Vacciner les bébés ?
RÉSUMÉ - Initialement mis en ligne le 29/10/2004 (soit depuis près de 15 ans), cet article n’a rien perdu de son actualité, surtout en considération de la niaiserie béate avec laquelle le Conseil d’État a balayé [1] les objections pourtant facilement documentables qu’on peut opposer à la vaccination des bébés contre l’hépatite B. Le texte qui suit récapitule les éléments de fait attestant que les responsables sanitaires français n’ont cessé de se contredire ou de raconter n’importe quoi sur le sujet [2]. C’est l’occasion, aussi, de se distancer des antis de tout poil, qui aiment à se poser eux aussi en « experts » alors qu’ils ignorent les bases élémentaires du sujet (par exemple : que les vaccins SONT bien des médicaments). L’occasion, pour tout dire, de méditer une fois encore à ce que j’appelle « les critères intrinsèques de crédibilité ».
Même si, lorsqu’on a passé des milliers d’heures sur le dossier du vaccin contre l’hépatite B, la réponse à cette question va de soi, l’expérience m’a enseigné que l’autorité expertale n’est d’aucun secours pour éclairer les gens sur ce type de problème. D’abord, parce que entre des experts qui s’affrontent, le profane n’a aucun repère pour reconnaître celui ou ceux qui disent la vérité. Ensuite, parce que l’incitation à vacciner nos bébés renvoie à un souci tellement viscéral qu’il en vient à dépasser notre capacité de raisonnement.
L’Expert, dans de telles conditions, ce n’est pas celui qui sait : c’est celui qui parvient à prendre suffisamment en considération l’inquiétude des gens pour leur donner les moyens de reprendre la main, les aider à acquérir une certaine maîtrise de l’information et à se faire leur propre idée sinon du problème technique, du moins des forces en présence.
Face à une promotion commerciale qui ne regarde pas sur les moyens et joue sciemment sur l’une de nos impulsions les plus sacrées – protéger nos bébés, au péril de notre vie s’il le fallait – quel argument serait donc susceptible de contrecarrer le souci artificiellement entretenu que nos petits ne soient contaminés par le virus de l’hépatite B ? Celui-ci, je crois : confieriez-vous votre bébé à n’importe qui ?
Or, ceux qui exhortent les parents à vacciner leurs bébés sont les mêmes qui, en 1994, n’hésitaient pas à brandir le risque d’une contamination salivaire pour inciter à vacciner enfants et adolescents : qui ignore désormais qu’une telle contamination était plus un argument commercial qu’une donnée épidémiologique établie ? Ceux qui inscrivaient la vaccination contre l’hépatite B au calendrier des vaccinations sont ceux qui, dans le Guide des vaccinations (édition de 1995, p. 107), admettaient que l’on connaissait mal l’épidémiologie de la maladie dans notre pays : qui ignore aujourd’hui que les chiffres alors lancés dans le public étaient grossièrement exagérés ? Ceux qui maintiennent l’intérêt de cette vaccination sont ceux qui, dans les revues épidémiologiques, admettent sans rire qu’il existe une incertitude de 1 à 7 sur les chiffres de contamination virale [3] : qui prendrait au sérieux les gens de l’INSEE s’ils venaient nous dire qu’au terme du dernier recensement, la population française compte entre 60 et 420 millions de citoyens ? Les responsables de la veille sanitaire en charge d’informer les Français sur les risques qu’ils encourent sont ceux qui, en simplement quinze jours du mois d’août 2003, se sont obstinés à ne pas voir quinze mille décès (dont un bon nombre chez de jeunes adultes, quoiqu’ils l’aient occulté ensuite) : qui leur ferait confiance pour dénombrer les victimes du vaccin quand, en dix ans, il a fallu attendre une étude américaine réalisée sur une base britannique pour voir enfin évalué le risque neurologique de ce vaccin auquel, chez nous, quelque 25 millions de personnes ont été exposées ?
Confieriez-vous votre enfant à des « experts » qui disent ou font n’importe quoi ?
Ceux qui soutiennent désormais qu’il n’y a aucune affection démyélinisante chez l’enfant ont malencontreusement oublié que dans leurs précédents communiqués, ils en décomptaient plusieurs dizaines : confieriez-vous votre bébé à des « responsables » sanitaires qui mentent aussi effrontément ?
