Trou de la Sécu : la "solidarité nationale" à contresens
(Un post-scriptum du 30/10/15 permet de réactualiser cet article mis en ligne depuis plus de 4 ans).
Quoique tout soit mis en oeuvre pour le faire oublier aux citoyens, la question de la solidarité nationale ou de la protection sociale dépasse largement le problème du "trou de la Sécu" sur lequel s’obnubilent les politiques activement relayés, en cette mystification comme en bien d’autres, par la majorité des médias.
Je n’aurais pas accepté de participer à l’émission s’il s’était agi de débattre à ce propos - car il dépasse largement ma compétence. Mais il n’est pas besoin d’avoir fait de longues études économiques pour comprendre que la viabilité d’un tel système repose entre autres sur un équilibre entre les recettes et les dépenses (quelles que soient les décisions politiques souhaitables pour assurer un tel équilibre) : or, sur la question même limitée des dépenses de santé, je crois pouvoir apporter dans le débat public quelques analyses classiquement occultées - et il sera intéressant d’interpréter aussi le pourquoi de cette occultation.
Reste que pour éviter tout risque de récupération, je tiens à introduire mon propos en soulignant que cette question des dépenses de santé n’est qu’une toute petite part d’un problème bien plus large : je me permets de renvoyer les lecteurs intéressés par un élargissement des perspectives au petit ouvrage de Julien Duval, Le mythe du "trou de la Sécu" (Paris, Raisons d’agir, 2008) : il leur en coûtera, au moins sur Amazon.fr, la modeste somme de 5,70 € pour, dans les limites d’un ouvrage qui s’est voulu très concis (135 pages), se débarrasser des principaux poncifs qui visent à décourager une appréhension citoyenne de la situation [1].
Que la Sécu dépense "trop", c’est ce qui semble aller de soi dès qu’il s’agit, par exemple, de justifier l’inépuisable créativité des gouvernants pour réduire les retraites (durée de cotisation, âge de départ, mode de calcul des montants alloués et de leur revalorisation au cours du temps...). Mais ce volontarisme assumé - voire revendiqué [2] - des politiques pour raboter les sommes que l’on tend à considérer comme normalement dues aux citoyens [3] contraste bizarrement avec l’apparente résignation des mêmes dirigeants à l’inéluctabilité d’une croissance des dépenses de santé - du moins certaines d’entre elles (je reviendrai dans un instant sur cette distinction cruciale) : à en croire le discours dominant, les gens devraient se résoudre à dépenser (et donc, à être prélevés) sans cesse davantage eu égard aux deux arguments clés de tout débat autour du "trou de la Sécu" : la nécessité de financer "l’innovation" d’une part, le "vieillissement de la population" d’autre part.
Bref : on ne s’y prendrait pas autrement si l’on voudrait nous signifier que "les caisses sont vides" dès qu’il s’agit de garantir aux citoyens des moyens, mêmes élémentaires, de subsistance et de prévoyance, tandis que "l’on trouvera toujours bien à s’arranger" quand il faudra maintenir l’indécente rentabilité des industries de santé...
Le mythe de l’innovation
Dans la présente contribution, je n’épuiserai pas mes lecteurs à redémontrer ce qui était depuis longtemps une évidence pour tous les observateurs du système dotés d’un minimum de professionnalisme : cela fait des décennies que les lobbies dissimulés derrière l’enseigne naguère prestigieuse d’une industrie pharmaceutique qu’ils ont détruite par excès de gloutonnerie se révèlent incapables d’innover [4]. C’est, notamment, cette impuissance à innover qui a justifié le virage du curatif (par exemple : inventer de nouveaux antibiotiques adaptés aux terribles menaces infectieuses qui pèsent sur nous, moyennant un plan de développement pouvant prendre plus de 10 ans) vers le préventif facile (par exemple : mettre au point en moins de deux mois des vaccins contre une grippe archi-bénigne qui se révèlent, ensuite, générer des effets indésirables aussi graves que des narcolepsies chez l’enfant) [5].
