"Le Médiator et après ?" : pire qu’avant...
Le présent article a été mis en ligne le 31/01/12, soit voici plus de 5 ans : il est pourtant d’une parfaite actualité. Comme je l’ai rappelé ailleurs, en effet, « la seule et vraie leçon de ce précédent H1N1 (…), c’est que les forces de l’argent qui pesaient désormais sur le monde vaccinal étaient telles qu’elles interdisaient toute obligation vaccinale compte tenu du risque – désormais démontré – de manipulation des autorités ». C’est pourquoi je n’ai cessé de présenter le pseudo-scandale Médiator, survenu dans les suites quasi-immédiates de la fausse pandémie, comme une opération de diversion, destinée à esquiver toute réflexion critique sur les enjeux de la politique vaccinale des responsables sanitaires, et à préserver l’avenir de l’eldorado des vaccins [1]. Compte tenu des priorités affichées par Madame Buzyn dès sa prise de fonction, je crois utile de remettre dans l’actualité cet article qui, parmi les conséquences de la mystification Médiator, évoquait expressément la menace d’un élargissement des obligations vaccinales :
"alors que le spectre de nouvelles vaccinations obligatoires s’exhibe avec toujours plus d’indécence"
écrivais-je ainsi dès le 31/01/12. Bravo, par conséquent à tous les gromalins des forums ou des associations qui, depuis le début, n’ont rien trouvé de plus intelligent que d’imputer mon scepticisme à une bête antipathie personnelle, d’origine plus ou moins névrotique, envers Irène Frachon… Et un grand bravo aussi aux Bapt, Autain, Éven, Debré et autres idiots utiles, aux avocats auto-proclamés "bêtes noires de l’industrie pharmaceutique", aux journalistes - bref à tous les jobards qui n’ont cessé de célébrer comme une héroïne cette pauvre fille si manifestement manipulée par un système qui la dépassait, et dont on commence à apercevoir l’action effective : la promotion d’une situation médico-pharmaceutique bien pire qu’avant.... Que la nouvelle ministre de la santé ne rougisse pas de clamer, devant les plus hauts représentants de l’État, qu’on est plus ou moins un minable si l’on ne reçoit pas d’argent de Big Pharma, dit assez la sinistre farce à quoi se résume "l’affaire Médiator" (supposée avoir aboli les conflits d’intérêts), avec une Fille de Brest tellement ravie dans le rôle principal : nous n’avons pas été très nombreux à le dire - et avec constance - depuis le tout début...
La première partie de mon titre reprend celui d’un article publié sur le site du FORMINDEP, et articulé autour d’une assez longue intervention (datée du 30/11/11) au cours de laquelle le sénateur François Autain s’est attaché à faire le bilan de l’affaire Médiator et de "la réforme" qui s’en est suivie.
S’il s’agissait de simplement justifier la seconde partie du même titre ("Pire qu’avant"), il me suffirait de renvoyer à mon précédent bilan (d’ailleurs opéré en présence d’autres responsables de la "réforme" post-Médiator) où, sur la base de faits aisément vérifiables par tout un chacun, j’écrivais que celle-ci avait "ouvert la voie d’une brutalisation des pratiques pharmaceutiques en une accélération effrayante de tous les mécanismes qui ont rendu possible le micro-scandale Médiator" : ce constat d’une préoccupante dégradation venant lui-même en conclusion prévisible d’une analyse où, depuis le tout début, je n’avais cessé de soutenir (là encore en le documentant) qu’il n’était pas possible de réformer un système en esquivant une véritable analyse de ses dysfonctionnements antérieurs [2].
Faute de temps pour ce faire, cependant, je n’avais encore jamais pris la peine d’évaluer le détail de la "réforme". Or, dans son intervention, le sénateur François Autain (lui-même à l’origine d’une des missions d’enquête susmentionnées) détaille en huit points ce qu’il voit comme "avancées notables" dans la récente réforme. Il me facilite d’autant la tâche de critique systématique, car s’il est possible de démontrer que, pour "notables" qu’elles lui paraissent, ces avancées ont l’épaisseur du vent, il n’y aura plus grand chose à ajouter pour conclure qu’une fois encore, parlementaires et gouvernants se sont fichus du monde : constat pas nécessairement anodin à l’orée d’une année marquée par des échéances politiques a priori cruciales...
Les huit "avancées notables" de la réforme selon F. Autain
- "Les déclarations publiques d’intérêts sont mieux encadrées et s’imposent à un plus grand nombre d’experts. Tout manquement à cette obligation est soumis désormais à sanction.
- Les avantages consentis par l’industrie aux professionnels de santé, mais aussi aux sociétés savantes, aux usagers du système de soins, à la presse et aux médias ainsi qu’aux éditeurs de LAP (logiciel d’aide à la prescription) doivent être rendus publics.
- Le contrôle par l’Agence de la publicité relative aux médicaments faite par les firmes est renforcé.
- Le remboursement d’un médicament est subordonné à la réalisation d’essais comparatifs (...).
- La création d’une base publique informatique des maladies et de leurs traitements confiée à la HAS.
- La publicité des débats des commissions, conseils et instances d’expertise est améliorée.
- Les lanceurs d’alerte sont protégés par de nouvelles dispositions législatives.
- Le renforcement du contrôle des dispositifs médicaux."
A titre liminaire
Au moins deux remarques préliminaires devraient introduire à la remarquable absence de sérieux qui a présidé à la réflexion de tous les parlementaires qui se sont engagés sur la promotion de cette "réforme" du médicament.
