Diane, Myolastan, Parlodel : la pharmacovigilance à l’oeuvre
Voici quelques semaines, de fidèles lecteurs m’avaient demandé de commenter le retrait du tétrazépam (Myolastan) décidé par l’ANSM. J’avais alors décliné en alléguant le manque de temps, mais l’accumulation de nouvelles décisions aussi difficilement justifiables me conduit reconsidérer ma position initiale d’abstention : comme dirait François Hollande, il faut savoir rester "mobilisable" devant l’actualité - même (et surtout) pendant les vacances... En l’espèce, il s’agit d’illustrer une fois encore par l’exemple l’incompétence de la pharmacovigilance, l’inconcevable légèreté des autorités sanitaires, enfin la formidable perversité des politiques qui ont voulu accréditer que la pseudo-affaire Médiator allait bouleverser les pratiques du monde pharmaceutique.
Comme il fait chaud, je vais essayer d’être bref.
Diane
Le scandale de Diane était double :
- sa toxicité (cardiovasculaire, notamment, mais pas seulement) avait été soigneusement dissimulée à la majorité des utilisatrices quoiqu’elle fût connue depuis quasiment l’origine (soit, en l’espèce, depuis près de 30 ans) ;
- beaucoup plus fort encore : alors que l’essentiel des ventes pour ce médicament concernait une utilisation contraceptive, Diane n’avait tout simplement pas l’indication "contraception orale" ; il s’agissait à l’évidence d’un cas énorme de mésusage, connu de tous les professionnels de santé et sur lequel l’administration sanitaire française avait fermé les yeux depuis le tout début également.
Quelle réaction à ce double scandale eût été appropriée ?
- Le premier concernait tous les produits hormonaux utilisés comme contraceptifs et relevait d’une histoire culturelle ancienne dont les déterminants multiples et intriqués dépassaient, à l’évidence, la simple police sanitaire : mutatis mutandis, focaliser sur Diane l’opprobre relative à cette désinformation organisée reproduisait la pitoyable entourloupe ayant consisté à faire croire que la criminalité pharmaceutique se résumerait aux seuls méfaits de Servier, petit vingt-cinquième d’une classe comportant des malabars d’une toute autre envergure [1]...
- Le second concernait le mésusage d’un antiacnéique prescrit, hors indication, comme contraceptif. Sachant que l’autorité sanitaire ne s’en était jamais émue quand elle ne l’avait pas encouragé [2], il y avait une foultitude de mesures à prendre et de contrôles à exercer avant de décréter que le seul antidote à ce mésusage devait consister en un retrait pur et dur.
Bref et pour résumer, l’administration française a eu tort sur toute la ligne et c’est bien ce que, sans précautions oratoires, l’administration européenne vient de lui faire remarquer.
Mais par derrière ce désaveu cinglant, c’est aussi toute l’hypocrisie de la trop fameuse "réforme du médicament" - qualifiée en son temps sur ce site de "réformette franco-française" - qui vient de se confirmer : malgré les tartarinades des Bertrand, Bapt et Debré, le démenti européen visant Diane illustre que - en matière de médicament comme en bien d’autres - la France n’a quasiment aucune marge de manoeuvre et qu’il fallait être franchement désinformé [3] ou désagréablement pervers pour s’appliquer à accréditer le contraire.
Myolastan
Introduit sur le marché français depuis 1969, Myolastan (tétrazépam) appartient à la classe des benzodiazépines qui a commencé d’être développée à la fin des années 1950 et dont le représentant le plus connu est probablement Valium (diazépam). Cette classe pharmacologique se caractérise par des propriétés anxiolytiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes (c.-à-d. décontracturantes). C’est principalement sur cet axe myorelaxant que Myolastan a été promu, avec comme indications les contractures musculaires douloureuses (torticolis, dorsalgies, lombalgies...).
Si l’on en croit les données de la réévaluation opérée à l’échelon européen (mais où la France se plaît manifestement à souligner son rôle moteur) et qui a conduit à une récente décision de retrait dans tous les pays de l’Union européenne, le tétrazépam se distinguerait dans la classe des benzodiazépines par une propension particulière à provoquer des réactions cutanées graves, dont des syndromes de Lyell [4].