La seule "nouveauté" - si l’on peut dire - tient à ce que les majors de cette industrie ne rougissent même plus d’assumer publiquement leur incompétence professionnelle en licenciant larga manu et sans état d’âme leurs équipes de recherche au motif avoué qu’inventer de nouveaux médicaments ne correspond pas - entendez : ne correspond plus - à leur coeur de métier [6]...
Ce nonobstant, la rentabilité du secteur n’a pas diminué : il suffit de parcourir la presse économique pour le constater. La conclusion s’impose : n’en déplaise à la Commission de transparence ou au Comité des prix, jamais le fossé n’aura été aussi grand entre l’apport réel des médicaments récents - lequel est au mieux infime, quand il n’est pas franchement dommageable - et leur prix. Cela n’est pas nouveau [7], c’est aujourd’hui flagrant : faut-il rappeler le coût des super-vaccins contre le H1N1 tellement "innovants" que l’on vient juste d’achever la destruction des invendus [8] ? Faut-il mentionner le vaccin Gardasil, qui cumule sur lui au moins deux singularités remarquables : une controverse d’ampleur exceptionnelle visant son intérêt (et même les conditions de son entrée sur le marché) [9], associée à un coût démentiel sans aucun précédent dans l’histoire des vaccinations (123,66 € multipliés par trois, soit presque 400 € pour une immunisation sur l’intérêt de laquelle même la revue Prescrire , pourtant championne du n’importe quoi en matière de vaccination, s’interroge - c’est vous dire...). Faut-il évoquer Plavix et son coût - ainsi que ses effets indésirables relativement à son principal concurrent, l’aspirine à faible dose ? Faut-il rappeler le poids des statines dans les dépenses de l’assurance maladie, moyennant une promotion où les "mensonges" le disputent à la "propagande" ? Faut-il rappeler l’histoire Avastin [10] ?
Le paradoxe gériatrique
Il y a de plus en plus de personnes âgées, nous dit-on, donc c’est normal que ce vieillissement de la population génère de plus en plus de frais médicaux [11].
Fort bien.
Mais quels sont, à l’évidence, les symptômes les plus répandus de l’âge qui passe ? La vue baisse, les dents tombent, l’ouïe s’affaiblit. Or, qui a entendu qu’en conséquence la plus immédiate de cet ardent impératif brandi par les autorités - qu’on ne mégote pas sur le financement médical du vieillissement -, l’assurance maladie aurait fait le moindre effort pour augmenter la prise en charge :
- des lunettes ?
- des prothèses dentaires ?
- des prothèses auditives ?
En admettant qu’il existe de bonnes raisons structurelles pour que la Sécu maintienne le statu quo relativement à ses tarifs minables concernant ce kit élémentaire de qualité de vie pour sujet âgé, qui a entendu dire que les autorités faisaient un effort significatif pour faciliter l’accès des vieux - et des vieux pauvres notamment - aux mutuelles qui pourraient les aider à compenser le surcoût de ces équipements pourtant basiques ?
De qui se moque-t-on, par conséquent, avec ce "vieillissement de la population" brandi comme prétexte à toutes les dérives et tous les gaspillages ?
Qui ne voit que ces dépenses de santé gériatriques censées justifier le rançonnement des citoyens via la solidarité nationale concernent essentiellement des gadgets pharmaceutiques ou sanitaires : médicaments anticholestérol dont on attend toujours la moindre preuve convaincante d’intérêt (surtout à cet âge), médicaments contre l’ostéoporose qui font des trous dans la mâchoire quand ils ne transforment pas les os en verre, anticancéreux hors de prix dont on apprend par hasard qu’ils sont susceptibles d’augmenter la mortalité de ceux qui les reçoivent, anti-alzheimer qui ne servent à rien d’autre qu’à maximiser les bénéfices des firmes qui les produisent (et les émoluments des "experts" qui en assurent la promotion...), vaccinations antigrippales qui font s’étrangler la fondation Cochrane d’une indignation régulièrement réactualisée, mammographies régulières - j’en passe, sans doute, et des meilleurs [12] ?
