D’une assez longue interview réalisée le 26/08/10, France Info a tiré l’extrait disponible au lien ci-après.
http://www.france-info.com/sciences-sante-2010-08-27-le-vaccin-h1n1-contre-la-grippe-provoquerait-une-maladie-du-sommeil-480183-29-30.html
Pour récapituler simplement, la situation est l’illustration typique de ce que j’ai déjà dit lors de mon audition à l’Assemblée nationale, à savoir qu’on est là dans une parfaite perversion du système.
On a grossièrement péché par imprudence en introduisant précipitamment un vaccin bâclé sur le marché. Et lorsque les ennuis prévisibles surviennent, on se protège en inversant la charge de la preuve : au lieu de s’interroger sur la signification épidémiologique du nombre de cas rapportés dans une situation non expérimentale marquée par une immense sous-notification, on se prévaut de ce qu’il est “faible” pour en faire la démonstration de la « prudence » et de la « transparence » des autorités sanitaires.
Même en s’en tenant à une estimation extrêmement optimiste d’une sous-notification de 1/10 (elle est bien plus marquée en France), les six notifications françaises correspondraient à 60 cas réels – soit déjà bien plus que la petite dizaine de cas normalement attendus sur les deux mois après vaccination chez les 10% de la population vaccinée (en se basant sur une incidence annuelle de 500 nouveaux cas par an). Sans compter, de plus, qu’on ne discute pas non plus des caractéristiques démographiques (âge, sexe) des nouveaux cas, des fois qu’elles soient fondamentalement distinctes de celles normalement attendues.
Sachant de toute façon que, comme tragiquement illustré par le précédent de la vaccination contre l’hépatite B, les autorités ne changent pas leur discours autistique même dans les circonstances effrayantes où le nombre de cas notifiés en est effectivement venu à dépasser le nombre de cas attendus1.
Quant à la promesse que les cas de narcolepsie actuellement rapportés vont bénéficier d’une “analyse approfondie”, c’est une variante du leitmotiv “en cours d’évaluation” par lequel les autorités sanitaires se moquent simplement du monde. Car quelle analyse approfondie d’une observation individuelle pourrait apporter quelque donnée que ce soit relativement à une maladie dont personne ne connaît la cause naturelle et sur le délai d’apparition de laquelle on ne sait rien de précis? Hormis vérifier si les personnes concernées ont, ou non, été exposées au vaccin antigrippal, il n’y a strictement rien d’autre à tirer – et on peut mettre l’AFSSAPS au défi de publier les analyses plus “approfondies” auxquelles elle aura procédé au cas par cas.
La seule analyse “approfondie” susceptible de faire avancer l’évaluation de la causalité serait d’entreprendre une étude spécifique que l’on pourrait concevoir selon trois modalités.
- Etude chez l’animal, mais encore faudrait-il disposer d’un modèle pertinent et validé. De toute façon, dans la mesure où les autorités n’ont toujours pas été en mesure d’expliquer pourquoi des rates sont mortes lors du développement de Pandemrix, il ne faut pas rêver.
- Etude en double aveugle contre placebo: elle serait d’issue incertaine, pour des raisons classiques de puissance statistique. De toute façon, vu le soin apporté par les autorités à ces études en double aveugle lors du développement, il ne faut pas rêver non plus.
- Etude épidémiologique, type cas/témoins: mais dans la mesure où pour une explosion des cas de scléroses en plaques que les chiffres officiels quantifient à plusieurs dizaines de milliers, les autorités sanitaires n’ont toujours pas été en mesure de mettre en oeuvre une étude cas/témoins décente, on les voit mal se bouger après la notification de six cas seulement de narcolepsie…
Nous voyons bien là les limites de la pharmacovigilance fondée sur la simple notification, dont les avantages sont : 1/qu’elle ne coûte rien à personne (par contraste avec un développement rigoureux), 2/ qu’elle permet de constamment surseoir à plus tard tout en rebaptisant “prudence” le cynisme de la mise en danger que représente un développement bâclé.