RÉSUMÉ - Émouvant entre tous, le conte des Grimm « Hänsel et Gretel » (KHM 15), qui met en scène deux enfants affamés piégés par une ogresse, apparaît fondé sur un système de valeurs qu’on aurait pu croire impérissables puisque vitales pour l’humanité : solidarité et compassion, sens des limites, audace dans l’exercice de l’intelligence, détestation du mal et punition des méchants. Datée de 2014, une version « modernisée » (parue dans le journal Pomme d’Api) promeut des valeurs exactement inverses dont la correspondance avec l’état actuel du monde résonne douloureusement : oralité sans limite, égoïsme borné, convivialité obligée même à l’endroit des criminels de l’humanité... On tient pour sinistre qu’une falsification aussi radicale ait été publiée par un groupe de presse d’inspiration catholique, qui assume hautement un leadership éducatif.
En date du 04/04/20, un post-scriptum a été ajouté à cet article mis en ligne le 25/02/20.
D’où vient l’étrange fascination qu’exercent encore sur nous les contes des frères Grimm, les Kinder und Haus Märchen dont la première publication remonte à 1812 ? [2].
Nous n’avons simplement plus idée du monde dont ils nous parlent. Dans la débauche de notre consommation électrique contemporaine, comment même se représenter l’épaisseur de la nuit où se déroule le plus souvent l’essentiel du conte ? Comment se représenter la faim omniprésente, qui suffit à faire d’un simple bon repas l’essentiel d’une récompense proprement magique ? Quand même les pays du bloc communiste ont fini par basculer dans le camp des « démocraties », comment comprendre notre émotion à l’idée que la réussite du héros se résume à épouser la fille du roi ?
Pour insérés qu’ils soient dans une tradition peut-être millénaire, les contes de Grimm continuent de nous toucher au plus profond de notre moi : ils nous racontent l’incompétence de nos parents – parfois leur méchanceté – ils analysent avec une perspicacité sans faille tous les obstacles que cette incompétence parentale a jetés en travers de notre accomplissement d’êtres sexués.
Mais comme la vieille « sage-femme » ou le sorcier bienfaisant que le héros va croiser sur le chemin de sa désespérance amoureuse, ils nous disent aussi :
« Rassure-toi »…
Une lectrice - après d’autres - m’écrit pour me dire à quel point le texte qui suit l’a récemment ébranlée. Le relisant à cette occasion, j’en mesure effectivement l’actualité : il a pourtant été rédigé en avril 1999, pour servir de préface à la seconde édition de mon livre sur les contes de Grimm [5].
Je ne pense pas passer les bornes du nombrilisme en le proposant de nouveau au public : outre des considérations de méthode (concernant tout spécialement l’interdisciplinarité) toujours utiles à un moment où l’on tend de plus en plus à parler pour ne rien dire, on y retrouvera (entre autres thématiques diverses qui font précisément l’unité du présent site : la médiatisation, la médicalisation, le souci de l’Autre...) une réflexion sur l’état actuel de la société - qui ne surprendra pas mes fidèles lecteurs et qui n’est pas nécessairement déplacée à quelques semaines d’une échéance démocratique majeure [6].
Malgré ma répugnance avouée pour le genre, ces dernières semaines ont été marquées par des querelles de personnes frisant parfois la rixe. Je m’en voudrais de laisser mes lecteurs finir l’année les pieds dans toute cette boue.
Qu’ils reçoivent donc en cadeau de fin d’année ce texte déjà ancien, tiré de mon livre consacré aux contes de Grimm [9] et qui a également été publié dans Devenir - Revue européenne du développement de l’enfant (1991 ; 3 : 88-99).
A y regarder de plus près, cependant, on ne s’éloigne pas trop des questions éthiques soulevées par les récentes querelles susdites. Après tout, la marâtre de Blancheneige - naguère "la plus belle de tout le royaume" - devait elle aussi avoir un très mignon nombril : mais pas plus que certains internautes, elle ne savait en faire quelque chose d’intéressant pour autrui... Ce qui rend l’histoire poétique nonobstant cette similarité avec l’actuel sordide [10], c’est que - au moins dans les contes - il y a un châtiment pour ça...
Bonne Année à tous ceux qui me font l’honneur de s’intéresser à ce qui s’écrit sur ce site.
A l’occasion du prochain bicentenaire de la première publication des contes de Grimm (1812), un magazine féminin m’a demandé un assez long entretien.
J’espère utile de le diffuser sur le présent site.
Une interview express du site Le choix des libraires.
On trouvera ci-après le texte d’une récente interview sur les contes.
D’où vient l’étrange fascination qu’exercent encore sur nous les contes des frères Grimm ?
Dans le cadre du Banquet de Blanche-Neige, Florian Gaité et Pauline Colonna d’Istria proposaient une « performance philosophique » à partir d’une réflexion sur les grandes thématiques soulevées par
le conte de Blancheneige.
D’après le programme ci-joint, il s’agissait d’"exagérer le cirque de la parole experte et déconstruire les procédés qui lui confèrent son autorité" : ça rappelle quelque chose, et c’est pourquoi j’ai accepté l’invitation des organisateurs.
Le texte de mon intervention est maintenant disponible ci-après.
L’article ci-joint a été rédigé dans le cadre d’un colloque organisé les 11 et 12 mars 2005 par l’Université Paris 12 (EA 1618) et la Maison Heinrich Heine,
avec le soutien de la Ville de Vienne, de la Fondation Klett, Stuttgart, de la Société franco-autrichienne et consacré au philosophe Jean Améry, auteur - entre autres - d’un ouvrage dont la traduction française est intitulée Charles Bovary, médecin de campagne. Portrait d’un homme simple (Arles, Actes Sud, 1991).
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