Le premier problème, c’est qu’à ma connaissance, on ne trouve dans la littérature internationale que deux cas publiés de syndrome de Lyell sous tétrazépam [5], ce qui - on en conviendra - fait singulièrement peu sur une période d’environ 45 ans et pour un médicament qui, à l’échelle mondiale, a dû traiter des centaines de millions de personnes [6].
- Certes, on sait que le nombre de cas publiés n’est qu’une fraction des cas rapportés, laquelle n’est elle-même qu’une fraction des cas effectivement survenus (sous-notification). Mais pour quiconque a un minimum de familiarité avec les pratiques aussi aléatoires qu’opportunistes de la pharmacovigilance française en matière d’enregistrement, de validation et d’évaluation des notifications spontanées [7], le nombre de cas publiés reste le seul indicateur objectivement vérifiable et qui, à lui seul, permet des comparaisons concernant la réactivité des autorités dans d’autres situations de toxicité médicamenteuse.
- Certes, l’ANSM inclut dans ses sujets de préoccupation d’autres syndromes cutanés sous tétrazépam (dont des Stevens-Johnson et des hypersensibilités [DRESS]), mais dont la caractérisation nosographique n’est pas toujours très ferme, dont la gravité est généralement moindre que celle des Lyell et dont le nombre reste également fort restreint toutes choses égales par ailleurs.
- On relève de plus que dans la seule des deux observations à avoir été publiée dans une revue de diffusion internationale [8], la causalité apparaît plus que problématique. L’absence d’autres publications probantes renforce ces doutes relatifs au potentiel de tétrazépam à provoquer effectivement des syndromes de Lyell : la tendance, en effet, est de publier les observations "typiques" où il existe des raisons suffisantes pour suspecter tel ou tel médicament, et la rareté de telles publications pour les Lyell sous tétrazépam crédibilise rétrospectivement qu’il n’y a pas dû y avoir beaucoup d’observations convaincantes avec ce produit.
- Il ne faut donc pas négliger qu’à côté du phénomène classique de sous-notification, la pharmacovigilance française nous a aussi habitués à des pratiques de surnotification concernant des médicaments qu’elle voudrait voir passer à la trappe, lesquelles pratiques incluent notamment des validations expéditives [9], des diagnostics différentiels à la hache [10] et des imputations nettement excessives [11] : tous les exemples cités en note sont tirés de mon expérience.
Globalement, les rapporteurs de l’enquête diligentée par la pharmacovigilance française dénombrent, depuis 1993 [12], 305 réactions cutanées "graves" [13] sous tétrazépam, soit une quinzaine de réactions par an pour un médicament dont on nous dit qu’il traite des millions de personnes chaque année dans notre pays [14] [15]. Parmi ces réactions cutanées, les rapporteurs dénombrent 33 cas de Lyell, soit entre un et deux par an [16].
Au total, relativement à un médicament ancien pour lequel, en exposition comme en durée, on dispose d’un recul de pharmacovigilance considérable (et finalement assez exceptionnel en pharmacie), les "experts" ont décidé que la simple hypothèse d’une toxicité potentiellement grave, mais exceptionnelle (1 à 2 cas notifiés par an, 2 publications mondiales dont au moins l’une assez contestable) était suffisante pour justifier la plus sévère des mesures administratives qui puisse être prise à l’endroit d’un médicament : le RETRAIT pur et simple. Sans aller plus avant dans la critique d’un rapport d’enquête nationale dont presque chaque ligne pourrait justifier des pages de critiques méthodologiques radicales, trois remarques permettront d’éclairer les déterminants, les conséquences et la signification de cette décision exorbitante.
- En admettant que cette toxicité cutanée - non différée dans le temps [17], insistons-y - soit effectivement digne de justifier un RETRAIT, ce n’est pas rassurant pour la population de penser qu’il a fallu 45 ans pour s’en apercevoir : ça laisse penseur quant à la réactivité des "experts" qui veillent sur la toxicité des médicaments et qui sont supposés, réglementairement, opérer, sur une base chronologique régulière, une réévaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments présents sur le marché.
