"Syndrome des jambes sans repos" et "jambes lourdes"
En date du 01/08/11, un post-scriptum a été ajouté à cet article initialement posté le 10/07/11.
Diverses réactions de correspondants me conduisent à penser que mon récent propos sur le "syndrome des jambes sans repos" [1] a pu être mal interprété. Quelques précisions s’imposent donc.
N’en déplaise aux confrères bizarrement intentionnés qui prétendent me contredire sur une seule base terminologique [2], je sais ce qu’est un "syndrome des jambes sans repos" dans l’acception naguère classique [3]. Et je relève en passant que n’en déplaise, là encore, à mes contradicteurs censément puristes, la définition de ce syndrome n’est pas si univoque qu’on voudrait aujourd’hui l’insinuer à seule fin de dissimuler un problème de fond derrière une bête controverse autour des mots (comme c’est si souvent le cas en médecine, du moins dans notre pays [4]) : comment en serait-il autrement avec un syndrome purement subjectif basé sur une sensation d’inconfort qui se traduit pour la personne considérée par un besoin irrésistible de bouger ses jambes [5], sachant de plus que cette sensation peut, en intensité, aller du simple désagrément au suicide [6] ?
Quoique ce syndrome finalement assez vague soit parfois rapporté (entre autres) à une carence en fer, sa notoriété bibliographique vient du fait que, sous la forme dite "akathisie" [7] , il a été fréquemment rapporté comme complication de nombreux psychotropes [8], notamment certains antidépresseurs [9]. Ainsi, et durant des décennies, dans quelque acception qu’on le prenne, le "syndrome des jambes sans repos" a été, pour l’industrie pharmaceutique, un souci iatrogène bien davantage qu’une opportunité commerciale.
Les choses vont brutalement changer quand, à l’initiative de la firme GlaxoSmithKline (GSK), au début des années 2000, les professionnels de santé vont se voir invités à la naissance d’une nouvelle maladie répondant au doux nom de "jambes sans repos" [10] et caractérisée par un paradoxe : malgré l’intensité des symptômes (dont "les répercussions sur la vie familiale et sociale" sont importantes - dixit un dossier de presse de GSK daté du 24/06/04) -, la fréquence de cette "maladie neurologique chronique" (ibid) est grossièrement sous-estimée ("le diagnostic est souvent tardif" et "la maladie reste trop méconnue en dehors de ce cercle restreint de spécialistes") conduisant à une véritable "errance médicale" avec des conséquences désastreuses tant pour les finances publiques que pour les malheureux malades ("qui subissent des examens inutiles (...) [et reçoivent des] "traitements inadéquats" (ibid).
Complication complémentaire : malgré l’engagement nosographique [11] évidemment désintéressé de GSK, les cons de généralistes persistent à "confondre" cette nouvelle maladie avec la vulgaire "insuffisance veineuse" [12]. Même la revue Prescrire [13], qu’on a connue plus inspirée relativement à d’autres embrouilles, va reprendre à son compte "la grande prévalence de cette affection en France et le fait qu’elle est sous diagnostiquée", tout en s’émerveillant sans rire que "Paradoxalement, près de 80 % des patients traités par veinotoniques se déclaraient être améliorés par ces traitements" (ce sont eux qui soulignent !).