Ainsi et pour résumer, la "solidarité nationale" n’est absolument pas concernée par les désordres qui, d’expérience, altèrent le plus nettement la qualité de vie chez le sujet âgé, tandis qu’elle signe un chèque en blanc à des dépenses dont le bénéfice tangible reste à démontrer dans la population gériatique quand leurs inconvénients sont de plus en plus patents (et de plus en plus vivement dénoncés par la minorité de professionnels de santé qui cherchent encore à préserver un minimum d’autonomie intellectuelle.)
Et puisqu’on en est à parler - entre autres - médicaments anticholestérol, biphosphonates et autres vaccins idiots, qui ne voit que l’argument gériatrique - censément imparable : on ne va pas laisser nos vieux crever comme des chiens ! - n’est qu’un subterfuge grâce auquel le système de solidarité nationale se trouve détourné de sa vocation pour financer une médicalisation invraisemblable et qui, le plus souvent sous le fallacieux prétexte de la prévention, englobe en fait tous les âges de la vie : depuis les nouveau-nés (qui, fussent-ils prématurés, se voient interdits de sortir de la maternité tant que les parents n’ont pas consenti à leur faire injecter des bombes immunologiques hexa- ou heptavalentes) aux vieillards effectivement abrutis pharmacologiquement, en passant par la ritaline chez les enfants réputés "hyperactifs" [13], par les vaccinations "anti-MST" chez les adolescents, la surmédicalisation de la grossesse, les antihypertenseurs et médicaments anticholestérol chez les quadras, les "traitements" de la ménopause ou de l’ostéoporose chez les femmes - de préférence dès la "pré-ménopause" ! -, et par une foultitude sans cesse croissante de "dépistages" dont le bénéfice attend toujours la moindre démonstration - mammographie, PSA, cancer du côlon, etc.
Et comme la facture n’est toujours pas assez salée, le gouvernement - dans la suite attendue de la mystification Médiator - annonce à grand fracas le déremboursement de 600 médicaments qu’il ose présenter comme une mesure d’économie, alors que :
- toutes les expériences antérieures de déremboursement de produits anciens bon marché se sont soldées par un déport de prescription vers des produits plus récents bien plus chers : pour renvoyer à des exemples détaillés sur ce site, c’est tout l’enjeu du retrait de Noctran ou du déremboursement des veinotoniques ;
- introduits sur le marché à une époque où l’industrie pharmaceutique était encore maître de son professionnalisme [14], la plupart des médicaments anciens sont dotés d’une efficacité certaine et disposent d’un excellent recul de pharmacovigilance : sur ces deux paramètres cruciaux (qui rendent compte du rapport bénéfice/risque), ils s’opposent évidemment à la plupart des "innovations" qui vont les remplacer en pratique : faut-il revenir aux précédents de Vioxx, de la cérivastatine, d’Avandia - pour ne citer qu’eux ?
N’en déplaise aux missions parlementaires qui n’ont décidément rien compris, ce projet de déremboursement massif - présenté comme une réparation vertueuse du "scandale" Médiator - ne fait que reproduire en plus grand la dynamique exacte qui a conduit au scandale en question : des médicaments (type amfépramone) anciens et peu coûteux pour la collectivité (la plupart n’étaient pas remboursés par la sécurité sociale), retirés du marché sous un prétexte de sécurité totalement fallacieux [15], auxquels va se substituer, en pratique, Médiator - plus cher et, lui, remboursé par la sécurité sociale (au taux maximum) ! - et dont les ventes vont effectivement exploser à partir de ce moment...
Merci Gérard ! Merci Xavier !...
Le coût indirect
C’est une autre idée reçue, dans ce type de débat, que l’allongement de l’espérance de vie tel qu’observé dans un pays comme le nôtre serait imputable, au moins pour une bonne part, aux "progrès de la médecine" - et à l’innovation pharmaceutique, en particulier. Le débat ne date pas d’hier [16]. Sans chercher à le développer dans le cadre du présent article, rappelons simplement deux évidences facilement documentables quoique régulièrement occultées par la majorité des médias :
- il n’existe aucune corrélation évidente entre les dépenses de santé d’une part, le niveau de santé de la population qui dépense d’autre part [17] ;
- l’espérance de vie étant une chose, l’espérance de vie en bonne santé en est une autre - la seconde étant, dans un pays comme le nôtre, très significativement inférieure (63-64 ans) à la première (aux alentours de 80 ans abstraction faite de la différence entre les hommes et les femmes) [18].
