Narcolepsies : la nouvelle campagne de vaccination commence bien...
Cela tombe super bien ! Si l’on en croit la presse du 23/09/10, l’EMA (Agence européenne du médicament) a publié un communiqué exonérant le vaccin anti-H1N1 de toute responsabilité dans la survenue de narcolepsies. Quelle heureuse coïncidence : tout ça alors que la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière allait commencer seulement deux jours plus tard !
Rien que du bonheur, quoi !
La lecture dudit communiqué (donné en PJ) est malheureusement beaucoup plus inquiétante : et d’autant plus inquiétante qu’elle ne concerne pas seulement la campagne de l’an passé...
Selon Le Point.fr du 23/09/10, "L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé jeudi qu’après enquête, ses experts n’avaient pu déterminer aucun lien entre le vaccin Pandemrix de GlaxoSmithKline contre la grippe H1N1 et des crises de narcolepsie qu’il était soupçonné d’avoir provoqué dans plusieurs pays". Et le Parisien du même jour d’en rajouter, sous l’autorité d’un de nos meilleurs-experts : "Les Suédois qui avaient donné l’alerte les premiers, se sont depuis rétractés. On ne peut établir aucun lien entre les vaccins et ces cas de narcolepsie".
Si l’on s’en tient au paragraphe introductif dudit communiqué, on peut déjà en rabattre un peu sur cette providentielle absolution : "Le Comité conclut que les données disponibles ne permettent pas de déterminer s’il existe un lien entre Pandemrix et les notifications de narcolepsie, et que d’autres études sont nécessaires pour une parfaite compréhension du problème". La tonalité, on le voit, n’est pas à l’absolution, puisque, comme annoncé dans ma précédente mise au point, on n’a pas avancé d’un iota : "d’autres études sont nécessaires". On se croirait le 15/12/94, quand la commission nationale de pharmacovigilance, constatant une fréquence objectivement anormale de réactions neurologiques au vaccin contre l’hépatite B, concluait à la nécessité d’études complémentaires, avant de se réjouir que la campagne vaccinale alors en cours allait permettre d’en savoir plus - notamment "chez les enfants et les nourrissons" [1]...
Mais lorsque l’on se donne la peine de lire la totalité de ce communiqué, les choses deviennent encore plus inquiétantes.
- Alors que le dernier communiqué des autorités françaises, à ma connaissance, faisait état de 6 cas français, on apprend qu’il y en eu 4 de plus dans l’entre temps (soit une augmentation de 67% depuis le dernier pointage officiel - excusez du peu).
- Conformément à l’intuition de ma précédente note, il se pourrait que, chez l’enfant, le nombre de cas observés soit supérieur au nombre de cas attendus (quoique selon une pratique déjà largement éprouvée dans le dossier de la vaccination contre l’hépatite B, l’Agence adopte une formulation très contournée pour ne pas poser le problème selon l’alternative crue notifiés/attendus [reported/ expected] habituellement tellement utile pour balayer les objections quand il y a moins des premiers que des seconds...) Or, si le deuxième cas de figure ne fournit aucune réassurance compte tenu - je l’ai souvent rappelé - de la sous-notification, il n’en va pas du tout de même quand c’est l’inverse : s’il y a plus de cas notifiés que de cas attendus, il faut être un peu de mauvaise foi - toutes choses égales par ailleurs - pour contester la causalité.
Récapitulons, car la situation tend à s’éclaircir... sur un tableau de plus en plus sombre.
- Depuis le 18/09/10 (date de la première alerte), les autorités européennes n’ont toujours rien fait de méthodologiquement sérieux.
- Comme d’habitude, elles s’abritent derrière leur propre inertie pour soutenir que rien n’est démontré [2].
- Elles ne rougissent pas d’affirmer que pour simplement "étudier" 81 notifications, il va leur falloir encore 3 à 6 mois !
- Une notification correspond le plus souvent un formulaire (dit "fiche CIOMS") de 2 pages, généralement très pauvre en informations pertinentes. Sur la base d’une durée maximum d’un quart d’heure pour lire une telle fiche, il faut - à un homme seul - environ deux jours pour prendre connaissance de l’ensemble.
- S’il faut plus de six mois à l’Agence européenne pour "analyser" 81 notifications, à qui fera-t-on croire qu’il suffit de quelques semaines seulement pour analyser le complet dossier d’enregistrement d’un vaccin anti-grippal, censé inclure, outre les données pharmaceutiques (fabrication, impuretés, etc.) et toxicologiques, des essais cliniques supposés avoir inclus quelques milliers de gens, avec notamment des effets indésirables survenus chez quelques centaines...