Nonobstant cette confusion nosographique imputable à la préoccupante cécité sémiologique des praticiens opérant "en dehors de ce cercle restreint de spécialistes", le problème demeure que même en s’en tenant aux "critères" de diagnostic proposés par GSK, on peut mêler pas mal de torchons et de serviettes dans un syndrome caractérisé entre autres par "une survenue OU aggravation EXCLUSIVEMENT au repos" ainsi que par "une survenue le soir ou la nuit" quoique "les symptômes peuvent apparaître aussi le jour" - selon une nouvelle logique "d’exclusivité" qui permet, via l’usage libre du "ou", de cibler comme "caractéristique" à peu près tout et n’importe quoi [14]. Une telle confusion nosographique [15] permet de dissimuler la masse des quasi bien-portants derrière la frange des exceptionnels cas sévères :
- en cas de polémique (comme celle déclenchée par la récente émission C dans l’air), on fait sortir du bois quelques cas graves pour illustrer par l’exemple que les critiques du "syndrome" sont vraiment à côté de la plaque ;
- mais l’intérêt lucratif du pseudo-syndrome tient évidemment bien plus à la masse des bien-portants étiquetés à la va-vite pour justifier un traitement onéreux qu’à l’infime minorité des gens effectivement malades (et dont rien ne prouve qu’ils soient d’ailleurs soulagés par le traitement miracle) [16].
Abrégeons, car la stratégie est connue - et c’est toujours la même [17] : à l’incitation philanthropique d’une firme pharmaceutique humaniste, les meilleurs-experts vont se saisir d’un "problème de santé publique" dont personne n’avait encore aperçu l’ampleur [18] et se répandre dans les plus éminentes revues internationales pour dresser un bilan compassé de cette catastrophe jusqu’alors mésestimée, ce sur arrière-fond de témoignages bouleversants médiatisés par des associations de malades : annonçant l’approbation par la FDA américaine de Requip dans l’indication du syndrome des jambes sans repos, la revue Scrip (13/08/07) estime à environ 12 millions le nombre d’Américains affectés par cette sinistre pathologie - ce qui fait un paquet pour un truc dont quasiment personne ne s’était encore aperçu jusqu’alors...
Trois indices, néanmoins, pour les professionnels de santé qui veulent voir un peu plus loin que le bout de leur nez :
- la firme pharmaceutique à l’origine de la découverte a toujours un médicament miracle contre le fléau qui vient d’être mis au jour : en l’espèce, c’était Requip [19] [20] - ou plus précisément Adartrel, qui correspond exactement à la même substance (ropinirole) que Requip, mais sous un autre nom commercial [21] ;
- les "experts" mandatés pour décrire le fléau et répandre la bonne nouvelle d’un espoir médicamenteux ont presque toujours des liens d’intérêts avec le propriétaire de l’espoir [22] - quand certains d’entre eux n’en sont pas carrément salariés [23] ;
- les associations de "malades" qui produisent des témoignages déchirants sur la situation avant la bonne nouvelle sont généralement financées par le propriétaire de l’espoir (mais il faut parfois longuement chercher pour trouver l’aveu d’un tel financement) [24].
Pour archiclassique qu’elle soit donc, cette mystification consistant à introduire un "syndrome des jambes sans repos" concernant jusqu’à 15% de la population et providentiellement soulagé par Requip ou son sosie s’est assortie, en France, d’une ramification tristement cocasse : car le moment où GSK a commencé d’accréditer l’apparition de cette "maladie neurologique" est aussi celui où tous les promoteurs de la rationalité pharmaco-économique (incluant la revue Prescrire, ainsi que les mutuelles) se sont battus bec et ongles pour obtenir le déremboursement des veinotoniques. Certes, ces derniers produits étaient normalement indiqués pour le traitement des "jambes lourdes", mais comme on vient de le rappeler, même la revue Prescrire ou Le Moniteur des pharmacies (qui est quand même et de loin la revue la plus lue dans les officines françaises) étaient bien obligés de reconnaître que, qu’il s’agisse du diagnostic (Le Moniteur) ou du traitement (Prescrire), on peinait à faire la différence entre ces deux entités nosographiques : cherchez l’erreur... Erreur connexe : si, au moins sur le principe, les diverses commissions qui ont recommandé le déremboursement ont veillé à ne pas inclure dans leur panel des experts liés aux fabricants de veinotoniques, personne n’a eu l’idée d’en exclure ceux qui étaient liés à GSK, pourtant bénéficiaire le plus prévisible du transfert de prescription qui s’opérerait forcément une fois les veinotoniques déremboursés.
