant, entre autres, un élargissement des obligations vaccinales comme mode opératoire parmi les plus envisageables d’une criminalité médico-pharmaceutique protégée par les autorités dites « de contrôle »21. Un seul rappel permet de prendre la mesure du chemin parcouru : à la fin des années 1980, lorsque – première opération d’envergure de cette criminalité nouvelle – la campagne de « vaccination universelle » contre l’hépatite B avait été conçue, ce furent les fabricants qui s’opposèrent au projet d’obligation que les abrutis de la DGS leur apportaient sur un plateau, au motif assez bien vu que dans un pays comme le nôtre, les obligations seraient le plus sûr moyen de stimuler des résistances dans la population…
Mais si convaincue qu’elle soit qu’on ne vaut rien sans la reconnaissance (et les subsides) de Big Pharma, Buzyn22n’aurait rien pu faire sans le travail de terrain des associations de victimes – qui, en cette affaire comme dans bien d’autres23 se sont démenées pour garantir l’impunité des responsables –, sans les anti-vaccinalistes – jamais en retard d’une compromission dès qu’ils s’excitent à l’idée d’avoir enfin trouvé un public « sérieux » pour écouter leurs conneries –, enfin sans les promoteurs désopilants de la myofasciite à macrophages – tellement soucieux d’apaiser leurs obsessions hypocondriaques grâce à toutes les vaccinations passées, présentes et à venir (incluant celle contre les érections matinales) à la seule condition qu’elles soient aluminium-free…
Seule ombre aux attentes panvaccinales des pourfendeurs de l’aluminium : aucun progrès visible dans la mise au point d’un vaccin contre les imbéciles.
N’empêche que si on parvient déjà à vaincre le fléau des érections matinales…
Post-Scriptum du 13/04/18
En se concentrant sur les mimiques d’Agnès Buzyn, il faut regarder cette vidéo motivée par la visite impromptue de Macron à l’hôpital de Rouen (05/04/18). D’une part, mimiques d’une lèche-cul soucieuse d’exhiber jusqu’à l’indécence sa dévotion aux propos (pourtant pas particulièrement transcendants) de son patron. D’autre part, et plus encore, mimiques attestant son mépris à l’endroit de ce que dit l’aide-soignante qui tient tête à Macron : mépris d’autant plus consternant que la première se trouve être en position hiérarchique par rapport à la seconde. Il y a tout le mal français dans cette séquence – à savoir qu’au lieu d’imposer le respect du supérieur à l’endroit du subordonné, la position hiérarchique justifierait le mépris du premier par rapport au second. Mépris, et même ostentation de mépris : ma position hiérarchique me donne droit de te cracher à la gueule24. Mais au-delà de cette question générale fort typique de notre pays, il y a aussi le cas particulier de la ministre de la santé : après mon article consacré à « la bête immonde », l’une de mes plus fidèles lectrices – infirmière – m’avait envoyé textuellement le message suivant, qui ne m’avait pas particulièrement frappé à l’époque car, n’ayant pas la télé, j’ai peu d’images visuelles de Buzyn :
« C’est glaçant. C’est tellement juste. Ça explique le malaise que je ressens en regardant Mme Buzyn parler. Je dis bien regardant parce que la dissonance entre le verbal et le non verbal est criante. C’est fou. »
Après cette séquence digne d’Arrêt sur images, petit intermède apparemment sans rapport, mais dont la portée apparaîtra bientôt. Il y a quelques semaines, profitant d’une heure creuse, je suis allé faire quelques courses au supermarché à côté de chez moi. Alors que le magasin était à peu près désert, j’ai entendu soudain un grand brouhaha lié à l’irruption d’une vingtaine de gamins du collège voisin (âge moyen 14-16 ans), manifestement décidés à faire du chahut (probablement pour passer outre l’interdiction qui leur est faite d’acheter de l’alcool). Aussi habilement que discrètement, la direction a fait illico rappliquer tout le personnel « invisible » (on n’a pas idée du nombre d’employés qui bossent dans les coulisses d’un magasin même modeste) : de telle sorte qu’en un rien de temps, et sans aucun début de violence physique, les gamins qui s’imaginaient en imposer aux rares employé(e)s normalement en place à cette heure matinale se sont trouvés – et ridiculement – en manifeste infériorité de nombre, de biceps et de territoire (les autres agissant en l’espèce sur leur lieu de travail). Avant de déguerpir pitoyablement (et d’aller joncher le parking alentour des papiers générés par un pique-nique improvisé : oralité oblige…), le pré-adolescent boutonneux qui servait de chef à ces envahisseurs à peine pubères a jugé bon de s’exclamer que, eux aussi, ils avaient « droit au respect » – sans même s’interroger sur l’origine de la situation ni, encore moins, préciser les manifestations d’irrespect dont ils auraient été les victimes ni, de toute façon, se poser la moindre question sur les prérequis du respect dans une vie sociale élémentairement civilisée.