A l’opposé du mythe complaisamment repris en choeur par les médias et les politiques, les exemples cités plus haut autorisent justement à s’interroger sur le coût de la surexposition de nos populations à des biens de santé aux allures de gadgets - que ce coût s’exprime directement en termes de morbi-mortalité iatrogène ou, plus indirectement, de frais inhérents aux prises en charge subséquentes. Quelques exemples :
- de plus en plus de gens s’interrogent sur le rôle de la surprescription (psychotrope, notamment) chez le sujet âgé dans l’apparente "épidémie" d’Alzheimer : voici quelques semaines à peine, le prestigieux British Medical Journal [19] a publié l’observation d’une vieille dame qui a spectaculairement récupéré de son "Alzheimer" quand ses enfants sont venus la chercher de l’hôpital pour arrêter tous les médicaments qu’on lui avait prescrits là-bas [20]...
- de toute façon, cette même surprescription de psychotropes des sujets âgés est notoirement responsable d’une morbi-mortalité significative, notamment par le biais des chutes qu’elles favorisent ou occasionnent (abstraction faite, aussi, des arrêts respiratoires ou des complications cardiaques - entre autres) ;
- alors que les campagnes de mammographies n’ont permis aucun bénéfice détectable en termes de survie, elles se sont soldées par une explosion du nombre de "cancers" du sein détectés le plus probablement à tort, et pris en charge à l’arme lourde pour la plus grande souffrance des femmes concernées ; depuis la rédaction de mon premier article sur le sujet, d’autres études ont continué à crédibiliser la thèse du "surdiagnostic" [21] : la plus récente (que B. Junod m’adresse le jour même où le présent article est mis en ligne : c’est du tout frais...) ne plaide pas non plus en faveur du "mois du dépistage" - c’est le moins qu’on puisse dire...
- combien de mes lecteurs, quadras ou quinquas, ont fait l’expérience des douleurs musculaires profuses qui se sont emparées d’eux depuis que, sous le fallacieux prétexte d’un cholestérol qui n’a souvent même pas été mesuré selon les normes, ils ont été mis à vie sous statine ? [22]
- sous le prétexte facile "d’enfants secoués", les autorités sanitaires et leurs experts associés (je ne parle même pas des policiers ou des magistrats...) s’obstinent à ignorer le risque d’accidents cérébraux graves, parfois mortels, lié à certains vaccins trop largement et trop précocement administrés, et qui avait pourtant été spectaculairement illustré par le précédent Hexavac ;
- il suffit de regarder l’évolution du déficit de l’assurance maladie pour constater qu’il tend à nettement s’aggraver dans la seconde moitié des années 1990, comme par hasard au moment où, pour des raisons que les autorités sanitaires préfèrent ne pas voir, le nombre de sclérosés en plaques dans notre pays est passé de quelque 25000 à plus de 80000 [23] - pour ne point parler d’une bien bizarre augmentation des maladies auto-immunes (lupus, pathologies rhumatismales, etc.)...
Les exemples précédents pourraient être multipliés et détaillés jusqu’à en faire des livres entiers. Mais même en l’état, ils justifient un questionnement de fond qui va au contraire des idées reçues charriées par les médias - et par le corps médical : qu’arriverait-il, par exemple, si on laissait tranquilles toutes ces personnes âgées qui ressortent de la pharmacie avec des sacs entiers de médicaments ?