Nota bene : je ne suis pas un zélateur des veinotoniques dans le traitement des jambes lourdes (et je n’ignore rien du débat - d’ailleurs à mon avis outré - sur l’efficacité de ces agents), mais on me permettra de penser que toutes choses égales par ailleurs, les remplacer par Requip est une folie en termes de iatrogénie (effets indésirables) tout autant que financière. Et comme je ne fais pas partie des résistants de la dernière heure et que j’apprécie ceux qui prennent le risque de se mouiller dans le débat public par des prévisions vérifiables, je me permets de relever que je n’ai pas attendu la récente médiatisation des problèmes de tolérance posés par Requip (addiction au jeu, troubles du comportement sexuel...) pour m’émouvoir de cette grossière mystification [25].
Au total et pour résumer, je pense qu’un certain nombre de confrères feraient mieux d’apprendre à reconnaître les vrais maux qui ruinent notre profession plutôt que de me faire un faux procès sur mon emploi des mots. A ce niveau, ce n’est même plus une question d’éthique professionnelle - mais une exigence élémentaire d’intelligence. C’est un symptôme parmi d’autres d’une alarmante décomposition intellectuelle que des professionnels qui, depuis quelque dix ans, ont gobé sans piper mot [26] une escroquerie nosographique regroupant "akathisie", "jambes lourdes", etc. moyennant des "critères" diagnostiques qui feraient glousser n’importe quel collégien maîtrisant les opérateurs de logique élémentaire, se présentent désormais en sourcilleux sémiologues pour me reprocher de ne pas savoir reconnaître un tableau de "jambes lourdes" : mais si leur oeil clinique est à ce point acéré, pourquoi ont-ils attendu d’y être invités par GSK pour conscientiser la gravité clinique et épidémiologique d’un "syndrome" supposé toucher jusqu’à 15% des gens ?...
Post-scriptum du 01/08/11.
Evoqué jusqu’alors allusivement dans mes articles (notamment à propos de certaines associations de lutte contre le SIDA), le rôle des associations de patients à la solde objective des lobbies pharmaceutiques a été plus précisément traité ici, après que sur le site de l’émission C dans l’air, la charge eut été sonnée par une internaute se présentant comme "présidente" de l’Association Francaise des Personnes Affectées par le Syndrome des Jambes Sans Repos (AFSJR). Cette fois personnellement, j’ai reçu par e-mail un autre scud, dûment signé par un membre du conseil d’administration de cette même association.
L’inspiration de cette "réfutation" est assez flagrante pour justifier la publication ici de ce message, au titre de la réflexion politique que je souhaite stimuler relativement aux nouvelles stratégies promotionnelles des industries de santé [27]. Quand on a lu ça, on relativise énormément les rodomontades de l’IGAS sur l’intérêt de supprimer la visite médicale...