Tout cela était objectivement ridicule et tristement représentatif de la « génération “j’ai le droit” » tel qu’elle peut s’exprimer au jour le jour dans une progéniture de petits bourgeois manifestement étrangère à toute notion d’autorité légitime25et de savoir-vivre. Or, et c’est là que je voulais en venir, il est frappant que la réaction évidemment immature du gamin qui servait de leader à cette bande de dictateurs en herbe est exactement celle de Macron à l’endroit de l’aide-soignante qui ose tenir tête à Jupiter. Car après avoir essayé de la dominer au moyen de sa supériorité intellectuelle présumée (« Il ne faut pas dire de bêtises »…), ce dernier, pour sauver la face, ne trouve rien de mieux que de lui reprocher son incivilité : du bas de son infimité, l’aide-soignante s’est permis de ne pas lui rendre son salut alors qu’à l’évidence, lui aussi a droit au respect – et plutôt plus qu’un peu. Or, quand un président de la République débarque à l’improviste avec une armée de photographes juste pour prendre la pose du responsable politique s’attaquant au réel, répondre par un refus des convenances (en l’espèce ne pas serrer la main qui se tend sans autre justification que la pose à visée médiatique) devient objectivement un geste politique : il n’y a pas besoin d’avoir fait de longues études de philosophie26 pour comprendre ça, de telle sorte que contester – et publiquement – cette dimension politique en ravalant le courage de l’aide-soignante à une simple impolitesse a bien valeur d’une volonté complémentaire d’humiliation qui n’a rien à envier aux abjectes mimiques d’Agnès Buzyn à destination de la même27.
Quand j’avais l’âge de Macron, c’était une blague courante de soutenir que la bêtise humaine donnait une idée de l’infini. Mais depuis le renouvellement du personnel dirigeant qui a suivi la dernière élection présidentielle, on peut dire que l’arrogance s’est substituée à la bêtise pour donner cette idée de l’infini (c’est d’ailleurs ce qu’on entend quand on parle de l’illimitation où a baigné la génération Macron et celle qui suit). Car le pompon de cette immonde séquence, c’est bien au Patron qu’il revient : cet homme qui peinerait à produire une réalisation professionnelle humainement décente28 n’a rien de plus judicieux que d’exhorter cette femme à plus de « courtoisie » à l’endroit des malades et de leurs soignants, alors que chaque jour, dès 5 heures de chaque matin, elle y consacre sa vie pour des émoluments qu’on peine à imaginer aussi mirobolants que ceux de son contempteur… Traduisons en bon français ce que lui dit le Président : « vous êtes tellement minable que vous ne vous rendez même pas compte que vous vous chiez dessus »2930.
N’en déplaise aux penseurs profonds, fussent-ils « socialistes », qui reprochent aux syndicats l’archaïsme de leur agenda politique31, on reconnaît sans peine la « lutte des classes » – et sa brûlante actualité – dans le cynisme de ces deux-là acharnés jusqu’à l’indécence à humilier une dignissime représentante d’un système de santé saccagé au bénéfice de leurs sales amis32.
Avais-je tout à fait tort de conclure un précédent article en dénonçant le personnel promu par Macron comme une bande de gosses mal élevés et sans limites : je n’étais pas le seul, d’ailleurs…
Ce serait une tâche philosophique d’une autre envergure que les modestes mémoires universitaires de Macron (dont le directeur présumé n’a curieusement gardé aucun souvenir) que de mettre au jour le lien naturel entre les priorités vaccinales du nouveau pouvoir et la dictature égocentrique de ses plus éminents représentants.
