Radiation définitive du Dr Marc Girard

Radiation définitive du Dr Marc Girard

Eh bien ! Ça y est, c’est fait ! Je ne suis plus médecin. Plus du tout. Plus jamais. Définitivement radié de l’Ordre. Donc interdit de prescrire même des antalgiques banals, même des médicaments contre le rhume, même des somnifères réputés anodins…

Parce que je me suis lancé sur un sujet hautement polémique, comme le Covid, comme telle ou telle vaccination, comme la mammographie, comme le dépistage du cancer de la prostate, comme les nouveaux anticancéreux ? Que nenni ! Je suis radié parce que je mets en danger même mes proches,1 a fortiori des patients, par mon incompétence apparemment criante – en dépit du fait facilement vérifiable qu’en 40 ans de pratique intensive, je n’ai pas eu un seul sinistre… Radiation d’autant plus sidérante que, aussi bien chez les experts judiciaires que chez les médecins, je n’ai quasiment jamais vu de suspension, si motivée fût-elle, qui ne soit temporaire : même après une faute grave, on tend presque toujours à passer l’éponge après un  certain temps. Mais le Dr Girard, ça doit soulager de le virer définitivement2.

Sans me fourvoyer dans la doléance égocentrique, je crois qu’il est utile d’entrer un peu dans l’historique de cette situation. Après des études brillantes, menées dans un CHU prestigieux (Necker EM) et couronnées par un prix de thèse, j’ai eu une pratique intensive de médecin généraliste, pas intéressé par l’internat (concours dont la débilité m’est toujours apparue flagrante). Domicilié dans les Yvelines, j’étais dûment inscrit à l’Ordre de ce département durant 35 ans. En 2018, ayant décidé de me replier dans la Mayenne natale pour ma retraite, je me tournais naturellement vers l’Ordre de ce département pour obtenir le transfert de mon dossier et mon inscription en Mayenne. Là, première surprise : mon dossier s’est révélé introuvable. Après un moment de panique, j’ai retrouvé – et fourni – tous les documents attestant mon parcours et authentifiant mes titres : ils n’avaient pas été obtenus à la sauvette ou moyennant finance.

Comme un con, j’ai imaginé que le problème était résolu, et j’ai commencé à attendre mon caducée, ma nouvelle carte professionnelle et mes ordonnances. Mais au lieu de s’excuser pour cette gabegie dans son archivage, l’Ordre mayennais s’est mis en tête de m’évaluer. Malheureusement, surtout quand on est un médecin nourri de presse médicale type Le Quotidien du médecin, on n’évalue pas le Dr Girard sans avoir autant réfléchi que lui : sans apercevoir l’incongruité du propos, l’un des « experts » autoproclamés chargés de m’évaluer n’avait aucune notion des objections qu’on peut – qu’on doit – adresser aux statines et à leurs prescripteurs ; un autre refusait même l’idée qu’au-delà de trois médicaments par personne – surtout chez une vieille dame de 85 ans – on nage dans l’inconnu (outre les trois principes actifs, on a la bouteille à l’encre de tous les métabolites) – mais peut-être mes évaluateurs ignorent-ils ce qu’est un métabolite. On peut également alléger une ordonnance : l’expérience atteste que diminuer le nombre de médicaments prescrits tue rarement le patient concerné, alors que l’inverse n’est pas vrai.

Il est notoire pourtant que certaines régions françaises (la Mayenne, justement) souffrent d’une pénurie grave de médecins, conduisant à recruter soit des étudiants ayant échoué au concours, soit même des médecins étrangers baragouinant un français approximatif mais ayant obtenu – Europe oblige – le titre de médecin dans un pays étranger au terme d’études non moins approximatives, par exemple en Bulgarie où la pègre fait sa loi et où, si l’on en croit Le Figaro (02/10/22), « la corruption est endémique ». Voici quelques semaines, la presse locale faisait état des files d’attente occasionnées par la réinstallation d’un médecin retraité (qui avait dû finir par s’ennuyer), à côté desquelles celles occasionnées par l’enterrement récent de la Reine d’Angleterre avaient l’allure d’un aimable pique-nique. Il est non moins notoire qu’Internet fourmille de menaces sanitaires et d’offres de soins plus que douteuses qui devraient appeler une réaction ferme et coordonnée des professionnels.

Bon, bref. Je ne compte pas me laisser faire, ni prendre des cours de français. Mais il me paraît utile d’informer les gens de ce qui m’arrive et qui dit beaucoup du milieu médical français (à l’égard duquel j’ai toujours eu une position très critique). J’invite tous mes lecteurs à retransmettre cette histoire exemplaire à leurs proches, à la presse, à leurs responsables politiques…

  1. Lesquels, tous titrés de distinctions internationales prestigieuses, sont quand même aptes à juger ma crédibilité médicale.
  2. Pour être précis, comme expert judiciaire, je n’ai pas été viré (ce qui m’aurait ouvert la porte d’un appel), mais non réinscrit (l’inscription sur les listes n’étant pas un droit, il n’y avait aucun appel possible).