- Comme à son habitude, la pharmacovigilance a oublié que, surtout quand un médicament est largement employé, toute mesure de restriction ou de retrait entraîne nécessairement des phénomènes de report de prescription : dès lors et quels qu’ils soient, les risques du médicament visé par l’enquête ne peuvent être considérés dans l’absolu, mais relativement aux risques prévisibles des alternatives thérapeutiques les plus probables [18]. "Oublié" : que dis-je ? La pharmacovigilance française a - une fois n’est pas coutume - parfaitement pensé aux médicaments susceptibles de remplacer le tétrazépam dans l’indication des contractures musculaires, n’hésitant pas à recommander explicitement [19] le paracétamol d’une part (substance dont les propriétés myorelaxantes sont connues depuis l’Antiquité au moins...) et - last but not least - les anti-inflammatoires non stéroïdiens ! On a bien lu : les ANTI-INFLAMMATOIRES NON STEROIDIENS, c’est-à-dire la classe des médicaments de large diffusion probablement la plus impliquée dans la survenue de complication cutanées graves (dont les Lyell...). Cette cécité incroyable des responsables sanitaires est d’ailleurs l’explication la plus probable de la fausse alerte concernant le tétrazépam, dont les rapporteurs constatent gravement que parmi toutes les benzodiazépines, cette molécule est comme par hasard celle qui est le plus fréquemment associée à des désordres cutanés : pardi, c’est aussi - compte tenu de ses indications - celle des benzodiazépines qui se voit le plus fréquemment associée à la prescription d’un antiinflammatoire [20] !
- Par quelque bout qu’on le prenne et même en incluant d’autres effets que les Lyell (pour autant qu’il en soit donné une description fiable dans le rapport d’enquête, ce qui n’est pas le cas), le nombre de réactions cutanées médicalement assez significatives pour justifier un retrait est extrêmement faible : quelques cas par an au grand maximum. Il convient donc, à cet endroit, de s’interroger sur la réactivité des autorités sanitaires comparativement à d’autres situations où, par rapport à des médicaments dont l’indication était bien plus problématique que le tétrazépam et pour lesquels ont était loin du recul de pharmacovigilance dont on dispose pour cette molécule, elles n’ont pas péché par excès d’inquiétude. Faut-il rappeler le précédent de la vaccination contre l’hépatite B où, par contraste avec l’opacité traditionnelle de la pharmacovigilance dans toute situation d’alerte, on dispose cette fois de l’aveu de la commission Dartigues (2002) admettant qu’en un rien de temps, ce vaccin avait été à l’origine de "l’une des plus grande série d’effets indésirables recueillis par la pharmacovigilance depuis sa naissance en 1974" [21] : la "série" en question consistant, rappelons-le, en des centaines de scléroses en plaques adjointes d’innombrables pathologies auto-immunes parfois mortelles et souvent terriblement invalidantes, atteignant jusqu’à des nourrissons [22] et relativement à une indication où, du bout des lèvres, les autorités ont fini par reconnaître qu’elle avait - on se demande bien comment - "dépassé sa cible". Les exemples d’expérience pourraient être multipliés, mais rares sont ceux où l’on dispose d’aveux publics aussi édifiants. Dans les précédents dotés de documents publics propres à confirmer l’infâme duplicité des autorités, on pourra également citer l’affaire de la cérivastatine (Staltor), où ce fut cette fois le fabriquant qui décida de jeter l’éponge, sans que l’avalanche de notifications reçues depuis la commercialisation de cette statine n’ait en rien incité l’Agence européenne à quelque mesure restrictive que ce soit [23]. Toujours au chapitre des vérifications de cohérence et dans l’espoir non dissimulé de provoquer chez le lecteur une nouvelle quinte de rire nerveux, rappelons que, en charge de l’enquête qui a conclu sur la recommandation extrême de retirer le tétrazépam, le centre de pharmacovigilance de Bordeaux a également été le principal responsable des investigations épidémiologiques menées sur la vaccination contre l’hépatite B : à l’évidence, la nécessité de stopper une catastrophe sanitaire qui s’est soldée - entre autres - par le quadruplement du nombre de scléroses en plaques dans notre pays n’est jamais apparu comme un "défi" suffisant, que ce soit aux yeux de nos experts bordelais ou de leurs sponsors habituels...