La question européenne
Depuis maintenant des décennies, la croissance des exigences réglementaires a conduit les fabricants de médicaments nouveaux à adopter des stratégies internationales de développement et, pour ce qui concerne notre continent, à s’en remettre de plus en plus à des procédures européennes d’enregistrement : aujourd’hui, la plupart des "nouvelles entités chimiques" - celles, notamment, qui obtiennent des prix de remboursement faramineux - passent par ce circuit européen et il n’y a guère plus que les modifications anodines d’anciennes formulations ou les "petits produits" qui recourent encore à une procédure nationale d’autorisation de mise sur le marché (AMM).
D’où la double question qui a probablement échappé aux experts autoproclamés prônant sans rire "l’indispensable réglementation" que "chacun attend" (quand ils sont apparemment les seuls à ignorer l’existante) mais qui taraude tous les professionnels du médicament.
- Par quel aveuglement les parlementaires et ministres français s’imaginent-ils qu’une réformette franco-française de circonstance influera sur une dynamique d’enregistrement lourdissime et strictement gouvernée par des textes supra-nationaux ?
- Eu égard au fait que la plupart des médicaments qui menacent vraiment la santé publique sont d’ores et déjà issus de procédures internationales, comment les responsables de notre pays s’imaginent-ils qu’ils peuvent protéger la santé des Français par des mesures strictement nationales ? [3]
Il est difficile de déterminer si cette effarante irréflexion de nos m’as-tu-vu parlementaires traduit un parfait cynisme ou une ravageante inconscience quand aux effets effectifs des institutions européennes sur la souveraineté nationale : lors du débat radiodiffusé du 31/07/11 (apparemment toujours disponible en ligne sur le site de France Inter), on a vraiment eu l’impression que mes deux interlocuteurs parlementaires découvraient, à l’occasion de l’affaire Actos [4], que dans le domaine pharmaceutique comme dans la plupart des autres, notre pays n’avait tout simplement plus aucune marge de souveraineté.
Dysfonctionnements expertaux : deux exemples seulement ?
"Les exemples de dysfonctionnements de l’Agence en matière d’expertise sont nombreux" dit F. Autain avant d’introduire (sans doute pour ne pas lasser son auditoire) qu’il se "limiter[a] à deux". Proposons-lui en un troisième.
S’exprimant dans le cadre des "13èmes journées de pharmacologie sociale", le sénateur commence par en remercier plus que chaleureusement l’organisateur, en oubliant apparemment que ce dernier est l’un de ces inamovibles [5] de cette pharmacovigilance française qu’il ne va pas cesser de décrier ensuite [6]. A ce titre (et même si - apparentement terrible - il est présenté par notre Petit Poucet brestois comme "le premier pharmacologue français à avoir publié une observation de valvulopathie sous Médiator" [p. 123.]) [7], l’hôte indûment courtisé de F. Autain est coresponsable des décisions pourtant largement critiquées par ce dernier et, plus encore, des décisions antérieures concernant l’Isoméride dont j’ai montré qu’elles avaient été le terreau du scandale Médiator et dont je n’ai nul souvenir qu’elles aient soulevé la moindre résistance au niveau de la pharmacovigilance officielle dont l’organisateur des "13èmes journées de pharmacologie sociale" a été l’un des piliers depuis plusieurs décennies maintenant [8].
L’organisateur excessivement louangé de ces "13èmes journées" est par ailleurs l’éditeur d’un Bulletin réputé intégré à l’ISDB (International Society of Drug Bulletins), "réseau International de revues indépendantes de formation et d’informations sur le médicament et la thérapeutique", lequel, ce nonobstant :
- est le relais complaisant de toutes les "alertes" de l’AFSSAPS dont il faudrait comprendre - dixit Autain - qu’elles sont plus que problématiques ;
- s’est fait récemment l’écho a-critique d’une étude chinoise consternante insinuant que les narcolepsies après vaccin contre la grippe H1N1 pourraient être, en fait, imputables à la grippe elle-même ;
- avait publié juste dans le numéro précédent un article sur les statines posant sans rire en introduction que "Les statines font partie des quelques classes médicamenteuses pour lesquelles on dispose d’un niveau de preuve très élevé de bénéfice clinique" [9] (c’est moi qui souligne), lequel ne déparerait pas dans le moins scrupuleux des départements marketing [10]...
Bref et pour reprendre le propos de François Autain, tout se passe comme si l’on avait "abandonné l’AFSSAPS à l’industrie" : dommage que le propos s’applique identiquement aux experts estampillés par le sénateur comme les plus hospitaliers et les plus "indépendants". Pas trop réjouissant quant aux capacités d’analyse critique du personnel politique [11]...
Déclarations publiques d’intérêt et possibilités de sanctions
Le principe de telles déclarations publiques s’appliquant aux experts de l’AFSSAPS a été arrêté dès 1993 : aucune des missions d’enquête ne s’est sérieusement interrogée sur l’échec flagrant de cette mesure [12].
D’expérience, l’une des principales raisons de cet échec tient à l’absence de contrôles systématiques : or et sauf erreur de lecture, la "réforme" célébrée par F. Autain reste muette sur les modalités pratiques d’un tel contrôle.
D’autre part, les sanctions contre les contrevenants (qu’elles soient ordinales, administratives ou pénales) sont possibles depuis longtemps [13] : pourtant voyante, l’impunité de ces derniers reste l’un des trop nombreux mystères qui n’ont guère suscité la curiosité des missions parlementaires.