- « Animal fabuleux, à tête et à torse de femme et à queue de poisson, qui passait pour attirer, par la douceur de son chant, les navigateurs sur les écueils » (Le Grand Robert).
- Surtout si l’on est manchot…
- On portera à mon crédit la remarquable délicatesse genrée qui m’inspire le mot « théorie » pour qualifier le cloaque d’idées aussi nauséabondes que reçues sur quoi débouche si naturellement la réflexion de la très-Haute qui régnait jusque voici peu sur notre déjà-Haute Autorité.
- Ce chiffre d’affaires correspondait à celui d’un homme qui bossait entièrement seul, sans même la collaboration d’une secrétaire ou d’un stagiaire.
- Dégringolade qui, comme l’indique la flèche rouge, coïncide bizarrement avec le moment où la justice française a eu la mauvaise idée de me missionner sur quelques grandes affaires pharmaceutiques…
- Aux USA, si j’en crois les amis ou les proches qui vont au cinéma, on fait des films à la gloire des personnes qui ont pourtant pris moins de risques que ceux concrétisés par cette Figure. En France, on fait certes des films idiots pour célébrer des gourdes narcissiques manipulées par le système; mais dès qu’on en arrive aux choses sérieuses, avec un opposant assumant de vrais risques en dénonçant d’authentiques scandales, il suffit de se tourner vers les plus hautes instances judiciaires, Cour de cassation incluse au premier chef, pour : i/ aggraver la ruine de l’intéressé par : ia/ des refus incongrûment motivés de paiement d’expertises pourtant aussi exténuantes qu’irréfutables et irréfutées, ib/ des arrêts déboutant l’intéressé, au prix additionnel d’articles 700 exorbitants, dans des procès civils que, selon l’avocat même de son adversaire, « il devait gagner » ; ii/ le diffamer par des arrêts faisant grossièrement fi de la loi et de la jurisprudence, et consacrant quasiment mot pour mot les invraisemblables dénigrements des lobbies médico-pharmaceutiques, au terme de procédures où, jamais appelé dans la cause, il n’aura même pas été invité à faire valoir son droit pourtant « fondamental » à défendre sa réputation…
- Faute d’intérêt pour les polémiques ad hominem – pardon : ad feminem –, je passe sur d’autres incongruités de la même au même sujet, ainsi que sur ce que la presse a appelé ses « petits arrangements » avec les forces de l’argent qui grenouillent dans le monde de la santé (Médiapart, 07/03/16).
- J’ai connu une « chercheuse » remarquablement docile qui a fort précocement fondé sa réputation internationale sur un grand nombre (plusieurs centaines) de publications liées au développement d’un nouveau médicament (forcément) révolutionnaire. Puis, ledit médicament fut retiré en douce et dans des conditions moins que glorieuses, pour la raison simple que c’était juste une merde (pas d’efficacité, tolérance inacceptable) : c’était il y a quelque trente ans, mais les médias continuent de justifier la notoriété de cette collègue par la liste de ses travaux et publications qui, faut-il le préciser, est loin d’avoir dégonflé depuis – sans avoir jamais fait l’objet du moindre correctif.
- Comme bien documenté, parmi bien d’autres sources, dans le livre heureusement traduit de P.C. Gøtzsche intitulé Remèdes mortels et crime organisé (Presse de l’Université de Laval, 2015).
- En raison : i/ de la pusillanimité des Narcisses contemporains, prêts à gober n’importe quelle arnaque sur la vague promesse d’une mort repoussée un peu et à n’importe quel prix, ii/ d’une organisation démente de la pharmacovigilance, qui – avec l’appui enthousiaste des Narcisses susmentionnés et de leurs porte-parole (Rivasi & Co) – permet de noyer les toxicités significatives dans le flot des « événements » indésirables et des notifications de consommateurs hypocondriaques dépourvues de la moindre signification.
- En raison : i/ des contraintes technico-réglementaires excessivement allégées qui pèsent sur leur développement ; ii/ de la facilité avec laquelle il est possible d’élargir les populations-cibles – avec l’appui enthousiaste des mêmes Narcisses (menés, par exemple, par la FCPE pour la vaccination contre l’hépatite B, ou par les féministes pour la vaccination contre le HPV : rien que des gens sérieux, quoi).
