Retrait de Di-Antalvic
Un déplacement à l’étranger m’empêchant de participer à l’émission C dans l’air de ce soir à laquelle j’étais invité, je livre ci-dessous à mes lecteurs l’essentiel des réflexions que m’inspire le retrait de Di-Antalvic.
Les autorités françaises n’ont jamais dissimulé leurs réticences relativement à l’avis de l’Agence européenne qui date de juin 2009. Sans qu’on cherche à savoir qui a tort ou raison, cette situation illustre la préoccupante absence de manoeuvre des autorités nationales relativement aux instances européennes, sachant que :
- il est plus facile de corrompre les représentants d’une instance centralisée que ceux de chaque pays de la CEE ;
- d’expérience, ce type de retrait visant des produits anciens se solde par un déport de prescription vers des spécialités plus récentes, généralement plus onéreuses : il n’y a donc pas que la santé publique qui tire bénéfice de telles mesures [1].
De notoriété publique, les autorités françaises - réticentes, on l’a dit - avaient fixé septembre 2011 comme date butoir pour opérer le retrait dans notre pays. Comme l’avoue non sans naïveté Le Figaro (02/03/11), "la France a finalement devancé la date butoir, en raison du contexte de la crise du Médiator, et d’une étude récemment publiée aux États-Unis, faisant état de troubles cardiaques avec le dextropropoxyphène". Le prétexte d’une "nouvelle" étude relativement à des troubles connus avec un produit disponible depuis au moins 60 ans ne pouvant être pris au sérieux, il faut donc tenir pour acquis que le seul déterminant d’une mesure de santé publique touchant quelque "8 millions de consommateurs réguliers" pour notre seul pays (dixit le même article) aura tenu, en tout et pour tout, à un effet d’annonce dans un contexte hystérique où l’on nous a promis une véritable révolution des moeurs et des pratiques. Piège à cons, vous disiez ?
En admettant que le motif allégué pour justifier le retrait (emploi du médicament à fins suicidaires) soit justifié :
- comme il ne faut pas confondre cause et moyen, il restera à vérifier que le retrait de Di-Antalvic se soldera effectivement par une réduction globale des suicides dans les pays concernés - surtout tant qu’on n’aura pas semblablement retiré du marché les cordes, les fusils de chasse, les rails de chemin de fer ou de métro, les platanes en bord de route... ainsi que les autres médicaments susceptibles d’être utilisés à cette même fin (il n’en manque pas...)
- il serait judicieux de vérifier également que les effets indésirables liés aux antalgiques qui seront utilisés à la place de Di-Antalvic (tramadol, notamment) ne sont pas, toutes choses égales par ailleurs, aussi ennuyeux pour la santé publique que ceux imputés à la spécialité retirée.
Compte tenu de la pauvreté notoire de "l’innovation" en matière d’antalgie, on ne peut crédibiliser que le retrait de Di-Antalvic soit justifié par l’obsolescence du produit relativement à de nouvelles options thérapeutiques [2]. Par conséquent, si le seul motif du retrait tient à un risque effectivement intolérable, on en conclut qu’il faut, à nos autorités, 50 à 60 ans pour prendre la mesure des toxicités intolérables. Cela leur laisse encore 30 à 40 ans pour admettre que le vaccin contre l’hépatite B - parmi bien d’autres - n’était pas un bon coup [3].
[1] Sachant aussi que le principe d’une réglementation pharmaceutique internationale ignore le fait que la consommation des médicaments - et la pratique médicale, plus généralement - sont sous l’influence de déterminants extrêmement culturels (comme illustré par l’ouvrage classique de Lynn Payer, Medicine and culture, 1988). En l’espèce, il est patent que l’on ne se suicide pas de la même façon dans tous les pays. On en reconstitue indirectement que la mondialisation de la pharmacie s’assied sur des déterminants culturels, ou simplement nationaux, pourtant d’une grande pertinence : c’est ainsi par exemple que la composition de vaccins multivalents contre les pneumocoques est basée sur une écologie bactérienne que l’on ne retrouve pas identique d’un pays à l’autre...
[2] Comme attesté par la recommandation de Prescrire d’utiliser à la place Codoliprane, qui n’est quand même pas un médicament de toute première jeunesse.
[3] Ajoutez 15 à 20 ans d’instruction - au bas mot...
Marc Girard
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