En tout état de cause, l’exclusion du système devrait représenter la première et la plus naturelle des sanctions à l’endroit des experts défaillants [14] : les fidélités entêtées de F. Autain (cf. ci-dessus) - et de ses collègues parlementaires - ne sont pas faites pour rassurer les citoyens à cet égard.
Avantages consentis par l’industrie
Compte tenu de l’échec flagrant de la "loi anti-cadeaux" (qui date... de janvier 1993), on voit mal l’apport de la nouvelle réforme à cet égard.
On le voit d’autant plus mal qu’on ne distingue, là non plus, aucun effort de réflexion quant aux modalités de contrôle relativement aux dispositions de la loi.
Cette impression d’une paralysie de la réflexion sur les avantages consentis par l’industrie se renforce au constat que parmi tous les destinataires potentiels desdits avantages, la loi a curieusement oublié... les parlementaires - sans que François Autain s’offusque d’un oubli aussi voyant. Dans la mesure où je sais de source sûre que l’intéressé est parfaitement conscient du lobbying qui s’exerce sur ses collègues, sa placidité relativement à un oubli aussi grossier semble illustrer l’illusion que, par on ne sait quel miracle, ceux-ci seraient immunisés contre les risques d’un tel lobbying : ce que faisant, le sénateur témoigne exactement du même niveau de conscience que la majorité des professionnels de santé qui, même pris la main dans le sac, s’en tirent toujours en clamant que la réalité des avantages qui leur sont consentis n’altère en rien l’indépendance de leur jugement, alors que tant l’expérience que l’expérimentation [15]
attestent que ce sont justement ceux qui sont le plus inconscients des effets qu’exercent sur eux le lobbying qui y sont le plus vulnérables...
Nous reviendrons, dans un prochain article, sur les problèmes posés par la vulnérabilité des politiques au lobbying qui s’exerce sur eux.
Contrôle de la publicité
Les dispositions permettant aux autorités sanitaires de contrôler la publicité pharmaceutique et d’en sanctionner les excès sont anciennes, voire séculaires : ce qui manque, de nouveau, c’est un minimum d’analyse quant à la mise en échec de ces dispositions pourtant contraignantes (assorties de sanctions financières potentielles sévères) [16].
Alors que jusque voici encore peu, la visite médicale était fer de lance surdorloté de l’industrie pharmaceutique, la tendance actuelle - qui ridiculise les rodomontades de ceux qui, comme Bertrand ou les fonctionnaires de l’IGAS, prétendent mater cette visite - consiste pour les fabricants à licencier leurs équipes de visiteurs. Ce, tout simplement parce qu’ils n’en n’ont plus besoin : ainsi et comme je l’ai déjà relevé, on n’a simplement pas entendu leur voix dans la promotion pourtant honteuse du vaccin H1N1 - les autorités sanitaires, par le biais de leurs plus éminents représentants (dont le ministre soi-même) et au moyen des mesures les plus contraignantes (la réquisition), s’étant substituées aux fabricants pour assurer la publicité mensongère de leurs produits.
Depuis lors et en dépit du scandale considérable auquel a donné lieu cette fausse alerte "pandémique", tout porte à penser que la situation s’est encore aggravée (cf. aussi plus bas) : les autorités sanitaires tendent de plus en plus (et au mépris croissant du principe pourtant sacré du consentement informé) à se substituer aux forces les plus obscures des lobbies pharmaceutiques pour assurer - par tous les moyens (incluant des remboursements insensés, des incitations choquantes, voire des obligations révoltantes) - la promotion de leurs produits défectueux (et, le cas échéant, sanctionner ceux des experts ou professionnels qui s’aviseraient de résister)...
Obligation d’essais comparatifs
C’est une plaisanterie de très mauvais goût - ou la marque d’une inculture abyssale - d’accréditer que le développement pharmaceutique aurait attendu la réformette du 19/12/11 pour s’aviser de l’intérêt des essais comparatifs : depuis des décennies, la réglementation internationale (qui s’impose, d’une façon ou d’une autre, avec tous les grands médicaments) comporte des dizaines de recommandations et des centaines, voire des milliers de pages consacrées aux modalités des essais comparatifs.
En fait et si l’on en juge sur l’excitation puérile du Prof. Bernard Debré, l’apport de cette "réforme" relativement à l’exigence d’essais comparatifs concernerait surtout les essais contre produit actif (par opposition aux essais contre placebo, considérés comme dépourvus de signification).
Avant d’examiner cette innovation censément majeure, deux petites remarques :
- comment les autorités françaises comptent-elles adapter cette exigence d’essais contre comparateur actif dans les situations où le fabricant en est dispensé par la réglementation en vigueur (comme c’est le cas, par exemple, avec les "médicaments orphelins" ou encore avec les "produits anciens d’usage bien établi") ? Il y aura donc des exceptions au principe des essais obligatoires ? Quelle différence, alors, avec la situation antérieure à la réforme où, relativement à une exigence que personne de sérieux ne remet en cause depuis des décennies - faire des essais comparatifs -, les autorités étaient parfois conduites à envisager des exceptions au cas par cas - avec, évidemment, tout le potentiel d’abus inhérent à l’exception ?
- comment les autorités françaises comptent-elles réagir dans les indications où le fabricant soutiendrait, à tort ou à raison, qu’il n’existe pas de produit de référence justifiant une comparaison à son innovation [17] ?