Bonjour. Je ne suis pas un « brillant sémiologue » mais une personne atteinte de ce TRUC comme vous le nommez ! Je constate que vous êtes un peu "revenu" sur votre déclaration scandaleuse à l’émission C dans l’air :"..... mais pour cette maladie inventée appelée jambes sans repos !! qui ne serait rien d’autre que les JAMBES LOURDES soignées auparavant par des phlébotoniques,qui marchaient très bien, mais qui n’étaient pas assez cher, et que les labos avaient en quelque sorte rebaptisé cette maladie et en avaient profite pour lui adjuger les antiparkinsoniens qui rapportent gros tout en étant inadaptés !!...." Mais pas suffisamment puisque vous insistez sur le fait que les veinotoniques marchent bien !! Et de toute façon, le mal est fait...vous avez dit ce que vous pensiez et les malades en sont écoeurés... Nous les patients atteints de cette maladie et les bon neurologues font très bien la différence avec les jambes lourdes et il n’y a pas que le requip qui marche, il y a aussi le sifrol. Vous êtes vous renseigné un peu à l’étranger ? au Canada, en Suisse, depuis longtemps il est délivré et il fonctionne. Des veinotoniques : on nous en a donné des tonnes avant le bon diagnostic ! Vous dites connaître la maladie . Oui, en tant que médecin mais vous n’êtes pas atteint ! vous ne pouvez donc pas savoir ce que cela représente de ne pouvoir se poser plus de 10mn par jour ou par nuit. hé bien je suis désolée mais les antiparkinsonniens fonctionnent. Méfiez vous tout de même, cela peut commencer à tout âge ! En tant que médecin, votre formation laisse à désirer. Je n’aimerais pas être votre patiente car vous ne croyez que ce que vous voyez, pas ce que le malade vous décrit. Des médecins comme vous, il y en a de plus en plus et s’ils ne sont pas à la solde de GSK, je suppose qu’ils subissent une autre influence redoutable, celle-là pour nous, les malades. De plus où êtes vous allé voir que c’était le labo qui avait baptisé la maladie ? Et ou avez-vous vu que c’était les labos qui décidaient de délivrer tel ou tel médicament pour telle maladie ? Quand je lis encore :
« mais l’intérêt lucratif du pseudo-syndrome tient évidemment bien plus à la masse des bien-portants étiquetés à la va-vite pour justifier un traitement onéreux qu’à l’infime minorité des gens effectivement malades (et dont rien ne prouve qu’ils soient d’ailleurs soulagés par le traitement miracle. .. » !!! quelle déni, quelle mépris pour les malades ! ou encore :
« ce qui fait un paquet pour un truc dont quasiment personne ne s’était encore aperçu jusqu’alors... » Hé comment ;avec des médecins comme vous, cela n’est pas étonnant.
Mais votre haine des laboratoires vous aveugle, Monsieur. C’en est indécent et ne trompera personne. Vous ne portez pas dans votre coeur non plus les associations. Heureusement pour nous qu’il y en a pour se débattre avec des personnes telles que vous, qui n’avez aucune empathie.
Restez donc mathématicien, le monde ira mieux !
Je ne vous salue pas.
Etonnant hasard : il s’avère que quand j’ai reçu ça, j’en étais à lire le passage suivant :
Parsons était un collègue de Winston au ministère de la Vérité. C’était un homme grassouillet mais actif, d’une stupidité paralysante, un monceau d’enthousiasmes imbéciles, un de ces esclaves dévots qui ne mettent rien en question et sur qui, plus que sur la Police de la Pensée, reposait la stabilité du Parti.
C’est un extrait de 1984...
Tant que Big Brother - pardon : Big Pharma - aura des petits soldats aussi passionnés que ma correspondante, il pourra écrémer ses équipes de visiteurs médicaux, et compter sur l’imbécillité complice des politiques pour lui épargner les frais de licenciement...
[2] A toutes fins utiles, je précise que ceux qui m’ont interrogé sur ce point n’étaient pas tous mal intentionnés. Mais j’ai trop la conscience de ma responsabilité dans le débat public pour laisser passer les dénigrements visant trop manifestement à affaiblir la portée de mes propos.
[3] Quoique je n’aime pas trop la ramener, je me permets quand même de rappeler que je suis coauteur de la dernière édition (8e) du célèbre Dictionnaire de médecine Flammarion, à ce titre supposé doté d’une certaine sensibilité lexicographique - même si l’erreur est humaine.
[4] Le procédé est toujours le même : à l’occasion d’un problème de fond, on s’empare d’un mot d’acception commune assez vague et on s’empresse d’en resserrer arbitrairement la définition via un usage sélectif des sources, histoire d’insinuer que celui qu’on voudrait bien moucher ne sait même pas ce dont il parle. En l’espèce, je sais très bien ce dont je parle : la médicalisation irresponsable et intéressée d’états pathologiques assez vagues, justement, pour justifier d’y inclure n’importe qui ou presque.