- Pour ceux qui auraient mal suivi, je n’ai rien contre la mammographie comme outil de diagnostic : ma critique porte sur la mammographie comme outil de dépistage.
- Que je ne vois aucune raison d’amender après six ans d’aggravation continuelle au travers d’une poudre aux yeux dont Médiator a été l’ingrédient le plus voyant.
- Buzyn a parfaitement le droit de ne pas se ranger à l’avis de quelque sommité que ce soit ; mais la moindre des choses, en une telle situation, c’est de justifier son désaccord au lieu d’ânonner en boucle les inepties que les sommités en question se sont justement attachées à réfuter avec force arguments.
- Cf., entre autres et sur le sujet, les nombreuses contributions de l’excellent Gilbert Welch.
- Paru encore très récemment (08/06/17) dans The New England Journal of Medicine – sous-revue médicale pour blaireau jamais sorti de sa brousse -, un article cosigné par Welch fait état d’une incidence plus élevée, chez les plus riches, des cancers suivants: sein, prostate, thyroïde, peau (mélanome). En terme de survie, cette “efficacité” du dépistage n’a aucun impact sur la mortalité par rapport aux moins riches; simplement (nous sommes aux USA), une supériorité de moyens financiers permet aux premiers d’être davantage suivis et soumis à plus de dépistages. Nous sommes là dans un constat exactement contraire au discours promotionnel de Madame Buzyn…
- Rappelons que quand Jean-Marie Le Pen promouvait, dans les années 1980, le dépistage systématique du SIDA, ce problème des faux positifs faisait qu’à l’époque, au moins 99% des « séropositifs » n’auraient, en fait, PAS été contaminés : il y a quelque chose de consternant au spectacle d’une consoeur, médiatiquement présentée comme scientifique éminente, tenant des raisonnements qui servent d’arguments promotionnels aux moins scrupuleux de nos populistes…
- Il suffit de voir à l’œuvre, même dans les thèses contemporaines, le déprimant rituel des dédicaces par dizaines adressées à tous les assistants, maîtres de stage et autres sous-fifres circonstanciels croisés à l’hôpital au cours des études de médecine, pour prendre la mesure de l’état d’esprit qui règne encore ici chez les disciples français d’Hippocrate.
- Vous savez : celle qui a bouché le port…
- Les seules efficaces, d’après l’INSERM – que préside désormais le mari de Buzyn…
- Il est exact que dans cet article, la vaccination contre la grippe me paraissait un bon candidat pour le coup de force d’un élargissement des obligations. Mais les stratèges de Big Pharma ont dû penser qu’avec le précédent du fiasco pandémique joint au travail assez exceptionnel de la fondation Cochrane sur les vaccinations antigrippales, une telle indication risquait d’alimenter une résistance trop facile. Il y avait moins périlleux dans l’immédiat. L’obligation de vaccination anti-grippale (à côté de laquelle on est passé très près en 2009), ce sera dans un deuxième temps – avec un(e) Touraine-Buzyn bis ou ter: mais là, ce sera tous les ans…
- Dans son édition du 07/06/17, Le Canard Enchaîné rapporte les efforts de Wikipédia (autre source dont la crédibilité a déjà été célébrée sur le présent site) pour dissimuler les liens de Buzyn avec l’industrie pharmaceutique.
- Comme celle de l’hormone de croissance.
- Si j’en crois les informations qui me viennent de pays voisins, il y a là, effectivement, quelque chose de très français. À l’époque où Thierry Breton était encore ministre, j’ai souvenir d’un article du Monde narrant une réunion de travail où, sans autre motif que son bon vouloir, l’intéressé avait envoyé fermer la porte du bureau celui de ses collaborateurs qui en était le plus éloigné : manifestement fasciné, le journaliste présentait ce pitoyable autoritarisme comme démonstration éclatante d’un authentique leadership…
- Il faut « que les règles soient respectées » a clamé, en connaisseur, Macron dans l’entretien télévisé diffusé au moment même où s’écrivent ces lignes… On note au passage (ce qui n’a évidemment rien à voir avec ce qui se dit ici) qu’au cours de cet interview dont il a lui-même fixé les modalités, notre dévot des règles s’est permis d’arriver avec juste une heure de retard, dixit la presse.