Ainsi, c’est sans doute la première fois, dans l’histoire de l’humanité, que l’on peut s’interroger sur l’impact dommageable de la médicalisation et sur l’espérance de vie et, plus encore, sur la qualité de vie des populations concernées. En d’autres termes : tout porte à croire qu’en moyenne [24], nos concitoyens vivraient mieux et plus longtemps si leur santé n’était pas multi-menacée par tous ces "biens de santé" dont on peine à voir le bénéfice alors que leur potentiel iatrogène - et leur coût - sautent aux yeux (surtout dans la tranche d’âge gériatrique).
La faute des autres ?
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le soutenir, "la faute des autres" - en l’espèce les lobbies pharmaceutiques soutenus par l’ensemble du corps politique - ne peut à elle seule expliquer une dérive aussi catastrophique. Tant que c’est encore possible (cf. ma conclusion), il est impératif que chacun s’interroge sur sa responsabilité individuelle dans un tel malheur collectif, comme illustré sans esprit d’exhaustivité par les quelques exemples suivants.
- A chacun de s’interroger sur sa perméabilité au discours de la médicalisation : de se demander pourquoi il accepte de recevoir des médicaments vaseux - en principe à vie - avant même d’avoir atteint "la force de l’âge", de s’interroger sur sa docilité relativement à une procédure aussi brutale que la mammographie moyennant une réceptivité déconcertante à des campagnes de promotion dont l’indigence argumentative est quand même à pleurer...
- A chacun de s’interroger sur son utilisation des biens ou équipements de santé : sa propension à se rendre aux Urgences au moindre pet de travers, à solliciter des examens pour un oui ou un non, à ne plus savoir attendre pour "connaître" le sexe du foetus, à collectionner des "photos du bébé" au cours de la grossesse [25]...
- A chacun de s’interroger sur le dégoût paniqué qui s’empare de lui à l’idée de laisser chez lui un vieillard qui n’en a plus que pour quelques jours - qui ne demande surtout pas à ce qu’on le "prolonge", et surtout pas, faute de place ailleurs, dans un service spécialisé au prix de journée démesuré [26]...
Un engrenage angoissant
Lorsque j’ai interpellé mes concitoyens sur leur responsabilité individuelle ou collective dans la médicalisation galopante qui est en train de ruiner leur santé et leurs finances, j’ai notamment soutenu que pour insolent qu’il soit, l’argent engrangé par l’industrie des biens de santé n’avait pas été à proprement parler volé, mais "librement" versé par ceux qui gobent sa propagande pourtant pas toujours très fine.
Malheureusement, ce constat (qui visait à enraciner un mouvement de résistance citoyenne dans une réflexion autocritique) souffre désormais d’exceptions bien inquiétantes : de plus en plus - et avec l’effarant appui des autorités - les producteurs de biens de santé n’hésitent plus à voler les gens en les trompant ou, bien pire encore, à les rançonner contre leur gré.
- Voler les gens en les trompant ? Que l’on pense à la situation honteuse où, sous prétexte de vaccination "obligatoire", mais limitée à seulement trois principes anciens et peu onéreux, les gens sont conduits totalement à leur insu à exposer leurs enfants à des spécialités vaccinales multivalentes hors de prix, avec un bénéfice incertain et un risque certain, parfois vital [27].
- Rançonner les gens contre leur gré ? Qui a oublié ce précédent récent - que je persiste à considérer comme le plus incroyable dans toute l’histoire pourtant continûment inconcevable de la grippe porcine - où, alors que 90% au moins de nos concitoyens avaient choisi de boycotter le vaccin antiH1N1, les autorités n’ont pas hésité à mobiliser la force publique pour, via une mesure de réquisition, tenter le tout pour le tout en vue de liquider les stocks au seul bénéfice des fabricants ?
- Contre leur gré ? Qui croit que les personnes âgées abruties de psychotropes jusqu’à la démence aient donné le moindre consentement à leur assassinat psychique ?
En parallèle, cependant, et sous le prétexte rebattu d’un "service médical rendu" qui a déjà justifié tant de scandales, les autorités sanitaires mettent leur point d’honneur à enrôler les praticiens dans toutes ces sales besognes grâce aux Contrats d’amélioration (sic) des pratiques individuelles (CAPI) - visant à récompenser ceux des confrères qui, se substituant aux visiteurs médicaux dont les fabricants n’ont simplement plus besoin, s’appliquent à relayer auprès des gens les pires tromperies du marketing sanitaire en les encourageant à consommer des anticholestérols, des antihypertenseurs, des mammographies et autres balivernes.