Pour entrer, à présent, dans le vif du sujet (obligation de principe de conduire des essais contre comparateurs actifs), notons d’abord que si ceux qui se sont ingéniés à promouvoir la réglementation "que chacun attend" s’étaient le moins du monde avisés de se renseigner sur le monde du médicament, ils auraient pu constater que, désormais présentée comme une grande victoire de la rationalité technico-réglementaire, l’exigence d’essais contre produits actifs correspond - en fait - à une sempiternelle revendication des fabricants. Malgré le prodigieux savoir-faire avec lequel ces derniers sont parvenus, comme d’habitude, à recruter sous leur bannière presque tous les contestataires du système [18], il faut bien comprendre qu’en fait, l’essai contre placebo est une redoutable épreuve de vérité que l’industrie s’efforce d’épargner par tous les moyens à ses pseudo-innovations : n’est-ce pas, pour l’essentiel, de cette façon que, depuis les années 1980, elle a réussi à récolter une fortune avec les "nouveaux" antidépresseurs (inhibiteurs de la sérotonine : la lignée Prozac) alors que quelques personnes sérieuses en sont toujours à se demander si ces médicaments sont dotés d’une activité thérapeutique tant soit peu significative [19].
Certes, et notamment dans une perspective de remboursement, il peut être utile de comparer "l’innovation" à l’existant, mais pas avant que la réalité de l’innovation n’ait été confirmée par DES essais contre placebo (un seul ne suffit pas). Et à la condition que, au contraire des "nouveaux" experts, l’évaluateur de la Commission de transparence sache exactement ce qu’est un "biais" : comment comprendre, sinon, qu’à la lecture de la littérature, il apparaisse que l’olanzapine (Zyprexa) surpasse la rispéridone (Risperdal), qui surpasse elle-même la quétiapine (Xeroquel), laquelle s’avère surpasser... l’olanzapine ?... [20] [21].
De toute façon et au contraire de ce qu’ont hystériquement accrédité les promoteurs de la "réforme", il faut comprendre qu’il n’y a rien de plus facile à manipuler que des essais comparatifs contre produit actif. Écoutons Richard Smith qui, à la différence des vizirs qui savent tout sans avoir rien appris, a juste été durant 25 ans rédacteur en chef d’une des plus prestigieuses revues médicales internationales (British Medical Journal) et avoue sans fard qu’il lui a fallu toute cette durée pour comprendre comment l’industrie pharmaceutique parvenait à pervertir la méthodologie en principe rassurante des essais cliniques [22] : comment, par exemple, mettre sur pied un essai clinique contre produit actif où l’on peut tenir pour assuré a priori que les résultats tourneront à l’avantage "l’innovation" ?
- Dans la classe thérapeutique à laquelle appartient son nouveau médicament, le fabricant peut choisir comme comparateur actif le plus mauvais de tous : il n’existe aucune loi pour empêcher ça (et il y a parfois débat dans la communauté médico-scientifique pour savoir lequel mérite le titre)...
- S’il s’agit de montrer que l’innovation est plus efficace, on la testera à posologie élevée contre un comparateur à posologie basse.
- S’il s’agit, au contraire, de montrer que le produit innovant est mieux toléré, on peut le tester à faible posologie contre un comparateur (si possible : le plus toxique de la classe) administré cette fois à dose canon.
- On peut également - grand classique - choisir "le meilleur" comparateur de la classe tout en prévoyant des effectifs trop petits pour que surgisse la moindre différence statistique : il sera alors facile de conclure que le nouveau produit a été "équivalent" au meilleur de la classe.
- On peut choisir des critères d’efficacité assez nombreux pour que, statistiquement, au moins l’un d’entre eux montre un avantage du produit nouveau sur le comparateur ancien : on axera ensuite toute la communication sur ce critère, en oubliant tous les autres - notamment ceux où le produit innovant se sera vautré relativement au comparateur.
- Dans un état d’esprit proche, on peut lancer un essai "multicentrique", pour ce concentrer ensuite sur les seuls centres où les résultats auront été favorables au nouveau médicament - fussent-ils en minorité.
- Le fabricant peut également oublier les analyses initialement programmées par le protocole et, sous un prétexte ou un autre, mener des analyses sur des sous-groupes (ou sur de nouveaux critères) : statistiquement, il est facile de montrer qu’on parviendra toujours à faire émerger au moins un ou deux résultats favorables, sur lesquels on concentrera ensuite toutes les publications.
- On peut également présenter les résultats d’une façon parfaitement exacte, mais tendancieuse, par exemple en se concentrant sur les risques relatifs au détriment des risques absolus : par rapport à une pathologie qui menace une personne sur cent, on pourra ainsi célébrer "une réduction du risque de 30%" - qui signifie simplement qu’il faudra traiter en vain 299 personnes pour espérer améliorer le sort d’une seule (en faisant abstraction des effets indésirables qui pourront s’abattre sur l’heureux gagnant - ainsi, cela va de soi, que sur les 299 qui n’ont aucun bénéfice à attendre de leur traitement)...
Brisons-là, car on pourrait écrire des centaines de pages sur le sujet, sachant qu’il a aussi donné lieu à des tonnes de publications (lesquelles ont dû échapper à l’attention des promoteurs de la "réforme"). Ce qu’il importe de comprendre, c’est qu’aucune méthodologie d’aucune sorte n’est une panacée et qu’avec un minimum de savoir-faire, on peut la réduire à néant – celle des essais cliniques comparatifs comme toutes les autres. Avec la réglementation pharmaceutique comme avec la loi en général, il y a toujours la question de la lettre et de l’esprit : l’esprit de la recherche clinique existe depuis des décennies, voire depuis des siècles, et il n’a nul besoin d’une réformette franco-française conçue par des gens qui, à l’évidence, n’en ont aucune pratique sérieuse. En revanche, il existe un invariant fort des scandales actuels, pharmaceutiques ou autres, qui consiste à asphyxier le vrai professionnalisme sous le formalisme (la « lettre ») d’une réglementation tentaculaire nourrissant son inépuisable profusion de ses constants échecs (M. Girard, op. cit., pp. 87-94) [23] : il est évident que par le contraste entre les formules ronflantes de ses promoteurs et sa vacuité sidérale, la dernière « réforme du médicament » relève de cette tendance – et c’est pourquoi l’acharnement dans la critique me paraît en l’espèce plus approprié que le simple sourire méprisant de celui à qui on ne la fait pas.