Parlodel
Bien que ce médicament (bromocriptine) ait été introduit sur le marché français dès 1978, le Vidal date de 1992 seulement l’indication "inhibition de la lactation". Il est possible toutefois que comme cela arrive parfois, cette indication ait été mise en oeuvre par les praticiens avant l’autorisation officielle [24] : ce, d’autant que selon MEDLINE, les effets de la bromocriptine sur l’inhibition de la lactation sont évoqués dès 1975 dans la littérature internationale.
- Ce même examen de la littérature internationale atteste que les effets indésirables de ce médicament dans l’inhibition de la lactation - certains fort graves - sont connus depuis des décennies : comme avec le tétrazépam, on peut donc s’étonner qu’il ait fallu si longtemps aux autorités sanitaires pour s’aviser d’un véritable problème de tolérance. Au passage et toujours pour ricaner, on relèvera la prodigieuse hypocrisie des autorités françaises qui, loin d’admettre qu’elles ont fermé les yeux si durablement sur une indication aussi litigieuse [25], ne craignent pas de soutenir que le rapport bénéfice/risque ne serait "plus" favorable - comme s’il l’avait été un jour : on attend avec intérêt les données cliniques et épidémiologiques récentes justifiant un aussi brutal revirement d’évaluation [26].
- Mais alors qu’en fréquence [27] comme en gravité, la série de notifications concernant ce médicament n’a vraiment rien à envier au tétrazépam, et alors même que les autorités concluent à "un rapport bénéfice/risque défavorable", elles se résignent cette fois à un statu quo noyé dans le baratin habituel sur la communication en direction des praticiens et sur le rappel des "règles de bon usage" : dans l’entre temps, les femmes jeunes et majoritairement en parfaite santé qui recevront ce médicament dans les suites de leur accouchement pourront continuer à se boucher des vaisseaux dans la tête, à faire des infarctus ou à convulser sans raison [28]...
- Lors de la réunion du 30/04/13 qui a examiné successivement le dossier Parlodel et le dossier Myolastan, l’un des experts de l’ANSM s’est ému que des mesures défavorables à Parlodel ne se soldent par un déport de prescription vers des produits qu’il ne jugeait pas mieux tolérés : noble scrupule, en vérité, dont on s’étonne simplement qu’il n’ait pas été aussi naturellement évoqué lors de la discussion suivante sur le tétrazépam [29]. Un autre expert émet des doutes sur la causalité des accidents imputés à Parlodel, en regrettant l’absence d’une étude plus rigoureuse de type cas/témoins : là encore, on peut se demander pourquoi ces objections méthodologiques effectivement élémentaires n’ont plus aucune pertinence quand il s’agit du tétrazépam [30]. Tout cela fleure bon la cohérence d’une maîtrise intellectuelle et d’une expertise rigoureuse, parfaitement défendue contre les conflits d’intérêts...
L’incompétence des autorités sanitaires dans la détection des signaux d’alerte ainsi que la stupéfiante imprévisibilité de leurs procédures décisionnelles étant ainsi parfaitement confirmées, il convient désormais de s’arrêter sur la désinvolture des médecins qui s’obstinent, et depuis des années, à prescrire un médicament aussi objectivement dangereux dans une indication qui est loin d’être vitale ou même, simplement, validée. Force est, une fois encore, de constater que dès qu’il s’agit du corps des femmes, n’importe quoi sera toujours bien assez bon pour elles - et que ce n’importe quoi est loin de se limiter aux pilules 3G/4G ou à Diane...
Conclusion
En l’espace de quelques jours, les autorités sanitaires françaises ou européennes ont pris trois décisions qui confirment jusqu’à la nausée ce qui est constamment dit et dénoncé sur le présent site.
- Dans son marasme méthodologique originel et son incompétence congénitale [31], la pharmacovigilance n’est pas parvenue à s’imposer comme spécialité médico-scientifique et elle se montre totalement inopérante pour assurer la sécurité des citoyens exposés à des médicaments [32].
- Les parlementaires ou experts qui se sont compromis à accréditer Servier comme LE problème de la pharmacie industrielle et à promouvoir la réforme Bertrand comme LA solution étaient des faux-culs ou des imbéciles, l’un n’étant pas exclusif de l’autre [33] : il faut toujours des décennies aux autorités pour prendre la mesure des problèmes de tolérance censément significatifs et même sur des enjeux mineurs - toute choses égales par ailleurs -, les autorités françaises n’ont clairement aucune autonomie de décision.