Après un galop d’essai, le succès attendu de l’escroquerie médiatique autour de Médiator - merci encore, Gérard ! - a convaincu les autorités sanitaires que le temps était venu de gratifier sans vergogne les pires d’entre nous, moyennant ces CAPI "actualisés".
Le temps n’est pas lointain qui justifiera, ensuite, de sanctionner ceux des prescripteurs qui persisteront - preuves en main - à refuser les gadgets des industries de santé crédibilisés par des experts à la botte (quand, encore, un Parquet sur ordres ne poursuivra pas les récalcitrants sur la base d’un infarctus survenu chez un sujet n’ayant pas eu la chance de recevoir une statine...).
Il n’est pas bien difficile d’imaginer la suite - d’autant qu’elle a déjà commencé. Dans le contexte d’un désengagement de la "sécurité sociale" au profit d’assurances privées, et sous couvert d’un "parcours de santé" ou d’un "suivi médical individualisé", on va justifier toutes les contraintes de corps sur les citoyens moyennant des "recommandations" (ou "conférences de consensus") arrêtées par des instances gangrenées jusqu’à la moelle par leurs conflits d’intérêts. Rêvons un peu...
- "Vous venez de faire un infarctus ? Vous ne comptez quand même pas mutualiser le coût de votre prise en charge alors que, depuis 40 ans, vous avez refusé les statines que votre mutuelle vous avait généreusement proposées - moyennant un surcoût dérisoire toutes choses égales par ailleurs ?"
- "Vous présentez une embolie pulmonaire alors que vous n’avez jamais accepté les traitements contre l’ostéoporose pourtant validés par toutes les recommandations de l’Horrifique Autorité de Santé (HAS) ? Il vous reste à rentrer chez vous et à essayer l’aspirine vendue à bas prix dans la droguerie du coin."
- "Votre bébé se présente de travers alors que vous avez cru bon de mépriser la conférence de consensus qui recommandait le minimum d’une échographie par semaine ? A moins que vous ne puissiez payer cash les frais de césarienne - en liquide, s’il vous plaît -, on va vous laisser affronter les lois de cette Nature qui vous paraît tellement plus crédible que l’avis des Experts"...
De la sorte, la médecine se trouvera la première activité humaine à avoir accompli le rêve ultime du capitalisme sauvage : réduire les gens au statut de fourmis tout juste bonnes à travailler jusqu’à l’épuisement pour payer du fruit de leur misérable salaire des biens qui n’auront d’autre utilité que remplir les poches de ceux qui les fabriquent.
Conclusion : de l’esclavage considéré comme "protection sociale"
Enfin réalisé sous l’impulsion de Big Pharma, ce rêve ultime du capitalisme passera forcément par l’officialisation d’une novlangue confondant santé et thérapeutique, rançon et bénéfice, solidarité et esclavage.
Depuis G. Orwell, on sait que l’avènement d’une telle novlangue implique forcément le contrôle d’une Police de la pensée : il est tristement évident que mes confrères, dans leur immense majorité, ne se feront pas prier pour jouer ce rôle [28].
Ils ont déjà commencé, d’ailleurs : pensez au mois "rose" qui s’annonce...
En attendant la prochaine alerte grippale...
PS du 30/10/15
Comme d’habitude, cela n’a l’air de rien, mais ça démasque un sacré scandale, sans avoir l’air d’y toucher : la presse d’aujourd’hui se fait l’écho d’une étude apparemment crédible mettant en relation les troubles de l’audition et l’intensité du déclin cognitif. On me pardonnera d’y voir la confirmation de la thèse développée dans cet article (voici plus de 4 ans...) que, n’en déplaise à Xavier Bertrand ("homme honnête" dixit Sainte Irène, clamant d’avance qu’aucune "réévaluation" ne réduirait la prise en charge des anti-Alzheimer par l’assurance maladie), la solidarité nationale dépenserait moins d’argent pour un meilleur résultat en aidant les personnes âgées à s’équiper en prothèses auditives plutôt qu’en les forçant à ingérer des anti-Alzheimer aussi inefficaces que chers et toxiques...