Création d’une base publique informatique
C’est une malédiction franco-française qui appellerait sans doute (au moins) une belle commission d’enquête que, à chaque fois qu’une administration bien-de-chez-nous (budget, éducation nationale, justice, etc. - pour ne point parler de la SNCF) s’avise de développer un super logiciel, on arrive vite à un super désastre [24]. Pour se limiter au monde du médicament, tous les professionnels du médicament ont été confrontés aux désopilants ratages de l’AFSSAPS pour implémenter le système informatique européen "Eudravigilance" [25].
Là encore, on ne sait s’il faut incriminer la légèreté des politiques ou leur incompétence, mais il faut bien comprendre qu’en recherche clinique, les projets d’informatisation ne datent pas d’hier, que des pays - comme les USA - dont l’administration ne fricote pas préférentiellement avec les plus déjantés des informaticiens s’y sont déjà collés, et que les résultats sont loin d’être à la hauteur des espérances [26]. La difficulté des problèmes posés appelle un peu plus que de la démagogie simpliste [27]...
S’il s’agit, à présent, de promouvoir des logiciels visant à informer les gens, il eût fallu que la réformette s’avise d’abord de sanctionner les escroqueries trop nombreuses directement perpétrées par les autorités sanitaires elles-mêmes pour tromper les gens et pour recruter les professionnels de santé dans leur sale besogne de désinformation, via les CAPI et autres formes de corruption active.
Publicité des débats
Pour apprécier le génial apport de cette idée lumineuse, je me contenterai de renvoyer à sa première mise en actes (à l’occasion de la réévaluation des anti-Alzheimer), en rappelant que cette révoltante mascarade a été accueillie sous les applaudissements nourris des avant-courriers de "l’expertise indépendante durable" - et, malheureusement aussi : de François Autain lui-même (Le Monde, 08/12/11)...
Après tout et si nos politiques étaient mus par autre chose qu’un esprit désormais systématique de démagogie facile, pourquoi n’évoquer l’exigence citoyenne de "transparence" qu’au coup par coup de l’actualité, et n’en limiter la portée qu’à deux ou trois mises en scène de l’administration au gré des scandales du moment ? Dans un pays où, constamment violé par les puissants, le "secret" (qu’il soit de l’instruction ou simplement professionnel, pour ne prendre que ces exemples [28]) peut-être invoqué à l’improviste et en parfait arbitraire pour dissuader les vrais gêneurs [29], pourquoi encourager les politiques à distraire la galerie avec des effets d’annonce insignifiants au lieu de leur imposer qu’ils s’engagent sur un véritable Freedom of Information Act permettant à tout citoyen - du monde entier - d’avoir en toute légalité un libre accès à tous les documents administratifs de notre pays ?...
Là, ce ne serait plus de la "réforme", encore moins de la réformette, mais bel et bien une révolution [30]...
Protection des lanceurs d’alerte
Le temps me manque pour discuter de façon approfondie cette question pourtant d’actualité - mais sur laquelle le discours dominant se signale par une préoccupante indigence. Pour apprécier la portée de cette intrépide initiative, remarquons simplement que François Autain - de même qu’il a cru bon célébrer un inamovible de l’expertise qu’il critique (cf. ci-dessus) - ne trouve rien de mieux pour introduire le thème du lanceur d’alerte que d’appliquer le concept au Petit Poucet brestois.
Indépendamment du débat sur la réalité et la portée des exploits attribués à cette héroïne (et en s’abstenant autant que faire se peut des querelles de personnes), rappelons quand même que, jusqu’à plus ample informé, celle-ci n’a aucun lien hiérarchique ni contractuel avec l’administration qu’elle se voit louée d’avoir critiquée. Quel était dès lors le problème posé relativement à la notion centrale du "lanceur d’alerte" - à savoir la protection de l’intéressée ? Quel était le pouvoir de l’AFSSAPS sur le CHU de Brest dont, apparemment, dépend notre Petit Poucet ? Quelles ont été les menaces et, plus encore, les sanctions qui se sont exercées sur elle ? Un de ses admirateurs m’a affirmé qu’elle aurait fait l’objet d’un "harcèlement", mais en quoi peut consister le harcèlement d’une instance à laquelle on est personnellement et professionnellement totalement étranger ? [31].
Je reviendrai dans un article ultérieur sur cette dérive démagogique qui, tout en passant à côté du vrai problème posé - lequel est grave - distribue du "lanceur d’alerte" à n’importe quel quidam ayant réussi à convaincre les médias qu’il n’a pas eu la reconnaissance qu’auraient dû
lui apporter ses insignes mérites... Le "lancement d’alerte", ce n’est pas le show-biz, et il serait temps que s’en rendent compte ceux - politiques et juristes notamment - qui usent et abusent du concept à seul fin de faire de la mousse.