[5] Dorland’s Illustrated Medical Dictionnary, WB Saunders, 29th ed, 2000.
[6] Hamilton, M.S. and L.A. Opler, Akathisia, suicidality, and fluoxetine. J Clin Psychiatry, 1992. 53(11) : p. 401-6.
[7] Selon le très officiel site américain Clinicaltrials.gov, "Akathisia is sometimes called “restless legs syndrome”" : on ne saurait mieux illustrer mon propos sur l’ambiguïté de la terminologie... Organe de l’Association Générale des médecins de France (AGMF) destiné aux praticiens, la revue Tout Prévoir de juillet-août 2003 consacre à ce sujet un article intitulé "Syndrome des jambes sans repos" avec "Akathisie" comme surtitre (p. 13)...
[8] N’en déplaise, là encore, à d’aucuns, j’ai suffisamment travaillé avec la plupart des grands fabricants, notamment comme consultant en pharmacovigilance, pour avoir une expérience supra-normale de ce syndrome.
[9] La seule interrogation de Pubmed sur "Akathisia and fluoxetine" (Prozac) dans l’abstract ramène 83 références, ce qui fait beaucoup pour un produit utilisé comme médicament de confort.
[10] "Jambes sans repos - Un syndrome est né", Le Moniteur des pharmacies, 03/07/04.
[11] La "nosographie", c’est la description et la classification méthodique des maladies.
[12] Le Moniteur, ibid.
[13] Avril 2006 ; 271 : 314.
[14] Ce flou artistique justifie que les estimations de fréquence fournies par les journaux médicaux ne brillent pas non plus par leur précision : la revue Tout Prévoir (ibid) juge ainsi que "de 2,5% à 15%" des gens pourraient souffrir d’un syndrome assez merveilleusement défini pour permettre ainsi une telle incertitude de 1 à 6 !!!
[15] A peu près aussi convaincante que celle qui consisterait à regrouper sous le même "syndrome" un ensemble allant de la tête qui tourne à la mort subite...
[16] On retrouve cette entourloupe dans tous les grands débats actuels sur les excès de la médicalisation. Ainsi, à chaque fois que l’on conteste la surprescription des antidépresseurs (ou des antihypertenseurs), les fabricants n’ont aucune peine à s’abriter derrière quelques experts-maison qui viennent rappeler avec beaucoup de componction la gravité potentielle d’une dépression (ou d’une hypertension artérielle) : certes, mais si le débat ne concernait que les déprimés (ou les hypertendus) sévères, il n’y aurait pas de débat du tout, tout simplement parce que les fabricants ne seraient absolument pas intéressés par un marché aussi restreint.
[17] Carnall, D., Shire Hall Communications and the case for hepatitits B immunisation. British Medical Journal, 1996. 313 : p. 825.
[18] Girard, M., Competing interests. More queries about H1N1 scandal. BMJ, 2010. 341 : p. c3716.
[19] A côté de ses estimations épidémiologiques fantaisistes, la revue Scrip susmentionnée - organe très chic et fort onéreux d’information dans le milieu pharmaceutique - prend la peine de préciser que d’ici à 2015, "le marché pourrait excéder 1 milliard de dollars", soit, comme par hasard, le seuil qui définit un blockbuster...
[20] Comme souvent en pareille situation et comme bien analysé en l’espèce par S. Woloshin et LM Schwartz (PLoQ Medicine 2006 ; 3 : e170), il faut d’ailleurs beaucoup de foi pour accepter comme convaincantes les données d’efficacité concernant l’utilisation du ropinirole dans le "syndrome des jambes sans repos".
[21] On relèvera comme assez préoccupant que les autorités sanitaires se soient prêtées à la supercherie consistant à rebaptiser, pour une indication très majoritairement bénigne, un médicament jusqu’alors connoté comme destiné au traitement d’une pathologie aussi inquiétante que la maladie de Parkinson.