"Commission d’enquête" et "réévaluation" , qu’ils disaient ?
On attend la réaction des "lanceurs d’alerte" - hi ! hi !
[1] Malgré quelques coquilles étonnantes, peut-être imputables à une certaine précipitation dans la réalisation de ce petit ouvrage. Au contraire de ce qui est affirmé p. 103, par exemple, l’instauration d’un numerus clausus dans les études de médecine ne date pas de 1982 : elle est bien antérieure.
[2] Dès 1982, D. Strauss-Kahn cosignait avec D. Kessler (futur vice-président du MEDEF) un ouvrage, L’épargne et les retraites - L’avenir des retraites préfinancées (Paris, Economica), plaidant pour la fin d’un système fondé sur la solidarité. On voit mieux l’enjeu d’une élection présidentielle où le premier a failli être le porteur des espoirs de la gauche pour triompher de Sarkozy, dont le frère a, lui, remplacé le coauteur de DSK au MEDEF. Il ne semble pas que la modification in extremis des candidats, qu’ils soient "pactés" ou non avec DSK, change grand-chose à ces enjeux...
[3] Le devoir de subsistance à l’égard des "citoyens malheureux" (que ce soit via un droit au travail ou "en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de subsister") est normalement reconnu depuis 1793 par la Déclaration des droits de l’homme : il en faut manifestement plus pour impressionner les néo-libéraux, socialistes inclus...
[4] Sur cette question comme sur bien d’autres, les Parlementaires semblent les seuls acteurs du système à ne pas avoir pris la mesure de cette impuissance à innover et de sa signification (Assemblée Nationale, Rapport d’information n° 848, Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Médicaments : prescrire moins, consommer mieux, mai 2008).
[5] M. Girard, Alertes grippales - Comprendre et choisir, Escalquens, Dangles, 2009, pp. 44-46.
[6] M. Girard, Médicaments dangereux : à qui la faute ?, Escalquens, Dangles, 2011, chap. 4.
[7] Voici près de dix ans, Garattini (BMJ, 2002 ; 325 : p. 269-71) stigmatisait le contraste entre le coût vertigineux des nouveaux anticancéreux et leur utilité réelle par rapport aux produits plus anciens et bien moins chers. Vers la même époque (Moniteur des pharmacies, 15/02/03, p. 49), j’ironisais déjà - et je n’étais pas le seul - sur le prix exorbitant consenti par nos autorités à la spécialité Vioxx - appelée ensuite au succès que l’on sait...
[8] AFP, 12/09/11.
[9] C. Riva et C. Spinosa, La piqûre de trop, Vevey, Xenia, 2010. Rappelons également que les premières actions judiciaires visant ce vaccin sont contemporaines de la présente rédaction.
[10] Ranpura, V., S. Hapani, and S. Wu, Treatment-Related Mortality With Bevacizumab in Cancer Patients. JAMA : The Journal of the American Medical Association, 2011. 305(5) : p. 487-494.
Carpenter, D., A.S. Kesselheim, and S. Joffe, Reputation and precedent in the bevacizumab decision. N Engl J Med, 2011. 365(2) : p. e3.
[11] Un vieux, c’est malade, c’est bien connu, et comme chacun sait, ce sont même les plus malades qui vieillissent le plus...
[12] Paradoxe additionnel : au jour le jour, les désordres (vue, denture, ouïe) qui seraient facilement corrigés par les biens de la première catégorie (ceux qui sont peu ou pas remboursés) sont nettement - et statistiquement - plus invalidants qu’un cholestérol élevé, des chiffres tensionnels hors de normes fixées sur la base de "consensus" manipulés par les fabricants, une raréfaction de la trame osseuse ou une réorganisation du tissu mammaire assez muettes cliniquement pour requérir des examens coûteux, voire potentiellement dangereux, en vue de les objectiver...