Contrôle des dispositifs médicaux
Il est probable qu’en vantant ce contrôle comme l’un des aspects positifs de la réforme, F. Autain n’anticipait pas l’ampleur qu’allait prendre juste après son intervention le scandale des prothèses mammaires, qui met bien en lumière deux problèmes importants :
- une fois de plus, la remarquable procrastination des autorités françaises [32], puisque le fabricant de ce dispositif franco-français a déjà été amplement condamné dans des pays étrangers (Libération, 22/12/11) pourtant dépourvus de ce redoutable outil d’investigation que l’on appelle ici "Pôle santé" ;
- le scandale, cette fois très extra-hexagonal, du contrôle des dispositifs médicaux dans la CEE - et qui a justifié une dénonciation sans concession du journal (The Lancet, 21/01/12, p. 204.) : de cet éditorial signé par le rédacteur en chef de la revue, on apprend notamment que "le marquage CE n’est un rideau de fumée pour des dispositifs défectueux et dangereux qui mettent en danger les patients et les chirurgiens". Bon à savoir...
C’est, à nouveau, se moquer des gens que d’accréditer qu’une réformette franco-française conçue à la va-vite par des incompétents pourrait améliorer en quoi que ce soit les graves menaces de santé publique - dont les dispositifs médicaux ne sont qu’un exemple parmi énormément d’autres - inhérentes au fonctionnement même d’une Europe de merde imposée par la quasi unanimité des parlementaires en violation croissante des principes démocratiques les plus sacrés.
Conclusion : pour un recentrage de la critique
J’entends d’ici les dénégations vaseuses des politiques visés et de leurs affidés, discréditant le présent réquisitoire au motif que son auteur serait un extrémiste inconscient des possibles.
Cependant, j’ai trop de respect à l’égard du Politique pour mépriser le sens du compromis, et ce d’autant plus que je m’en sais, personnellement, totalement dépourvu - caractérisation personnelle que je suis loin de tenir pour une vertu. Mais dans l’effondrement sociétal actuel, il convient de ne pas confondre la qualité la plus éminente du politique - l’art du compromis - avec la simple compromission [33].
La triste réalité, c’est que la réformette qui nous a été conjointement vendue par Bertrand, Debré, Autain et autres Bapts est un tissu de niaiseries démagogiques où l’on ne distingue aucune prise de conscience des véritables problèmes ou de leur déterminisme. Comment s’en étonner ? Depuis plus d’un an, je n’ai cessé de dénoncer sur le présent site le refus forcené d’une analyse rétrospective tant soit peu radicale. Ce n’est pas la première fois : rétrospectivement, ai-je eu tort de qualifier de "torche-cul" le rapport de l’Assemblée sur le scandale H1N1 - alors que le spectre de nouvelles vaccinations obligatoires s’exhibe avec toujours plus d’indécence [34] ?
L’entourloupe commune à toutes les enquêtes parlementaires qui ont scandé le scandale H1N1, puis l’affaire Médiator, c’est d’avoir focalisé l’attention des citoyens sur les seules défaillances de l’expertise sans aucune considération pour un fait qui va pourtant de soi : l’expertise n’a jamais que l’épaisseur que veulent bien lui donner les décideurs - à savoir en l’espèce : les politiques.
Telle qu’elle a été répétitivement documentée sur le présent site, la misère de la réflexion politique relativement aux scandales sanitaires dont l’actualité nous offre des exemples quasi quotidiens [35] appelle donc, et de toute urgence, une réorientation de l’analyse vers ceux qui, quoi qu’on en dise [36], ont en main les leviers de décision : les parlementaires et les ministres. Dans cette perspective, je consacrerai un prochain article à la question notoire, quoique négligée, du lobbying, de ses modalités et de ses conséquences.
[1] Médiator permettait d’occulter bien d’autres scandales (dûment évoqués dans le présent article), mais la question des obligations vaccinales me paraissait l’une des plus préoccupantes.
[2] Par "véritable" et en contraste avec le verbiage creux des interminables missions d’enquête auxquelles Médiator a donné prétexte, j’entends : 1/ ne pas craindre les questions qui fâchent vraiment, au lieu de s’autocongratuler autour d’une pseudo-critique émise par des bouffons assez anodins pour s’attirer une unanimité d’éloges ; 2/ ne pas fonder l’essentiel de la critique sur les analyses a posteriori des inamovibles qui sont les principaux responsables de la situation qu’on prétend réformer.
[3] Qu’ont-ils fait, par exemple, pour protéger nos concitoyens contre la cérivastatine (itérativement enregistrée haut la main par toutes les autorités sanitaires internationales) hormis attendre le retrait décidé par le fabricant, voici maintenant... plus de dix ans ?
[4] L’inexplicable inertie du fabricant (Laboratoire Takeda) relativement aux perspectives de faire sanctionner par les instances européennes la position juridiquement intenable de la France s’expliquant le plus probablement par des compensations (lesquelles ?) d’autorités françaises prêtes à toutes les compromissions pour entretenir l’illusion qu’elles conservent des lambeaux de souveraineté sur les affaires pharmaceutiques.
[5] M. Girard, Médicaments dangereux : à qui la faute ?, Escalquens, Dangles, 2011 : p. 53.
[6] Je n’ai pas sous la main les moyens de le vérifier, mais de mémoire, ledit organisateur a commencé d’opérer dans la pharmacovigilance officielle depuis le début des années 1980 - en tout cas depuis fort longtemps.
[7] Apparemment en 2006, pour un produit déjà sur le marché depuis 30 ans à ce moment là : à ce simple délai, on mesure toute la réactivité de la pharmacovigilance française, même réduite à son élite telle que célébrée par le sénateur Autain...