- N’en déplaise à Prescrire et comme inlassablement prophétisé sur ce site, le vent de pseudo-réforme qui a été artificiellement soulevé à propos de Médiator sert surtout de sale prétexte pour retirer du marché les médicaments les moins chers, les plus efficaces et pour lesquels on dispose du meilleur recul de tolérance, dans le but à peine dissimulé de promouvoir des alternatives bien plus onéreuses et de tolérance bien plus incertaine. L’affaire Myolastan ayant conduit les experts de l’agence à avouer qu’une telle liquidation correspondait à rien de moins qu’un "défi", on se permettra de penser que les défis posés par les alternatives de leurs sponsors sont d’une toute autre ampleur, tant sanitaire que financière.
- Qu’ils soient prescripteurs ou employés dans le monde pharmaceutique (firmes privées ou agences nationales), les médecins sont aujourd’hui LE rouage essentiel de la criminalité pharmaceutique qui règne désormais dans le monde actuel (qu’ils s’agisse des pays développés ou de ceux en voie de développement) : il serait temps qu’ils s’en avisent et qu’ils opèrent sans concession un retour critique sur les prédispositions et les fantasmes qui ont rendu possible une dérive aussi consternante de leur profession.
[1] Avec une naïveté qui finit par en devenir désopilante à force d’obstination, et nonobstant une singulière cécité dans l’inventaire des suspects pourtant facilement identifiables (ne serait-ce que sur la base de leurs signatures publiées), le Pôle santé ne cesse de mettre en examen dans l’affaire Médiator des anciens responsables dont les prérogatives dépassaient largement les affaires du seul petit Servier : que dirait-on si la justice venait à mettre en cause pour trafic d’influence tous les anciens présidents de la République encore en vie, mais au seul motif de leurs compromissions avec l’Etat du Lichtenstein ?...
[2] Ne serait-ce que par l’intermédiaire des leaders d’opinion dont elle crédibilise les dérapages en leur confiant des missions d’experts...
[3] De ma petite expérience avec les parlementaires, je n’exclus pas que certains soient grossièrement ignorants relativement aux lois qu’ils ont pourtant votées : il suffit de se reporter au rapport cosigné par B. Debré sur la réglementation pharmaceutique.
[4] Qui peuvent réaliser un tableau de grande brûlure, avec dans ces cas une mortalité non négligeable et un potentiel de séquelles faciles à imaginer.
[5] Tous deux d’origine française - comme par hasard - et dont le premier (paru dans Thérapie qui n’est quand même pas un journal de haut niveau) est un simple conference paper, à ce titre non compatible avec les "Bonnes pratiques de publication" telles qu’exposées dans les Bonnes pratiques de pharmacovigilance édictées depuis 1994 par l’administration sanitaire de notre pays...
[6] Rien qu’à l’échelle de la France (qui compte pour moins de 1% de la population mondiale), les rapporteurs de l’ANSM estiment à 3,5 millions le nombre de personnes exposées annuellement au tétrazépam au cours de ces dernières années. En extrapolant, même à la louche, à l’échelle internationale et à plus de quatre décennies de commercialisation, ça fait quand même un paquet.
[7] Jusqu’à l’excès, la pharmacovigilance française a considéré qu’une "réadministration positive" signait une quasi certitude en matière de causalité médicamenteuse : mais lorsqu’avec le vaccin contre l’hépatite B, on a vu des manifestations de sclérose en plaques s’aggraver de façon caricaturale au rythme des rappels, plus personne ne s’est souvenu du poids exorbitant jusqu’alors attaché à une telle réadministration...
[8] Delesalle F et coll, International Journal of Dermatology 2006 ; 45 : 480-2.
[9] Un bouton = un syndrome de Lyell, un vague étourdissement = une hypotension orthostatique, un petit mal de tête = une poussée hypertensive.
[10] Concernant notamment l’absence présumée de médicaments associés, quand il est patent qu’ils n’ont simplement pas été consignés dans la fiche de notification.
[11] "hépatite fulminante" après administration d’un banal vasoconstricteur...
