La petite Irène a perdu sa Frachon : rapport de la Cour des comptes sur « la loi Bertrand »
RÉSUMÉ - La parution récente d’un rapport de la Cour des comptes faisant un bilan fort critique de la "loi Bertrand" n’est que la énième confirmation de la position d’emblée très sceptique prise sur le présent site à propos de la pseudo-affaire Médiator, dont on a toujours soutenu qu’elle n’avait visé qu’à occulter bien plus significatif en matière de scandale médico-pharmaceutique. Dans les lignes qui suivent, on explique plus précisément pourquoi cette loi tant célébrée par les médias (et par les politiques) n’avait aucune chance de résoudre la question pourtant grave des conflits d’intérêts.
Quand, en janvier 2012, le sénateur François Autain nous avait solennellement confirmé que grâce à une Madone brestoise (« amie » autoproclamée de l’intraitable Xavier Bertrand et « copine » de l’intransigeant Gérard Bapt), on pouvait tirer un trait sur les conflits d’intérêts, et que ça allait vachement barder chez les contrevenants, nous n’avions pas été si nombreux à rigoler.
Depuis lors, il serait lassant de recenser les preuves qu’une fois encore, la vérité était du côté de ceux qui rigolaient. Contentons-nous de rappeler qu’en avril 2015, Marisol Touraine annonçait sans rire une « opération mains propres dans la santé » (Le Monde, 09/04/15), qu’un an plus tard, Martin Hirsch – perdreau de l’année bien connu en matière de res publica – s’avisait soudain de clarifier les relations entre « les médecins et les labos » (Le Monde, 28/03/16), tandis qu’au même moment, La Cour des comptes publiait un rapport détaillant des « failles majeures » dans la gestion des conflits d’intérêts en matière d’expertise sanitaire associé, dixit La Tribune (24/03/16), à un « bilan très critique » de la loi Bertrand du 29/12/2011 – précisément celle qui avait motivé notre hilarité…
Quant aux sanctions également promises, sans ironie décelable, par F. Autain, deux anecdotes – parmi des milliers [1] – permettent d’en mesurer la portée :
- en août 2015, le fameux Manifeste des 30, toujours publié sous la houlette (lapsus calami : j’ai failli écrire « sous la boulette ») de l’increvable pneumologue brestoise, cosigné par les pires forbans auxquels la « loi Bertrand » était justement supposée faire la peau ;
- encore plus récemment, cet éminent pneumologue qui, témoignant sous serment devant le Sénat à propos de pollution atmosphérique et quoique explicitement interrogé sur ses liens d’intérêts, a simplement oublié de mentionner ceux qu’il entretient depuis des années avec des acteurs aussi neutres que Total en matière de pollution atmosphérique (Le Canard Enchaîné, 16/03/16).
Quoi qu’en pensent les signataires de ce Manifeste qui ne peuvent imputer à autre chose qu’une compulsion vomitive [2] de repérer sur la Toile des intervenants un peu moins jobards qu’eux, il était facile de caractériser les circonstances permettant de tenir pour un piège à cons cette "affaire" Médiator.
- La bouffissure narcissique des pseudo-lanceurs d’alerte plus obsédés de « like » que de Vérité et qui, n’ayant jamais peur de prendre position sur ce qu’ils ne connaissent pas, n’ont aucune appréhension à brailler des solutions censément radicales destinées à séduire ceux qui connaissent le sujet encore moins qu’eux. En l’espèce, les obligations déclaratives des experts de l’administration sanitaire avaient été fixées par la loi depuis 1993 : à supposer que l’histoire Médiator fût significative [3] et qu’elle relevât d’un manquement à ces obligations [4], la solution eût exigé de comprendre POURQUOI le dispositif légal en vigueur n’avait pas fonctionné [5] et certainement pas à concocter une nouvelle loi qui n’avait aucune chance de mieux réussir - surtout sous la houlette « manifeste » de ceux qui, par la force des choses, étaient les premiers responsables de ce premier échec, et à l’instigation d’une passionaria omnipotente [6], mais qui n’avait clairement pas la moindre connaissance du technico-réglementaire pharmaceutique (on ne parle même pas de la cardiologie [7]. Il est plaisant, par exemple, d’apprendre, dès le prologue du livre d’I. Frachon, que « les cavités du cœur [sont] séparées par une valve, la valve mitrale » : à l’épreuve d’anatomie, on colle pour moins que ça des étudiants de première année) [8]…
- La prodigieuse incompétence des journalistes, prêts à gober, puis à amplifier n’importe quelle fausse nouvelle pourvu qu’elle leur paraisse de nature à exciter le « blaireau de base » et à stimuler la vente de leurs torche-culs.