[13] A la question "que faire chez un enfant qui tousse ?", un de mes maîtres en ORL avait coutume de répondre : "donnez un somnifère aux parents". Mutatis mutandis, il se pourrait bien qu’à la question "que faire avec un enfant hyperactif ?", la bonne réponse soit "donnez un anxiolytique aux parents - et aux instit"...
[14] M. Girard, Médicaments dangereux..., chap. 4.
[15] Sous les applaudissements chaleureux de la-revue-qui-ne-se-trompe-jamais...
[16] T. McKeown, The role of medicine :
dream, mirage or nemesis, Oxford, Blackwell, 1979.
[17] Les Etats-Unis sont un contre-exemple bien connu de tous ceux qui se sont tant soit peu intéressés à la question ; à l’autre extrême de l’échelle, le Japon apparaît comme un pays dont les indicateurs de santé [espérance de vie, mortalité infantile] sont excellents, alors que ses dépenses de santé sont nettement moindres que dans les pays de développement comparable.
[18] M. Girard, Médicaments dangereux..., pp. 94-95.
[19] 2011 ;343:d5184 doi : 10.1136/bmj.d5184.
[20] Mon ami et confrère Jean-Claude Grange a rédigé un article qui synthétise en français cette publication ainsi qu’une autre illustrant l’ampleur - et les conséquences - de la surmédicalisation des personnes âgées.
[21] BMJ 2011 ;343:d4692 doi : 10.1136/bmj.d4692. Cette question du surdiagnostic est traitée de façon plus systématique dans le dernier ouvrage de HG Welch (et coll.) : Overdiagnosed - Making people sick in the pursuit of health, Boston, Beacon Press, 2011.
[22] N.B. à l’usage des lecteurs malveillants, mais toujours trop pressés : je n’ai jamais prétendu que les statines provoquaient des "rhumatismes", mais je maintiens - preuves en main - que ces agents occasionnent fréquemment des douleurs musculaires chroniques, qui sont ensuite rapportées par les médecins traitants à de vagues "rhumatismes". Je signale en passant que, pour iatrogènes qu’elles soient indubitablement, ces douleurs musculaires ne sont malheureusement pas toujours réversibles à l’arrêt du traitement par statine : à bon entendeur...
[23] M. Girard, Alertes grippales..., pp. 206-211.
[24] Il va de soi, évidemment, que certains sujets tirent un bénéfice réel de la médicalisation dont ils font l’objet : mais il est non moins évident que s’ils n’y avaient qu’eux, les industries de santé ne seraient pas les secteurs excessivement lucratifs qu’ils sont devenus.
[25] Dans le Monde d’hier, on s’entraînait à accepter la part incompressible de l’Autre - fût-il enfant - en se laissant envahir durant 9 mois par l’idée d’un "Bébé" sans le moindre moyen réaliste de se représenter cette caractéristique pourtant élémentaire de son sexe. Il suffit de regarder autour de soi pour comprendre ce que l’humanité a perdu en contournant ce salutaire apprentissage de l’Altérité...
[26] Accessoirement aussi, de s’interroger sur la sidérante connivence qui peut s’établir entre une fraction significative de la société et un médecin suspect, jusqu’à preuve du contraire, d’avoir assassiné des sujets âgés qui ne lui avaient rien demandé.
[27] Cette escroquerie sans nom - qui fait fi, entre autres, des principes déontologiques les plus sacrés - étant, comme de bien entendu, avalisée par le silence assourdissant des instances ordinales.
[28] L’un des "experts" qui s’est le plus notoirement trompé sur la grippe porcine ne vient-il pas de publier dans les colonnes du Figaro (12/09/11) une interview intitulée : "Pourquoi ne pas rendre les vaccins obligatoires ?". Pourquoi pas, en effet : au lieu d’avoir quelques centaines de cas de narcolepsies chez l’enfant (compte tenu de la sous-notification et de la mauvaise foi des autorités dans le décompte des cas), on en aurait juste quelques dizaines de milliers...
Marc Girard
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