[8] Relativement à mon historique des faits repris depuis par de nombreux sites et de nombreux intervenants sans la moindre allusion à son accablante portée, au moins quatre éléments plus récents sont venus confirmer mon analyse.
- La courbe des ventes de Médiator montre deux infléchissements très nets : 1/ un premier dans la première moitié des années 1990, au moment où, selon toutes les sources internationales disponibles, l’administration sanitaire cherche par tous les moyens à préserver les intérêts de Servier malgré la gravité de l’alerte Isoméride ; 2/ un second encore plus net après le scandaleux retrait de tous les anorexigènes (amphétaminiques inclus), qui laisse le champ libre au seul encore sur le marché - Médiator : on ne sache pas que le pharmacologue hôte de F. Autain se soit jamais offusqué de ces décisions désastreuses auxquelles il a été objectivement et constamment associé.
- Accusé par les sources internationales habituellement très politiquement correctes de s’être comporté en serviteur de Servier à l’époque des faits, le responsable français de l’AFSSAPS et de l’EMEA européenne a été depuis lors dénoncé par les médias pour avoir touché, depuis sa prise de retraite, pas moins de 1,2 millions d’euros du même Servier : chacun est libre d’interpréter comme il veut cette générosité tardive.
- Si j’en crois Médiapart (11/02/11), le responsable en question est la seule de toutes les personnalités auditionnées à s’être présenté devant la mission parlementaire de l’Assemblée avec un avocat - indicateur intéressant quant à la tranquillité de sa conscience...
- Des deux responsables de l’AFSSAPS sanctionnées pour incompétence à la suite de l’affaire Médiator, l’une n’était autre que l’ancienne assistante dudit responsable, indicateur non moins éloquent des critères d’excellence qui avaient présidé aux choix de ce dernier. A l’époque de sa splendeur, en effet, les professionnels de la pharmacie se divisaient en deux camps : 1/ la majorité qui, conformément au biais typiquement français, excipaient de ses écrasantes responsabilités administratives pour en inférer son excellence intellectuelle ; 2/ la minorité qui insinuait que son engagement au service de l’administration sanitaire ne faisait que solder son impuissance à avoir négocié la valeur de ses services avec les instances infiniment plus généreuses de l’industrie pharmaceutique (il n’y a que Le Nouvel Observateur, 20/12/11 pour en faire rétrospectivement un "grand professeur de biologie"). Si tel a été le cas, sa confortable retraite atteste qu’il se serait bien rattrapé depuis...
[9] Je ne peux que renvoyer ceux qui veulent apprécier sur pièces le "niveau de preuve en question" aux excellents ouvrages de mon non moins excellent ami Michel de Lorgeril.
[10] L’hôte du sénateur semble également avoir entretenu d’excellentes relation de travail avec Servier : il a été ainsi principal signataire de deux des quatre références (50%...) retenues par l’ouvrage de référence Martindale au chapitre consacré à Trivastal, un autre produit développé par le même fabricant...
[11] J’ai déjà eu l’occasion de relever les amnésies sélectives du sénateur : par exemple lorsqu’il a auditionné avec une déférence apparemment non feinte un autre inamovible de la pharmacovigilance française qui présente, sur le précédent, la supériorité d’avoir été vice-président de la Commission nationale de pharmacovigilance lors de décisions cruciales sur l’Isoméride et, plus fort encore, d’avoir été l’un des principaux cosignataires de la très problématique étude IPPHS.
[12] Pas plus que quiconque - et surtout par l’Ordre - ne s’émeut du mépris entretenu par la quasi totalité des professionnels de santé - à commencer par les représentants de l’Ordre - relativement à l’article L.4113-13 du Code de la santé publique qui fait obligation de déclarer ses liens d’intérêts avant toute intervention dans les médias...
[13] J. Moret-Bailly, "Les conflits d’intérêts des experts consultés par l’administration dans le domaine sanitaire", Revue de droit sanitaire et social 2004 : p. 855 et suiv.
[14] M. Girard, op. cit., pp. 53-4.
[15] Avorn, J., M. Chen, and R. Hartley, Scientific versus commercial sources of influence on the prescribing behavior of physicians. Am J Med, 1982. 73(1) : p. 4-8.
[16] Aux USA, Pfizer a pris en 2005 une amende de 1,2 milliards de dollars pour la promotion abusive d’un de ses produits, et l’hécatombe continue : on est loin de la philosophie du non-lieu et de la relaxe qui semble prévaloir au Pôle santé...
[17] Ce qui a été le cas avec Viagra, alors que, de notoriété publique, il existait des dizaines de médicaments susceptibles de stimuler l’érection.
[18] Incluant les zélateurs de "la nouvelle expertise" qui s’imaginent qu’il suffit d’être abonné à Prescrire pour maîtriser les arcanes de la recherche clinique.
[19] M. Angell, "The illusions of psychiatry", New York Review of Books, 14 juillet 2011.
[20] Heres, S., et al., Why olanzapine beats risperidone, risperidone beats quetiapine, and quetiapine beats olanzapine : an exploratory analysis of head-to-head comparison studies of second-generation antipsychotics. Am J Psychiatry, 2006. 163(2) : p. 185-94.
