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Une interview du Dr Girard

"Peut-on avoir confiance dans le système ?"
mercredi 9 mars 2011 par Marc Girard

Un journal régional m’a récemment interviewé sur l’actualité sanitaire. Des contraintes éditoriales ayant imposé des coupures, les lecteurs intéressés pourront trouver ci-après l’intégralité de mes réponses.

Cette année le taux de vaccination a baissé de 30 % (selon les chiffres de la Sécu). Sur le vaccin tout d’abord : a-t-il été aussi « peu testé » que celui de l’année ( et donc aussi dangereux) ?

La vaccin contre la grippe saisonnière a été aussi « peu testé » que les autres années, mais cette année, on a eu l’excellent idée d’y ajouter le vaccin contre le H1N1, alors même qu’on commençait à s’interroger sur le risque de narcolepsies liées à cette composante : on peut donc dire que le nouveau vaccin de cette saison est plus dangereux . Je relève comme éminemment significatif que, courant décembre, GSK ait retiré du marché sa spécialité (Arepanrix) sous un prétexte idiot quoique dans un silence médiatique assourdissant, alors que cette spécialité était de nouveau issue de la « maquette » Pandemrix dont j’avais sévèrement dénoncé les risques l’an dernier : en professionnel de la pharmacie industrielle, j’aurais tendance à penser que la reconnaissance du risque narcoleptique n’est pas pour rien à ce retrait sinon inexpliqué.

Est-ce que l’échec de la campagne de vaccination 2010/2011 est pour vous une victoire de l’intelligence du citoyen ? N’y a t-il pas une peur ambiante déraisonnée de la population à cause de la polémique des « adjuvants » de l’année dernière ?

J’ai toujours dit que la question des adjuvants était un faux problème et que, avec ou sans adjuvants, les vaccins contre la grippe n’offraient pas le niveau de sécurité auquel on peut légitimement s’attendre. Il est évident que l’échec de la campagne 2010-11 reflète la méfiance de nos concitoyens et que les autorités sanitaires aient été prises au dépourvu par cet échec illustre, s’il en était besoin, qu’elles prennent les gens pour des cons : même s’ils peinent parfois à documenter « scientifiquement » leurs appréhensions, ils ont profondément raison de ne plus faire confiance à nos responsables – et mon travail vise précisément à leur fournir les concepts et les données adéquates afin de les aider à trouver les mots pour dire le sentiment de défiance inspiré de leur expérience, et à persister dans la résistance.

Pour vous, si je vous lis bien, la situation ne change pas et les décideurs sont toujours les « mêmes ». Aucune leçon n’a été tirée de la mauvaise gestion de crise ?

Ce que je dis sur ce sujet recoupe exactement ce que de plus en plus de voix autorisées disent sur la crise économique (ou la dégradation de l’environnement) : malgré l’ampleur de la catastrophe et l’évidence de ses causes, aucune leçon n’a été tirée. Je me permets, par exemple, de vous renvoyer au dernier ouvrage de l’économiste Jacques Généreux, La grande régression (Paris, Seuil, 2010) : mutatis mutandis, je pourrais appliquer mot pour mot à la santé ce que lui dit relativement à l’obstination de nos responsables dans l’erreur économique.

On parle beaucoup des liens de Mme Bachelot avec l’industrie pharmaceutique... y a t-il vraiment une collusion des politiques et des experts avec l’industrie pharmaceutique ?

Moi-même notoirement consultant pour l’industrie pharmaceutique depuis 25 ans, je ne suis pas gêné par les liens d’intérêts, mais par leur dissimulation. Ayant donc beaucoup vu en pareille matière, j’avoue avoir été choqué, dans certaines réunions professionnelles, par la familiarité tout à fait inhabituelle de l’ex-ministre de la santé avec certains cadres de l’industrie pharmaceutique, lesquels, de plus, ne faisaient pas partie des plus brillants. Avec les politiques, la question est double : leurs liens d’intérêts d’une part, leur vulnérabilité – incroyable – au lobbying d’autre part. C’est vrai pour la pharmacie, c’est malheureusement vrai pour bien d’autres secteurs d’activité (agro-alimentaire, énergie...) Cet état de fait est évidemment exacerbé par l’organisation européenne (c’est plus facile de corrompre les leaders d’une agence centrale à Londres que les responsables de chaque pays de la CEE : on l’a bien vu, l’an dernier, avec l’admirable résistance de la ministre polonaise de la santé à la grossière mystification pandémique).