[12] Conformément au souci de rigueur congénital de la pharmacovigilance française, on ne sait jamais très bien quelle est la fenêtre chronologique considérée par les rapporteurs - ce qui ne facilite évidemment pas les comparaisons ou recoupements : le tableau II dit depuis "1993", mais la figure 1 supposée montrer l’évolution chronologique des notifications commence en 1989, une fois avoué que la date de notification est de toute façon manquante dans... 26% des cas, et passée sous le silence - comme d’habitude - la différence pourtant cruciale entre "date de notification" et "date de survenue". Rien que de la Science, vous dis-je...
[13] Sachant que la qualification "grave" est d’essence administrative, et qu’elle est loin de recouper ce qu’on considère traditionnellement comme "grave" en médecine.
[14] Plus précisément, le nombre de notifications a explosé à partir de la première alerte lancée en 2001 - comme par hasard par le centre en charge de l’enquête nationale (c’est-y pas du bon biais, tous ça ?). C’est toujours un peu suspect de voir la toxicité d’un médicament - surtout quand elle n’est pas différée, comme en l’espèce - augmenter faramineusement plusieurs décennies après son introduction sur le marché : ça sent le complot... En moyenne et jusqu’à 2001, le nombre de notifications de complications cutanées sous tétrazépam était nettement plus faible que ces effectifs déjà minuscules.
[15] Rappelons ce biais peu connu - notamment de tous les "lanceurs d’alerte" bien installés au Parlement - que la dotation financière des centres de pharmacovigilance dépend notamment du nombres d’enquêtes qui leur sont confiées : de telle sorte que lorsqu’un centre croit avoir soulevé un lièvre (à propos de telle ou telle réaction présumée à un médicament), il a tout intérêt ensuite à le crédibiliser par toutes les exagérations possibles de fréquence, de gravité et d’imputabilité. Ça doit s’apparenter à un conflit d’intérêts, mais en version peu médiatique, car c’est assez technique...
[16] Les rapporteurs s’abstiennent de fournir la distribution chronologique de ces Lyell, mais classiquement, celle-ci est également soumise à des biais importants une fois qu’une alerte a été lancée : d’expérience, il ne faut parfois pas grand chose (une petite cloque isolée sur la peau) pour conduire des excités à notifier un "syndrome de Lyell" une fois qu’ils sont convaincus que tel ou tel médicament peut en provoquer.
[17] On peut conscientiser avec retard une toxicité d’expression tardive, telle qu’un cancer, par exemple : pensons aux adénocarcinomes vaginaux sous Distilbène qui ont attendu une génération pour être identifiés chez l’être humain. Mais les Lyell - et les Stevens-Johnson - se manifestent généralement dans les jours (à la rigueur les semaines) suivant l’introduction du traitement.
[18] On a déjà eu, sur ce site, plusieurs occasions de décrire les conséquences d’une telle imprévision : lorsque, pour préserver les intérêts d’un Servier alors tout puissant et sous les bravos unanimes de la bien-pensance pharmacologique (Prescrire en tête), les mesures de suspension visant les anorexigènes amphétaminiques ont permis l’explosion des ventes de Médiator ; ou lorsque, sous le prétexte tristement désopilant des "jambes sans repos" - et toujours sous les applaudissements de Prescrire - les bons vieux veinotoniques se sont vus remplacés par des médicaments dont les risques - et le prix - sont sans commune mesure.
[19] Commission de suivi du rapport bénéfice/risque des produits de santé, séance du 30/04/13.
[20] Avec une surprenante candeur, les rapporteurs de l’enquête admettent que "l’un des défis des années qui viennent devrait être, logiquement, de faire baisser le niveau de prescription des benzodiazépines en France" (c’est moi qui souligne) ! On ne saurait admettre plus ingénument que la partie était jouée d’avance - et conforter, par conséquent, mes doutes nés d’une grande habitude concernant tous les biais qui ont pu les conduire à maximiser une toxicité qui n’avait encore embêté personne durant des décennies : un "défi" n’est-il pas fait pour être relevé ?
[21] Petit recoupement de sérieux au passage : si la pharmacovigilance française est à l’oeuvre depuis 1974, pourquoi les rapporteurs de l’enquête tétrazépam se sont ils focalisés sur la période postérieure à 1989 (ou 1933, selon les endroits du rapport) ?...