[22] Medcalf, P. and K.P. Bhatia, Restless legs syndrome. BMJ, 2006. 333(7566) : p. 457-8.
Allen, R.P., et al., Restless legs syndrome prevalence and impact : REST general population study. Arch Intern Med, 2005. 165(11) : p. 1286-92.
[23] Tison, F., et al., Epidemiology of restless legs syndrome in French adults : a nationwide survey : the INSTANT Study. Neurology, 2005. 65(2) : p. 239-46.
[24] A mesure que le temps passe et que le scandale monte, l’association américaine Resless Legs Syndrome Foundation se fait de plus en plus discrète sur son financement : du rapport 2010, on tire simplement que les cotisations des adhérents ne comptent pour pas plus de 21% des revenus. Mais si l’on revient au rapport de 2004, on y trouve assumé sans honte le sponsoring fort généreux de GSK. En France, il est également difficile de trouver des informations précises sur le financement de l’Association Française des personnes affectées par le Syndrome des Jambes sans Repos (AFSJR) : on relève néanmoins qu’elle était en bonne place - comme une sorte d’organe-maison - dans le dossier de presse (24/06/04) réalisé par GSK pour lancer sa promotion du ropinirole dans le "syndrome des jambes sans repos. C’est d’ailleurs un indicateur intéressant quant à l’indépendance de l’AFSJR que sa présidente intervienne publiquement ès qualités (sur le site de l’émission) pour manier la désinformation : par exemple, en soutenant sans rire que "la totalité (ou presque)" de la recherche sur le syndrome serait financée... par les cotisations des adhérents, alors qu’il faut compter au minimum des millions d’euros pour la moindre étude clinique sérieuse (surtout dans une telle indication !), ou encore en affectant d’oublier que les problèmes de tolérance posés par cette molécule sont loin de se limiter aux spectaculaires, mais probablement rares, troubles addictifs qui ont été récemment médiatisés.
[25] M. Girard, "Dépenses de santé : les comptes des contes", Le Moniteur des pharmacies, 11/10/03, p. 47. J’y écrivais textuellement : "Autre bonne nouvelle pour les partisans d’un transfert massif de l’argent public dans les poches des actionnaires : Requip serait efficace dans le fameux ’syndrome des jambes sans repos’. (...) Bref et en gros, ça ressemble étrangement à ce qu’on appelle ici ’insuffisance veineuse’, et nul besoin d’être grand clerc pour anticiper ce qui va se passer une fois déremboursés les veinotoniques : on va encore découvrir une nouvelle maladie, proposer un traitement d’enfer - et la Sécu paiera, avec la bénédiction du ministre". Encore huit ans après, qu’aurais-je à retirer de ce propos - qui se trouve au contraire conforté par bien d’autres escroqueries, au premier rang desquelles la "pandémie" de 2009 ?
[26] Depuis mes premières mises en garde datées de 2003, je n’ai pas connaissance d’une seule source médicale française ayant attiré l’attention sur la mystification de ce nouveau syndrome à laquelle, je l’ai dit, même la revue Prescrire s’est fait prendre. Ce n’est évidemment pas le cas dans la presse anglo-saxonne où, comme illustré par ma référence précédente à PLoS Medicine, les professionnels n’ont pas manqué pour dénoncer "le syndrome des jambes sans repos" comme exemple typique du "disease mongering" (fabrique des maladies) alimenté par Big Pharma.
[27] Notons que, à l’étranger au moins, cette instrumentalisation des associations de patients par les fabricants a fait l’objet de multiples dénonciations, par exemple dans le remarquable ouvrage de R. Moynihan et A. Cassel, Selling sickness. How drugs companies are turning us all into patients, Crows Nest, Allen & Unwin, 2005 (chap. 4 tout spécialement). En renvoyant à des références internationales récentes, j’ai moi-même abordé la question dans mon dernier livre, p. 111.
Marc Girard
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