Pour entrer un peu dans le détail, il faut comprendre que, pour un professionnel de santé qui a basculé dans la politique, la pire des situations est de n’être point réélu : on ne va pas développer une officine ou un cabinet médical pour cinq ans ! La pratique consiste donc à offrir un poste plus ou moins bidon dans une firme pour aider le malheureux dans sa traversée du désert : il va de soi que ce type d’entraide transcende tous les clivages politiques – et qu’il crée d’autant plus des liens pour l’avenir que, selon une tendance par ailleurs malheureuse, la plupart des projets de loi concernant la santé sont confiés… à des professionnels de santé. Cherchez l’erreur…

Il y a bien sûr d’autres interactions moins subtiles. Lui-même ancien de l’industrie pharmaceutique, un membre important du Sénat m’a assuré avoir vu circuler des enveloppes chez certains de ses collègues : « et je vous assure, a-t-il ajouté, qu’elles n’étaient pas minces ». N’étant pas journaliste (suivez mon regard), je n’ai pas enregistré ces propos accablants…

Peut-on finalement avoir confiance dans ce système ?

Bien sûr que non. Quand vous voyez – pour élargir un tout petit peu au-delà du médicament – la promotion indécente des autorités sanitaires en faveur de la mammographie alors qu’il n’existe aucune preuve que ce type de dépistage se solde par le moindre allongement de l’espérance de vie chez les cancéreuses, et qu’il est démontré en parallèle que chez 2000 femmes testées durant 10 ans, pas moins de dix vont se trouver classées cancéreuses par erreur, et traitées comme telles… Faites le calcul en dizaines de milliers (au bas mot) du nombre de femmes en parfaite santé condamnées aux joies connues d’un traitement contre le cancer du sein [1]...

Et pour revenir maintenant à l’industrie pharmaceutique, n’êtes-vous pas frappé de constater que sur des tas de médicaments dont l’intérêt lucratif va pourtant de soi (vaccins contre la grippe…), on n’entend simplement pas la voix promotionnelle des fabricants ? S’y est substituée celles des autorités sanitaires, et avec des arguments à ce point mensongers que les industriels qui oseraient les tenir seraient instantanément sanctionnés par la Commission de contrôle de la publicité… Se trouve de la sorte illustrée la privatisation de l’Etat, lequel met désormais toute sa puissance (incluant, parfois, ses prérogatives de réquisition) au service des pires prédateurs.

Avec l’affaire du Médiator ou la liste des médicaments dangereux, pensez vous que les choses pourront changer ?

J’ai déjà eu l’occasion de développer pourquoi l’affaire Médiator – et ses développements – n’était qu’un piège à cons. Prises au dépourvu par l’échec de la nouvelle campagne vaccinale, je l’ai dit, les autorités viennent juste de conscientiser l’impact déplorable et durable du scandale de la grippe pandémique. Pour essayer de retrouver la confiance des foules, elles organisent une grande cérémonie expiatoire et incantatoire autour d’une affaire (qui, toutes choses égales par ailleurs, n’est qu’une tempête dans un verre d’eau ), sur le thème : « on vous a compris, on va tout changer, vous allez voir ce que vous allez voir, et vous allez pouvoir retrouver entière confiance dans le système ». En réalité, non seulement rien n’est changé, mais on a même l’impression que les choses vont de mal en pis.

Quelles pistes suivre pour changer ce système ? J’ai entendu que vous alliez lancer une pétition... de quoi s’agit-il ?

Il s’agit simplement d’une lettre-type que je conseille à tous les citoyens d’envoyer à leurs parlementaires afin de dénoncer l’escroquerie à laquelle donne lieu l’obligation vaccinale.
C’est aussi ma réponse à votre question plus générale : sauf à tout casser et à faire la révolution, la principale piste que je vois, pour l’instant, c’est de faire le siège des parlementaires – en sachant que ce sont des pervers de la séduction et des maîtres dans l’art de faire le contraire de ce qu’ils ont promis. Il faut donc que les citoyens soient extrêmement coriaces, qu’ils ne craignent pas de relancer et de revenir à la charge : et comme je sais que certains, pour pleins de bonne volonté qu’ils soient, sont inhibés à l’idée d’écrire, je leur propose un modèle – ils en font ce qu’ils veulent ensuite.

L’autre piste de réflexion, c’est aussi que chacun réfléchisse à sa propre responsabilité dans l’état présent des choses, et qu’il fasse son examen de conscience relativement à sa propre pulsion consumériste vers « les biens de santé » et par delà, vers une médicalisation asphyxiante, qui inclut désormais tous les aspects de la vie, à commencer par la sexualité.

Tous ces aspects seront développés dans un petit livre que je suis en train d’achever et dont j’ai bon espoir qu’il soit disponible avant l’été. Suffisamment évocateur, le titre actuellement envisagé sera : Médicaments dangereux : à qui la faute ? Vaste programme, en vérité…

[1Et qui, bouleversées de gratitude à l’égard d’un système supposé leur avoir sauvé la vie, se consacrent ensuite à promouvoir ardemment ce dépistage imbécile.


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