[22] Nonobstant les mensonges constants des autorités sur ce point
[23] Et alors même que, comme je l’avais relevé à cette époque, rien de très convaincant n’indique que les autres statines qui contribuent si largement à la fortune des lobbies pharmaceutiques aient un rapport bénéfice/risque plus satisfaisant que ce produit retiré à la hâte par son fabricant.
[24] Selon un schéma comparable à celui qui a conduit divers praticiens à utiliser depuis des années le baclofène dans le sevrage alcoolique.
[25] Surtout dans le post-partum tardif.
[26] L’ANSM - que décidément rien n’arrête - n’hésitant pas, cette fois, à invoquer "l’homéopathie" comme alternative au Parlodel : on est là dans du lourd, voire du jansénisme, concernant les "niveaux de preuve" chers à l’evidence-based medicine...
[27] Toujours regrettablement approximatives, les données de l’ANSM permettent de reconstituer que chaque année, environ 200 000 femmes pourraient être exposées à Parlodel : on est loin des 3,5 millions de Français sous tétrazépam...
[28] Rappelons par contraste que l’indication a été retirée aux USA depuis 1994 : la procrastination sélective des autorités européennes n’est pas sans rappeler - en pire - le précédent du Distilbène
[29] Le risque d’un déport de prescription saute tellement aux yeux avec Parlodel - et avec lui seulement - qu’il est à nouveau évoqué par un autre expert, lequel estime que eu égard au "nombre important" de femmes traitées par ce médicament, "la question du report se posera nécessairement" : reste à comprendre pourquoi une question qui se pose "nécessairement" pour un médicament traitant environ 200 000 femmes par an ne se pose plus du tout avec un autre médicament qui traite, lui, environ 3,5 millions de personnes chaque année...
[30] A l’instar d’Averell dans les aventures des Dalton et alors que la session consacrée au Parlodel tire sur sa fin lors de la réunion du 30/04/13, l’une des"expertes" qui n’a manifestement rien suivi depuis le début s’avise soudain de demander "pourquoi la bromocriptine a été retirée du marché américain en 1994" ! Plus "vigilant", tu meurs...
[31] Dans la discussion du 30/04/13 sur Parlodel, l’un des inamovibles experts de la pharmacovigilance française exclut le projet d’une étude cas/témoin au motif que "les événements étant rares, les résultats de l’étude risque de se faire attendre". Rappelons que pour des événements à peu près aussi rares, il n’a fallu à Herbst que quelques mois pour faire, sur le diethylstilboestrol (Distilbène), une étude cas/témoin qui a marqué l’histoire de la pharmacoépidémiologie... On n’est pas loin de tous ces "experts" qui répètent en boucle qu’il aurait fallu au moins 800000 patients pour faire une étude cas/témoin sur le risque neurologique après vaccination contre l’hépatite B : rappelons que la plus convaincante actuellement, celle de Hernan et coll, s’est contentée d’inclure 163 cas - ce qui ne l’empêche pas d’être aussi démonstrative qu’une telle investigation peut l’être. Au passage et toujours pour rire un peu, on s’étonne de voir les experts de l’ANSM aussi facilement désarçonnés à l’idée d’inventorier les complications médicamenteuses "rares" : depuis Médiator, on avait cru comprendre que grâce à la super base de données de la CNAM, on allait pouvoir faire des études d’enfer sur à peu près tout et n’importe quoi...
[32] C’était déjà la conclusion de ma thèse de médecine soutenue en 1983 (avant Médiator...), confirmée par l’essentiel de mes publications jusqu’à la fin des années 1980 - moment où lassé d’enfoncer des portes ouvertes concernant l’exaspérante incompétence du milieu, je suis passé à autre chose. Dix ans plus tard, les missions d’expertise qui m’ont été confiées par la justice m’ont permis de documenter, en plusieurs occurrences fort démonstratives, les conséquences de cette incompétence constitutionnelle, apparemment sans résultat non plus...
[33] Même le président du LEEM s’est fendu d’un libelle contre l’abominable Servier : "pincez-moi", dit-on dans les romans...
Marc Girard
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