Bien que n’ayant rien à dire de fondamentalement neuf sur une tragi-comédie prodigieusement radotante, je suis sollicité par plusieurs lecteurs pour donner mon avis sur le reconfinement. Je m’exécute donc, sans trop de souci sur le risque de redite ni sur l’intérêt d’un « plan » : les quelques remarques qui suivent sont juste une aide à la lecture de l’actualité sanitaire.
Table des matières
1. Inefficacité
1.1. Incohérence
La première chose qui frappe, c’est l’inefficacité de la mesure. Chacun ou presque dispose d’un arsenal d’absurdités ou d’incohérences repérables même par les profanes. D’autant plus repérables que, par démagogie, les décideurs concoctent des exceptions pour chacun de leurs diktats, qui en aggravent l’incohérence : commerces fermés mais écoles ouvertes, pas plus de cinquante personnes par regroupement public (le virus connaît d’instinct la borne supérieure où s’arrête le risque de contamination), pas plus de six personnes pour les réunions familiales (mort aux familles nombreuses…), etc.
Il est difficile de dire si les décideurs sont tellement bêtes qu’ils ne s’en rendent pas compte, ou s’ils sont tellement paniqués qu’ils font n’importe quoi : mon intuition, c’est qu’on trouve les deux espèces – des responsables promus pour leur épaisseur mentale, et d’autres pour leur brutalité sans scrupule.
1.2. Bêtes et méchants
Mais bêtes ou méchants, ce qui est certain, c’est qu’ils jouissent de se savoir écoutés d’une façon déconnectée avec l’intérêt réel de ce qu’ils disent. Prenez Macron, prenez Véran : qui, en conditions normales, consacrerait la moindre attention à leurs âneries ? Mais le petit artisan ou l’humble commerçant ont l’attention désespérée de ceux qui cherchent à savoir si leur exécution est pour demain, ou pour après-demain, ou juste après.
À Dachau, on accueillait dans un silence religieux les aboiements du kapo, pourtant minable documenté et méprisé de tous, mais doté d’un pouvoir exorbitant : désigner chaque soir le détenu condamné à être noyé dans les latrines… Je ne suis pas le seul à méditer sur les racines culturelles du « libéralisme » qui a donné naissance à la clique Macron (J. Chapoutot. Libres d’obéir. Essais Gallimard, 2020)1. Et, de même qu’on exigeait des détenus qu’ils accompagnent l’atroce agonie de leur compagnon en chantant, on impose aux désespérés du confinement de se plier aux exigences aussi humiliantes qu’imbéciles d’une « attestation dérogatoire ». Acculer une victime au désespoir est une chose ; la désespérer en l’humiliant en est une autre, et la clique à Macron est passée maître dans l’art d’humilier en désespérant.
2. Le cercle vicieux iatrogène
La seconde chose qui frappe, c’est l’obstination dans l’erreur, source typique de iatrogénie. Quand un traitement s’avère inefficace, au lieu de s’interroger sur l’adéquation du diagnostic ou sur la pertinence du traitement, les médecins ont souvent tendance à s’obstiner. Ils multiplient les examens complémentaires autour d’un diagnostic dont la fausseté devrait sauter aux yeux 2, ils augmentent les posologies, introduisent des associations médicamenteuses, etc.
Sur le même modèle d’une erreur de diagnostic et de traitement, les gouvernants alourdissent sans mesure leurs thérapeutiques, d’une façon qui évoque plus la brutalité aveugle des régimes totalitaires que la prudence hippocratique. La plus anodine des incartades est justiciable d’une sanction démesurée : pour les « soignants » du gouvernement qui gèrent la situation sanitaire, il s’agit moins de guérir le mal que d’imposer comme allant de soi un régime de terreur. Il y a bien là une « radicalisation cumulative » (Mommsen), de sinistre mémoire.
En l’espèce, on nous rebat les oreilles avec une « pandémie » – qui n’a jamais existé –, on multiplie les mesures d’éviction, de quarantaine ou de confinement, en proclamant d’avance que la situation ne va cesser de se détériorer : il suffit d’écouter Delfraissy. Que dirait-on d’un médecin qui prescrirait un médicament en proclamant que ça va être pire qu’avant ? Bref : on prétend faire de la science, mais en ignorant la règle fondamentale de cette science-là : la vérification expérimentale.
3. Une formation déficiente
Il est notable que la tonalité de la médiatisation sur la « pandémie » a subi une profonde mutation. Jusqu’alors, ce qui prédominait, c’était l’obéissance : les gens maugréaient, mais ils appliquaient les consignes du pouvoir, bon gré mal gré. Mais depuis la conférence de presse de Macron annonçant le re-confinement (04/11/11), on est dans une personnification extrême de la décision qui a été présentée comme émanant d’un choix personnel, dûment pesé. Personnification d’autant plus ridicule que, même sur des sujets bien plus simples, Macron ne s’est jamais distingué par la profondeur motivée de ses décisions, qui paraissaient juste répondre au coup par coup sans le moindre esprit de suite (hormis, mais off record, une docilité forcenée aux desiderata des patrons).
Dans la génération d’avant la mienne où les médecins disposaient encore d’une certaine compétence, il y avait quand même une certaine rigidité de corps, un refus obstiné de prendre en compte certains imprévus : j’ai toujours dit que le facteur principal des catastrophes médicales, ce n’était pas la maladresse ou l’erreur, mais l’obstination dans la maladresse ou l’erreur. Il y a donc quelque chose d’assez familier dans l’inconscience qui amène les professionnels de santé à s’engager sur des prévisions qui vont être grotesquement contredites par l’observation. Ce quelque chose de familier est aggravé depuis 40-50 ans, en médecine comme ailleurs, par les bouleversements d’un enseignement qui atteint des abîmes de nullité : de même qu’on voit des « diplômés » de grandes écoles qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter, les médecins d’aujourd’hui sont aptes à pérorer sur des complications infectieuses de la rougeole qu’ils n’ont jamais vues et qu’ils n’ont aucune chance de voir, mais ils sont incapables de poser un diagnostic de cette maladie qui faisait autrefois partie du bagage de base dans la profession.
