C - L’expert dans les prétoires (Centre d’Alembert, 14-15 mai 2008)
Quoique les documents relatifs au colloque « Les nouveaux enjeux de l’expertise scientifique » (qui s’était tenu au Centre d’Alembert, à Paris, les 14-15 mai 2008) aient été, depuis cette date, disponibles en ligne, je n’avais jamais pris le temps de m’y plonger, me contentant de poster sur mon site un résumé très succinct (en date du 22/05/2008). Un travail d’archivage m’a permis de retrouver le texte intégral d’une communication qui avait duré près de trois quart d’heures (et qui se trouve désormais disponible à la même adresse), ainsi que la vidéo (comprenant les échanges avec la salle) que, de nouveau, je visionne pour la première fois.
Pour l’orateur invité que j’étais, l’enjeu était double.
- Établir un lien entre le thème du colloque – l’expertise scientifique, en général – et l’expertise judiciaire, en particulier. En fait et d’expérience, l’expertise judiciaire souffre de tous les défauts actuellement répertoriés dans l’expertise en général ; mais l’archaïsme et la rigidité du monde judiciaire français ont conduit ces défauts à un tel degré qu’ils fournissent désormais une sorte de tératologie de l’expertise dont les monstruosités éclairent, en retour, la mécanique des vices dont souffre le travail expertal en général.
- Dans un effort d’objectivation, je voulais parvenir à extraire un enseignement impersonnel de l’expérience extrêmement douloureuse qui était celle de mes patients et de moi-même. Il fallait, en particulier, entrer – devant un public profane – dans un minimum de détail procédural et juridique pour faire comprendre les enjeux de cette terrible histoire : c’était la première fois que je l’exposais en public, au risque de raser mon public. D’ailleurs (je l’avais oublié…), il y a un moment d’émotion personnelle très palpable dans cette vidéo (vers 22:30), quand j’évoque la souffrance des victimes.
Loin d’en être indisposés, les organisateurs se sont trouvés impressionnés par la dimension humaine de ce témoignage, au point que, comme on peut le constater en se rendant sur le site du colloque, j’ai été l’un des deux seuls intervenants invités à joindre à mon résumé l’intégralité de mon intervention (disponible désormais en PJ.) [1].
Deux remarques pratiques, enfin :
- On peut trouver plus tard sur mon site une actualisation de l’histogramme (19:50) qui objective les conséquences financières au long terme de la maltraitance qui s’est exercée à mon détriment.
- C’est indûment qu’à plusieurs reprises, je soutiens avoir été « radié » de la liste des experts judiciaires, alors que la Cour d’appel de mon rattachement s’est contentée de refuser ma réinscription – ce qui est juridiquement bien différent et bien plus pervers. Mais lors de ce colloque, j’étais déjà suffisamment entré dans le détail juridique pour ne pas aborder cette subtilité supplémentaire, dont le résultat le plus net était que, de toute façon, l’administration judiciaire avait décidé de se passer de mon expertise : quitte à privilégier le concours d’autres « experts » complètement ignorants des documents officiels régissant les données de la pharmacovigilance (4:30) [2] ou encore ceux qui présentent comme neutres et impartiaux des rapports d’enquête dont les textes en vigueur précisent qu’ils ont été rédigés « en commun » (31:40) avec les fabricants concernés. Le futur premier président de la Cour de cassation, et les magistrats de l’assemblée générale de la Cour d’appel de Versailles qu’il présidait en date du 08/11/2006, eussent été bien inspirés de reprendre quelque cours élémentaire de droit sur le contradictoire avant de justifier le refus de ma réinscription en alléguant que « le Dr Girard n’a plus l’impartialité, la distance et la sérénité nécessaire pour mener à bien les missions d’expertise qui lui sont confiées »…
Tératologie de l’expertise, disais-je en introduction [3]…
[1] Il est notable que je n’ai jamais retrouvé cette vibration de compassion lorsque, ultérieurement, j’ai eu à renouveler ce témoignage devant des publics de juristes. La dernière fois, l’un des plus éminents de mes auditeurs, membre de la Cour de cassation, a lâché en aparté : « Girard, il ne sait parler que de lui… ». Je laisse mes visiteurs apprécier si l’inspiration de mon exposé est à ce point égocentrique, à charge pour eux de s’interroger en retour sur la frigidité humaine que révèle ce genre de critique – et sur le potentiel de Justice que l’on peut attendre d’un tel personnel.
[2] Comme il est dit dans mon intervention, c’est un peu comme un contrôle fiscal où le contrôleur ignorerait les déclarations de revenus déposées par le contribuable concerné.
[3] La tératologie étant, selon le Grand Robert, « l’étude des anomalies et des monstruosités ».
Marc Girard
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