- Celles de Macron n’ayant d’ailleurs pas été très longues, en vérité…
- Dans la rubrique Je perds toute décence dès qu’il s’agit d’approuver les pires enfantillages de Macron et de son ministre, un grand bravo au journal Ouest-France (09/04/18) qui croit judicieux de préciser : « Alors que certains approuvent l’attitude de l’aide-soignante, d’autres internautes ont tenu à rappeler son passé politique. En effet, comme Ouest-France a pu le vérifier, Valérie Foissey s’est présentée au moins deux fois aux élections législatives en Seine-Maritime sous l’étiquette Lutte ouvrière. » Reprocher à quelqu’un son engagement politique afin de dénigrer la portée politique de ses actes, fallait oser le faire : premier quotidien régional dans notre pays, Ouest–France l’a fait. Et dire que quand, voici quelques semaines, j’ai cru pertinent de déplorer « la dépolitisation » du débat public, il s’est trouvé des lecteurs interloqués pour me demander ce que je voulais bien dire par là…
- Je ne trouve rien de décent – et même plutôt contraire à la « décence ordinaire » – d’avoir gagné plus de deux millions d’euros en moins de deux ans, sans pouvoir afficher quoi que ce soit de transcendant dans sa formation intellectuelle antérieure (nonobstant les cireurs de bottes qui ne craignent pas de célébrer comme “surdiplômé” un type ayant échoué à Normale Sup à deux reprises…), ni donner, au jour le jour, le moindre indice de supériorité mentale.
- Avec la même lucidité vibrante d’humanité, le “président des riches” a déjà eu l’occasion de déplorer le rôle de “l’illettrisme” et de “l’alcoolisme” dans la genèse du chômage…
- Il est intéressant de relever qu’à peine quelques jours après, le même Macron n’ait rien trouvé de mieux que l’exhortation au “respect” censément dû au Parlement européen, pour dénoncer les “bêtises et contre-vérités” proférées par le député belge Ph. Lambert qui s’était permis de critiquer la politique du Très-Haut (Huffpost, 17/04/18). La première Dame peut s’escrimer à accréditer qu’en sus de ses qualités déjà innombrables, le Président cache modestement un fabuleux talent d’écrivain: ses figures de style sont quand même assez stéréotypées… Au passage, on recensera, comme caractéristique potentiellement significative de notre Jupiter national, un certain manque d’humour – qui tranche, évidemment, avec l’image de “jeunesse” qu’il aime à mettre en valeur.
- Cf. l’interview de Peyrelevade dans L’Express du 28/03/18.
- Pour justifier les propos de Macron sur “l’illettrisme” et “l’alcoolisme” des chômeurs, ses collaborateurs n’ont pas craint de soutenir que “On ne peut pas déconnecter les réalités les unes des autres” (L’Express, 16/01/17). Déplacer le débat en interprétant les conséquences comme des causes est le type même de “déconnection” permettant d’accréditer l’obsolescence de la lutte des classes et de célébrer la “recomposition”. Stigmate éloquent de cette dépolitisation : l’effrayante propension des responsables de la nouvelle majorité à insulter sans la moindre vergogne ceux qui osent s’opposer à eux. Non content des humiliations déjà proférées sur une durée de quelques jours seulement (telles qu’elles ont été brièvement analysées ici, d’ailleurs sans aucun objectif d’exhaustivité), Macron n’a pu s’empêcher d’exhorter les cheminots à « cesser de prendre les gens en otage » (Libération, 18/04/18), tandis que dépêché à Notre-Dame des Landes, l’excellent Nicolas Hulot s’est autorisé à stigmatiser « ceux qui confondent écologie et anarchie » (Huffpost, 18/04/18). Ces gens-là, qui ont donné toutes les preuves de leur maturité humaine (cf. plus haut) et de leur cohérence idéologique, n’ont pas d’adversaires politiques (c’est-à-dire des égaux autorisés à avoir une autre vision de la société et de ses priorités) : ils se contentent de faire la leçon à des gamins évidemment mal élevés… Une amie militante qui m’avait reproché d’avoir soutenu, lors de la campagne présidentielle, que l’élection de Marine Le Pen ne serait « pas pire » que celle de Macron m’a dit récemment : « tu avais raison… »