- La consternante démagogie des politiques, surtout soucieux de s’accrocher aux wagons de n’importe quel train fou pour accréditer auprès du bon peuple qu’ils s’occupent des vrais problèmes.
- L’effrayante garantie d’impunité dont bénéficient, en France, les fauteurs de troubles en matière de santé publique [9]. En l’espèce, si l’on peut, à l’extrême rigueur, admettre qu’un hospitalier prescrivant des centaines de spécialités pharmaceutiques puisse s’emmêler les pinceaux dans les relations qu’il entretient avec tous les fabricants concernés, il apparaît simplement inconcevable qu’un hospitalo-universitaire oublie les liens (d’ailleurs anciens et apparemment fort lucratifs) qu’il cultive avec un pétrolier : plus qu’une longue démonstration, cette inconcevable dissimulation – devant la représentation nationale en plus – dit assez la certitude d’impunité qui, dans notre pays, s’attache à ce type d’infraction.
N’en déplaise à François Autain.
Et à tous ceux – ils sont nombreux – qui ont entretenu le terrain de ces pitoyables rodomontades.
Message personnel : « La petite Irène est invitée à se présenter à l’accueil, où l’attend Tonton Gérard. »
[1] « Des milliers » se réfère au fait facilement vérifiable que, tous les jours, la presse profane ou professionnelle publie sans la moindre vergogne des articles ou des interviews qui ne sont rien de plus que de la propagande mal déguisée, sur des sujets de santé publique pourtant majeurs tels que la contraception, la mammographie et autres dépistages aussi performants, les risques cardiovasculaires, les anticancéreux ou les antiviraux, l’autisme ou l’hyperactivité, les vaccins…
[2] En omettant les diagnostics différentiels tels que : i) une éthique consistant à ne parler que de ce que l’on connaît vraiment ; ii) une indifférence absolue au plaisir de se faire mousser avec la bulle médiatique du moment.
[3] Ce qu’elle n’était pas – relativement à la moyenne des vrais scandales pharmaceutiques – à commencer par ceux que l’affaire Médiator a opportunément contribué à occulter.
[4] Ce qui n’était certainement pas le cœur du problème posé.
[5] Encore eût-il fallu savoir que ce dispositif existait déjà : et donc, au contraire de ces Narcisses contemporains qui imaginent que rien n’a existé avant qu’ils n’y mettent leur grain de sel, admettre d’avoir été précédé. Même remarque avec Debré et Even, autoproclamés experts dans un domaine dont ils ne connaissent manifestement rien, quand ils appellent de tous leur voeux une réglementation pharmaceutique dont ils ne savent même pas qu’elle s’est constituée depuis plusieurs siècles...
[6] « On ne peut plus mettre sous le tapis les risques liés aux médicaments ! » déclare l’Omnisciente brestoise sur le site de la Mutualité Française (07/04/16), en ne craignant pas de soutenir que sa mystification Médiator aurait été le "Fukushima du médicament". Si elle regardait un peu plus loin que son nombril, elle saurait que la pharmacovigilance a existé bien avant elle (depuis Hippocrate au moins) et qu’elle ne fonctionne pas mieux - bien au contraire - depuis qu’elle est venue (avec ses "copains"...) trancher de tout sans rien savoir, sous les applaudissements imbéciles de ceux qui font pareil. Fukushima toi-même...
[7] J. Bardet. L’affaire Médiator – Un devoir de vérité. Questions d’actu, 2014.
[8] Près de six ans après la naissance du "scandale", un titre de presse ("Vioxx, l’autre Médiator", La Voix du Nord, 01/04/16) dit assez le travail de brouillage opéré par l’Omnisciente brestoise, et par ses laudateurs décérébrés. Dès 1978, Médiator se voyait refusé par des administrations sanitaires aussi anodines que celles de la Belgique. Le fabricant de Vioxx, lui, a snobé les plus prestigieuses administrations sanitaires du monde, et tiré de son médicament un chiffre d’affaires cinquante fois supérieur ; quant au nombre de victimes...
Marc Girard
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