- Tout en ne craignant pas d’annoncer des délais aussi exorbitants pour analyser 81 pauvres fiches de rien du tout, l’Agence admet implicitement ne pas être en mesure de spécifier avec un minimum de précision l’incidence des narcolepsies normalement attendue chez l’enfant. Or, :
- si ce paramètre est effectivement inconnu, la mauvaise foi des autorités est parfaitement démontrée, puisque, dès l’alerte, elles avaient commencé par affirmer - as usual - que le nombre de cas notifiés était inférieur au nombre de cas attendus ;
- si ce paramètre est connu, que signifie la formulation faussement hypothétique que le nombre de cas notifiés "semble" plus élevé que le nombre normalement attendu ?
- en tout état de cause, si une incidence suffisamment précise ("bruit de fond") est hors de portée, à quoi bon continuer de perdre du temps sur ces 81 pauvres notifications qui ne seront jamais interprétables sans ce paramètre : c’est une tout autre méthodologie qu’il aurait fallu mettre en oeuvre sans tarder.
- L’EMA n’a pas peur d’insinuer :
- que l’augmentation des cas pourrait n’être qu’apparente en raison d’un diagnostic plus précoce (selon un argument superposable à celui utilisé pour justifier qu’en France, on soit passé en quelques années d’environ 25000 à 80000-90000 cas de scléroses en plaques) : on se demande bien au nom de quoi, en vertu de quelle nouvelle politique de dépistage (surtout chez l’enfant !), le diagnostic de narcolepsie aurait fait des progrès décisifs dans le second semestre de l’année 2010 !
- que l’augmentation des cas de narcolepsie pourrait correspondre à une complication... de la grippe porcine : argument d’autant plus débile que l’alerte est bien venue de narcolepsies survenues chez les sujets vaccinés et non chez les autres, qui auraient dû être encore plus atteints par l’épidémie de narcolepsies si celles-ci avaient été imputables au virus H1N1 [3] !!!
- L’Agence européenne est toujours dans l’incapacité de proposer le moindre protocole d’étude épidémiologique crédible et, plus encore, d’expliquer comment la mise en place de quelque "réseau" (network) que ce soit pourrait aider à l’évaluation rétrospective des cas survenus.
Je mets donc l’Agence européenne (ou l’AFSSAPS qui en a forcément copie) au défi de publier les 81 fiches en question [4] et je m’engage publiquement à analyser moi-même ce mini-corpus - en prenant non moins publiquement le pari qu’il ne me faudra pas 6 mois pour ce faire... Et nous comparerons nos résultats - toujours publiquement comme il sied normalement à un débat scientifique.
Mais la portée du débat ne concerne pas seulement la campagne passée - hélas...
- Nous le savions déjà, mais le débat actuel sur cette grave question de pharmacovigilance atteste de nouveau l’incompétence et la malhonnêteté des autorités sanitaires, sans qu’il soit toujours possible de discriminer finement les effets de l’une ou de l’autre...
- Plus grave encore. Alors qu’on ne peut plus nier désormais l’existence d’un vrai problème avec ces narcolepsies post-vaccinales (appelant, si l’on en croit l’EMA, encore des mois de travail...), quel peut en être le mécanisme ? La plupart des spécialistes de cette maladie jugeant que la narcolepsie correspond le plus probablement à une maladie auto-immune, on se représente sans peine - au moins théoriquement - qu’un vaccin puisse déclencher une telle auto-immunité. Or, si les narcolepsies post-vaccinales sont effectivement liées à une réaction auto-immune, quel peut être l’antigène en cause ? Il n’y a pas bataille : soit un antigène du virus H1N1, soit un adjuvant. Le problème, c’est que le vaccin contre la grippe saisonnière de cette année contient exactement ces mêmes antigènes... et ces mêmes adjuvants [5]. Cherchez l’erreur...
Bonne chance aux vaccinés de cette année - et aux enfants, en particulier !...
[1] On allait attendre lesdites études jusqu’en 1997, quand il était objectivement trop tard.
[2] "Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude" dit normalement la loi...
[3] Reste que pour évidemment débile qu’il soit, cet argument est en parfaite continuité avec la "méthodologie d’évaluation" des autorités qui, à chaque décès ou fausse-couche post-vaccinaux, n’ont pas manqué de rappeler doctement qu’on avait là, typiquement, des complications de la grippe dont l’atroce survenue justifiait au contraire la vaccination.
[4] L’argument de la confidentialité ne pouvant s’appliquer puisque la réglementation fait obligation d’anonymiser ces fiches.
[5] Contrairement, soit dit en passant, à ce qu’ont faussement annoncé certains journaux : cf. par exemple Nouvel Obs.com, 23/09/10.
Marc Girard
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