Rapport de l’Igas sur Médiator
Sur la base de la méthode qu’elles avaient retenue [1], il n’était pas bien difficile de prophétiser que les commissions d’enquête parlementaires sur la grippe porcine ne déboucheraient sur rien : pour le confirmer s’il en était encore besoin aujourd’hui, il suffit de voir la même administration, toujours conseillée par les mêmes experts, arc-boutée sur une promotion vaccinale toujours aussi mensongère - et s’offusquant que les citoyens soient décidément trop bêtes ou manipulés (par les "sectes") pour tomber dans leur minable panneau...
De la même façon, il n’était pas besoin d’attendre la publication du rapport de l’Igas sur Médiator pour prévoir que malgré une profusion de forme largement médiatisée (les auditions même le 1er janvier, les centaines de pages, les annexes encore plus volumineuses...), on allait droit, là encore, au torchecul. Il suffit de lire les tout premiers commentaires du Figaro (14/01/11) pour le vérifier.
Rions un peu, pour ne pas changer...
Exactement comme avec les commissions parlementaires précitées, on s’interroge toujours sur les modalités qui ont présidé au choix des personnes auditionnées : on avait déjà le petit Poucet pour nous présenter en héros les principaux responsables de l’affaire Médiator.
Apparemment, les enquêteurs ont pris au premier degré les estimations pourtant indigentes des autorités sanitaires : "entre 500 et 2000 morts", soit une incertitude de 1 à 4. Illustrons par quelques contre-exemples l’apport des ces études que certains ont voulu présenter comme méthodologiquement révolutionnaires.
- Le gouvernement a décidé une revalorisation du SMIC, qui oscillera entre 500 et 2000 € (sans qu’on puisse jamais anticiper, bien entendu, le chiffre qui s’inscrira sur votre fiche de paie).
- Au restaurant ouvrier du coin, le menu du jour est à 12 ou 50 € : vous connaîtrez le montant quand on vous apportera l’addition, et ce ne sera pas forcément comme le jour d’avant.
- Selon le dernier recensement de l’INSEE, la population française s’élève entre 65 millions et 260 millions de sujets : cela ne changera rien à la réforme des retraites (ni aux prévisions de croissance), car rien ne fera fléchir la détermination du Président...
Il faut n’avoir peur de rien pour offrir sur un plateau des prétextes aussi grotesques permettant à Servier de se positionner en gardien de la Rigueur scientifique...
Semblablement, les enquêteurs semblent avoir pris non moins sérieusement les "menaces de mort" qui auraient visé les principaux responsables de la situation : on espère que les fins limiers dépêchés par un Parquet surmotivé vont tout mettre en oeuvre pour retrouver les assassins qui ont failli priver la France de la fleur de ses épidémiologistes... Au monument des martyrs de la résistance, mention spéciale aussi pour ce cardiologue qui s’aperçoit - mais aujourd’hui seulement - que Servier aurait "dénaturé" l’un de ses rapports (Le Monde, 13/01/11) : d’expérience, quand on réalise - moyennant finances - un rapport pour l’industrie pharmaceutique (surtout pour Servier...), on relit avant de signer, on signe juste sous la dernière ligne, on envoie la chose en PDF ou en version papier. Et on évite de lire comme un con ce que l’on n’est pas censé avoir écrit quand on est ensuite auditionné par l’administration : question de méthode - ou d’éthique [2]...
S’il est exact que, dixit Le Figaro, "il y aura inconstestablement un avant et un après Médiator", il y aura non moins incontestablement une révolution dans le fonctionnement du journal, qui va devoir notamment apprendre à respecter la loi (Art. L.4113-13 du Code de la santé publique) lorsqu’il interviewera les "experts"...
On se réjouit également que, juste dans la foulée, Xavier Bertrand (qui aura synthétisé à la vitesse de la lumière plus de 300 pages de rapport assorties d’au moins 1000 pages d’annexes) présente "une remise à plat complète du système de sécurité sanitaire français" - c’est-à-dire, si l’on a bien compris, la réforme radicale d’un système fonctionnant depuis des décennies sur une corruption généralisée - et dont il faudrait comprendre qu’il en a été lui-même la victime... Cette réforme à marches forcées, cela rappelle un peu le développement du vaccin anti-H1N1 dans des délais records - avec les résultats que l’on sait (en termes de narcolepsies notamment - ou de complications obstétricales...) Un peu comme Hortefeux déboulant à toute vitesse à Marseille après avoir appris que des enfants s’y trucidaient à la kalachnikov et présentant dans les heures qui suivent son plan pour la sécurité de la ville. C’était ballot d’avoir attendu que des gamins s’entretuent aussi atrocement pour mettre en oeuvre "une remise à plat complète du système" destinée à contrôler la délinquance dans la cité phocéenne.
D’ailleurs, au jour où s’écrivent ces lignes (soit environ deux mois après le super plan marseillais du Ministre de l’intérieur), on apprend que, dans la même ville, deux gamines se sont étripées à coups de couteau au sortir d’une discothèque (AFP, 15/01/11) : celle qui est morte avait juste 16 ans, celle qui a tué n’en avait pas beaucoup plus.
Aussi efficaces que Médiator, les "remises à plat complètes" de nos politiques [3]...
PS du 17/01/2011
Si j’en crois Le Monde de ce jour, "Xavier Bertrand annonce une réforme de la pharmacovigilance".
Tiens donc ?
Juste quelques semaines après le vote à Bruxelles d’une directive a priori contraignante pour tous les pays européens ? On voit mal comment la "réforme" de l’excellent Bertrand pourrait s’y opposer en quelque façon.
Tout se passe, par conséquent, comme si, grâce à Médiator, la France allait prendre une longueur d’avance dans la transposition en droit national de cette directive scélérate.
Comme prévu...
Les concurrents de Servier - ceux qui n’ont pas atteint l’âge de la retraite - peuvent se frotter les mains.
Donne la patte, gentil Ministre...
[1] Pour l’essentiel, reprendre les mêmes et esquiver toute interrogation de fond.
[2] L’autre option si le fabricant insiste pour obtenir des modifications injustifiables, c’est refuser de signer - tout en exigeant, pièces en mains, la rémunération du travail accompli : question de courage, et même de simple professionnalisme.
[3] Comme disait le petit Poucet de Xavier Bertrand, voici environ deux mois : "Je compte sur cet homme honnête"... Aujourd’hui : "A l’évidence, ses décisions vont dans le bon sens" (ActuVoilà.fr, 15/01/11). Cela rappelle un peu cette responsable de l’AFSSAPS, que Poucet a forcément rencontrée et qui survit à Marimbert, laquelle caquetait imperturbablement à chaque réunion : "le bénéfice du vaccin contre l’hépatite B est évident et ne sera pas remis en cause"...
Marc Girard
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