[21] Hormis, apparemment, les parlementaires qui devraient pourtant être les premiers concernés, tout le monde comprend qu’on peut parfaitement avoir le même jour trois sondages dont le premier donne 24% des voix à Hollande contre 22% à Sarkozy, le second 23% à Sarkozy contre 22% à Le Pen, et le troisième 23% à Le Pen contre 22% à Hollande : ce qui fait bien que Hollande battra Sarkozy, qui battra lui-même Le Pen, laquelle battra Hollande. Sur ces données imaginaires en l’espèce, mais a priori crédibles, la fraude peut emprunter deux voies principales :
- dans la façon dont sera sélectivement médiatisée une partie de ces données dont l’ensemble est rigoureusement ininterprétable ;
- bien plus subtilement, dans la façon dont, au nom d’une méthodologie délicate, il est possible - et parfaitement légal - de manipuler les données brutes via des règles de "redressement" dont le contrôle citoyen est extrêmement difficile et qui permettent, par exemple, de publier sous l’intitulé "Sarkozy 28% contre Hollande 26%" un sondage dont les chiffres initiaux avaient été Hollande 28% contre Sarkozy 24,2% (Le Canard Enchaîné, 25/01/12).
[22] Smith, R., Medical Journals Are an Extension of the Marketing Arm of Pharmaceutical Companies. PLoS Med, 2005. 2(5) : p. e138.
[23] Tout en facilitant la promotion des faux contestataires et des ignobles vizirs.
[24] Chacun a encore en mémoire le lamentable plantage du "portail officiel de la France". Le Canard enchaîné (21/09/11) a, d’autre part, publié sur le coût pharaonique du logiciel Chorus, développé à l’initiative de Bercy. J’ai moi-même eu l’expérience directe du super logiciel développé par le ministère de la justice pour scanner les pièces des dossiers, qui m’a forcé à aller rechercher un vieil ordinateur au rebut pour récupérer une (très) ancienne version de Windows - la seule avec laquelle le nouveau logiciel (qui avait dû être très long à développer...) pouvait fonctionner. Je suis également informé de Lycées munis d’un logiciel de notes qui calcule des moyennes erronées : sachant - il y a quand même une Providence - que grâce à nos Nouveaux Pédagogues et aux IUFM, on a de moins en moins de professeurs pour se rendre compte des erreurs et que compte tenu de ses compétences connues en arithmétique, il ne faut pas compter sur l’actuel ministre de l’Education nationale pour s’en émouvoir. La liste pourrait être allongée à l’envi...
[25] La presse s’est également fait l’écho d’un certain rapport dans lequel un expert judiciaire que je ne citerai pas estimait que la pharmacovigilance française en était encore à "l’âge de pierre informatique" (APM, 14/11/02)...
[26] Chalmers, I., From optimism to disillusion about commitment to transparency in the medico-industrial complex. J R Soc Med, 2006. 99(7) : p. 337-341.
[27] Fisher, C.B., Public health. Clinical trials results databases : unanswered questions. Science, 2006. 311(5758) : p. 180-1.
[28] Autre exemple : le parcours du combattant des citoyens qui prétendent simplement faire appliquer la loi leur permettant d’avoir accès à leur dossier médical ou, pire encore, à celui de leurs proches décédés.
[29] I.e. pas les pseudo "lanceurs d’alerte" (cf. plus bas) à qui, avec une unanimité déconcertante, la presse de droite comme de gauche tresse quotidiennement des couronnes de lauriers...
[30] La lamentable duplicité des parlementaires (ou leur incommensurable jobardise) ressort du fait que tout en bramant devant les micros en faveur d’une plus grande transparence, ils passent en catimini une loi extrêmement inquiétante sur "le secret des affaires" (Le Monde, 26/01/12) dont on n’anticipe que trop facilement avec quel arbitraire elle pourrait être appliquée - notamment à l’encontre des "lanceurs d’alerte" (les vrais : cf. plus bas).
[31] A dire vrai, il semble que le "harcèlement" en question se soit limité à quelques courriers purement internes de l’AFSSAPS, dont le contenu faisait apparemment état d’un certain agacement à l’égard de la dame. Elle s’imagine quoi, notre "lanceuse d’alerte" : que quand on critique le travail d’autrui, autrui va se présenter pieds nus et en chemise, avec de la cendre sur la tête ou une corde autour du cou ? Il serait intéressant d’analyser d’un point de vue freudien le fantasme sous-jacent à cette notion de "harcèlement"... En tout état de cause, il vaut mieux s’abstenir de tout engagement polémique si l’on reçoit le retour de critique comme une attaque personnelle intolérable...
[32] Selon Libération (01/02/12), c’est dès 1996 que les autorités françaises auraient été alertées quant aux pratiques étranges de l’entreprise : il leur aura donc fallu près de 15 ans pour réouvrir le dossier, en 2010.
[33] Distinguo parfaitement illustré par les récents accords électoraux entre le Parti socialiste et les Verts, qui ont justifié les plus répugnantes compromissions alors qu’à peine signé, le compromis a - lui - volé en éclats sous la poussée conjointes des deux principaux intéressés - Hollande et Joly - qui se sont empressés de faire savoir qu’ils ne se sentaient en rien tenus par lesdits accords...
[34] Et que, de toute façon, la modification de la directive 2001/83/CE - qui vise à généraliser les conditions de précipitation qui ont permis la mise sur le marché de Pandemrix (ou de Gardasil) - a été votée sans aucune résistance par le parlement européen le 22/09/10, alors que l’encre des rapports parlementaires sur la pandémie porcine était à peine sèche.
[35] Abstraction faite de ceux, encore plus nombreux, dont la presse ne nous parle jamais.
[36] Je ne fais pas partie des gens qui croient à la mort de l’Etat : c’est bien parce qu’il n’est pas mort qu’il est si dangereux d’en laisser les responsables sous la seule influence des lobbies.
Marc Girard
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