Ce qui a changé, c’est un certain rapport à l’autorité. Il y a d’abord eu cette phase où, avec la complicité du corps enseignant, les étudiants se sont ingéniés à dévaloriser tout indice de compétence – notamment grâce à une promotion de la performance orale (via des « exposés »), qui donne une prime aux plus baratineurs. Rapidement, les repères se sont perdus avec, par exemple, des mentions, voire des « félicitations du jury » données quasiment à titre systématique3.
4. Un environnement culturel
Ce qui a changé, également, c’est le niveau d’autodéfense par rapport au triomphe de l’image et des « pseudo-événements » (Boorstin). Tout le monde connaît l’histoire du débat télévisé entre John Kennedy et Nixon, lors des présidentielles américaines de 1960. Mais ce qui a été stupéfiant, depuis 2018, c’est la docilité des gens relativement la falsification esthétique faisant de Brigitte Macron une icône de mode et brodant sur les robes hors de prix qu’elle porte lors des réceptions officielles.
Ce n’est pas le lecteur de Baudelaire qui s’étonnera qu’il y ait, chez certains sujets, une attraction de la laideur, mais ce qui reste proprement bouleversant, c’est cette fascination généralisée à l’endroit d’une personne dont la laideur naturelle tient du constat de base. Qui se réjouirait d’avoir Brigitte Macron (ou ses filles, qui sont aussi moches) pour bru ?
5. La démission des juges
Les magistrats, surtout ceux de l’ordre administratif (en principe supposés contrôler le respect du Droit par l’État), avalisent, voire aggravent le mépris du Droit et de la jurisprudence par le pouvoir en place. Le contradictoire, par exemple, quand les mesures du gouvernement sont couvertes par le Secret Défense. Ou bien encore la proportionnalité de la sanction quand des incartades évidemment anodines peuvent se trouver punies au-delà de toute mesure – l’indulgence des tribunaux semblant surtout s’exercer au profit des puissants.
6. La confiance à l’endroit des experts
On l’a dit souvent sur le présent site en pastichant Michéa : émerge un besoin de docilité à l’égard d’un maître que personne ne peut prendre au sérieux intellectuellement. Ce n’est plus « en l’absence d’adultes, on fait confiance aux experts », c’est en l’absence d’experts, on fait confiance à n’importe quel dictateur.
On a vu jusque récemment (on voit toujours) une prise de parole par des experts autoproclamés, notable par sa virulence : moins le locuteur est compétent, plus il est virulent à l’égard de ceux à la cheville desquels il n’arrive pas.
Mais ces derniers temps, on voit s’imposer médiatiquement l’autorité de gens qui n’ont objectivement aucun titre à revendiquer la moindre expertise, même a minima4 : c’est flagrant avec Macron, apprenti philosophe laborieux, qui s’est posé contre-expert de tout le monde pour justifier ses dernières décisions. On est dans un cas de figure relativement inédit qui n’est pas sans rappeler le syndrome de Stockholm : la confiance offerte non par choix d’expert fût-il bancal, mais simplement par besoin de croire. Un chemin de Damas désacralisé en quelque sorte.
7. Conclusion
Depuis que je gère un site public, on ne peut pas me reprocher mon goût pour le politiquement correct : quoi qu’il doive m’en coûter en termes de réputation, je n’ai jamais craint de critiquer les modes et les idées reçues. Inversement, la « démocratie Internet » et l’inculture ambiante nous ont accoutumés au règne de l’insulte immotivée, où poussent à profusion les accusations de nazisme (« effet Godwin »).
Mais ce qui se passe depuis l’arrivée de Macron au pouvoir va bien plus loin : quelque chose d’un effondrement civilisationnel. On s’excuse de prêter un tel pouvoir de destruction à des gens aussi falots, mais il faut se rendre à l’évidence : il y a, dans ce qui se passe actuellement, quelque chose rappelant les razzias des Normands lors du Haut Moyen-Âge, qui poussaient les plus conscients à fuir dans des zones désertiques avec l’espoir de préserver des lambeaux d’héritage.
Certes, il y a un historique culturel qui a préparé le terrain. Mais, comme je l’avais annoncé dès leur arrivée au pouvoir, ces gens-là sont tout simplement mal construits. Et on se prend à penser que nonobstant les pauvres justifications médiatisées, ce ne peut être un hasard si le gendre idéal nommé Macron n’a pas d’enfants : il n’a rien à transmettre, il ne sait que casser. Comme un gosse mal élevé…
- Je cite beaucoup Chapoutot pour sa connaissance et sa compréhension du nazisme. Cependant, sa fascination non dissimulée pour la philosophie limite mon adhésion à sa pensée. Je suis gêné, en particulier, par son évitement d’une question pourtant cruciale : pourquoi le peuple « le plus philosophe de la terre » a-t-il sécrété le nazisme et le IIIe Reich ? Ma question est d’autant plus pertinente dans le contexte du présent article que la seule « formation » dont Macron fasse état est la philosophie…
- Une méningite prise pour une otite, par exemple.
- Avec, comme d’habitude, les bénéficiaires de ces largesses prenant très au sérieux la notoriété traditionnellement attachée à ces mentions auxquelles ne croyaient plus ceux qui les avaient octroyées.
- Par exemple, un titre en physique ou en mathématiques pour se poser en expert de recherche clinique.