Même au temps des délires commerciaux sur « l’hépatite qui tue plus que le SIDA », personne ne soutenait sérieusement que les bébés français courraient le risque de contracter une hépatite B. Historiquement, la rationalité d’une vaccination avait été fixée par le Comité Technique des Vaccinations (CTV) et elle était la suivante : on les vaccine quand on les a sous la main (via les visites néonatales obligatoires), de telle sorte qu’avec le rappel de l’adolescence, ils seront immunisés à vie [4] . Mais aucun « expert » ne semble avoir aperçu que cette belle construction s’est écroulée d’un seul coup le jour où M. Kouchner a fait supprimer la nécessité du rappel…
Or, entre autres spécificités, le vaccin contre l’hépatite B se distingue par le fait que l’on maîtrise très mal la durée de l’immunité qu’il confère : parue dans une revue internationale de pédiatrie, une récente étude montre qu’en tout cas, une proportion importante de bébés vaccinés ne sont plus protégés après seulement quelques années [5].
Il est donc avéré qu’arrivés à l’adolescence – à cet âge où nos autorités sanitaires consacrent plus d’énergie à les préserver de l’hépatite B que des dangers du tabac ou de l’alcool – un bon nombre des bébés vaccinés ne sont plus protégés contre le virus, alors qu’ils ont évidemment été exposés à tous les risques du vaccin.
Prétendre, de plus, que la vaccination n’a occasionné aucune sclérose en plaques (SEP) chez le nourrisson est une ineptie doublée d’une mystification. S’il est exact que le système de myéline est immature chez le nouveau-né, ce dernier n’en sécrétera pas moins les anti-corps qui, selon toute probabilité, finiront par confondre le soi et le non soi chez certains d’entre eux : et qu’en sera-t-il lorsque leur myéline sera formée ? Une bombe qui n’éclate pas quand on la pose, cela s’appelle généralement une bombe à retardement. D’autre part, et dans la mesure où les experts de l’Agence ont décrété qu’il fallait pas moins de deux poussées pour poser un diagnostic de SEP, quiconque connaît les pratiques préhistoriques de la pharmacovigilance française en matière d’informatisation et de suivi reconstitue sans peine ce qui s’est passé : au lieu de s’étonner qu’un bébé de cinq mois fasse une première poussée, on a jugé qu’il était urgent d’attendre, ce qui a permis de perdre de vue un bon pourcentage de cas et de dater chez les autres l’apparition de la maladie lors de la seconde poussée, quelques années plus tard… C’est avec de tels artefacts de codage que l’on entretient le mythe qu’aucune sclérose en plaques n’a été observée chez les bébés.
On en est donc arrivé à ce prodige : ceux-là mêmes qui ne sont pas capables de recenser quinze mille décès en 15 jours sont parvenus à crédibiliser que nos bébés seraient à risque de contracter une hépatite virale tandis qu’ils seraient « immunisés » contre les risques neurologiques du vaccin… Un nouveau French paradox ? Depuis qu’un ancien maire de Lourdes s’est investi dans cette vaccination, la Fille aînée de l’Eglise a basculé dans le miracle permanent en matière d’hépatite B : la multiplication des contaminations (la salive, le jeune âge…), des SEP pédiatriques qui disparaissent providentiellement des décomptes de l’Agence, un vaccin dont on commence à reconnaître la méchanceté à l’égard des adultes mais qui redevient tout gentil quand on le laisse s’approcher des petits enfants… Et je ne parle pas de l’enrichissement des actionnaires !
A propos : qui a déjà vu, dans son entourage, une hépatite virale fulminante ? Mais qui n’a pas vu, aujourd’hui, de sclérosés en plaques ? Y en avait-il autant il y a – disons… dix ans (cf. Les chiffres) ?
Ne confiez plus vos bébés à n’importe qui…
[1] Sans grande résistance de l’avocate de la Ligue pour la Liberté des Vaccinations, il faut le reconnaître...
[2] Jusqu’à présent disponible en PDF, le texte de cet article a été repris dans un format permettant d’utiliser les outils de recherche disponibles sur l’interface SPIP.
[3] Antona D, Lévy-Bruhl D. Epidémiologie de l’hépatite B en France à la fin du XXe siècle. Médecine et Maladies Infectieuses 2003 ; 33 (Suppl A) : 34-41.
[4] Il est intéressant de relever au passage que le calendrier des vaccinations (contre l’hépatite comme pour les autres) n’est ainsi pas fixé en fonction d’un risque réellement encouru, mais sur des critères purement opérationnels : à quel moment a-t-on le plus de chances de toucher le plus d’enfants ? Personne ne sait ici, par exemple, que certains des vaccins combinés utilisés en France pour maximiser le nombre de vaccinations faites d’un seul coup ont été purement et simplement rejetés par l’administration sanitaire américaine – que l’on ne peut pourtant soupçonner d’une position anti-vaccinaliste…
[5] Petersen KM, Bulkow LR, McMahon BJ et al. Duration of hepatitis B immunity in low risk children receiving hepatitis B vaccinations from birth. Pediatr Infect Dis J 2004 ; 23:650-5.
Marc Girard
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