Cela tombe super bien! Alors que sous l’influence d’on ne sait trop qui ou quoi, la rectitude de ses analyses commençait d’être mise en cause, voilà-t-il pas que “l’homme par qui le doute est devenu certitude” révèle les effroyables menaces que lui a valu son engagement constant en faveur de la Vérité (pour ne point parler du sévice consistant à l’expédier ensuite dans cette abominable colonie pénitentiaire que l’on appelle Direction Générale de la Santé): il y a vraiment des gens qui vivent dangereusement…
Quelles menaces, en fait? On ne sait pas exactement1 , mais on a quand même une damnée lettre qui parle de “neutraliser ces messieurs, sans paraître comme agressifs envers eux” (Libération, 23/12/10). Une lettre datée du 22 mars 19962, barrée du tampon “confidentiel” (exactement comme le rapport “préliminaire” de notre vaillant expert qui a ouvert à Servier les portes du marché américain) et qui attend juste la tempête médiatique que l’on sait pour fuiter quinze ans après: c’est ballot! On a connu Servier plus efficace dans le secret3 – mais la vieillesse est un long naufrage, comme disait déjà De Gaulle à propos de Pétain4…
Certes, la stylistique du marketing pharmaceutique n’est pas celle que Geneviève de Fontenay s’échine à inculquer aux futures représentantes du charme français: ceci devrait relativiser cela5. Mais en l’espèce, il y a quand même l’histoire des “petits cercueils” supposés avoir accompagné cette rhétorique torve: là, ça rigole plus, car petit cercueil deviendra grand…
Confronté à une menace aussi lisible (des petits cercueils pour neutraliser “sans paraître comme agressifs”6!…), l’intéressé a dû s’empresser de porter plainte – et il doit y avoir des traces de cette plainte. Et que les excellents limiers que le Parquet (si proactif contre Servier) s’est forcément empressé de mettre sur le coup n’aient rien trouvé – durant quinze ans ! – confirme, s’il en était besoin, l’analyse du député Gérard Bapt (26/12/10) qualifiant le groupe Servier de “mystérieux” et d'”extraordinairement habile”: moins il y a de preuves, plus c’est clair qu’elles ont été dissimulées…
Tout se recoupe, finalement – et c’est proprement effrayant: à s’en faire péter les valvules7…
Au chapitre des critères intrinsèques de crédibilité, j’avais proposé celui des “performances antérieures”: cela concernait les experts, mais mutatis mutandis, on voit bien que l’on pourrait les adapter aux journalistes. Justement, au chapitre des performances antérieures du journaliste auteur de ces providentielles révélations sur les menaces terribles qui authentifient rétrospectivement l’audacieuse témérité de “l’homme par qui le doute est devenu certitude”, il y en a une – parmi d’autres8– que j’aime bien (et que je ne loupe jamais une occasion de rappeler). C’est lorsque dans Libération du 27/09/04, le journaliste en question n’avait pas craint d’écrire textuellement : « aucun effet secondaire grave n’est apparu chez les moins de 16 ans [après vaccination contre l’hépatite B] » – en flagrante contradiction avec tous les documents officiels disponibles sur le sujet9. Cette réécriture onirique du réel épidémiologique lui était venue, comme par hasard, à l’occasion d’une interview avec l’un des cosignataires de l’étude IPPHS, ami notoire de “l’homme par qui etc.” – et réciproquement…
Comme quoi, c’est bien utile d’entretenir de bonnes relations avec les journalistes. Surtout quand ils ont un tel souci de vérification…
- Peu soucieux d’amputer mon budget Carambar en soutenant la presse à la botte, j’avoue ne pas avoir vu la reproduction de ce courrier (d’où appel d’offre: merci aux lecteurs qui l’ont de bien vouloir m’en adresser une copie.). Mais d’après ce que je comprends après recoupements, la lettre en question ne cite même pas nommément les “messieurs” ainsi visés par de pseudo-menaces.
- A cette date, l’administration américaine s’apprête à autoriser la dexfenfluramine et, comme je l’ai rappelé dans mon historique des faits, Servier doit beaucoup au futur directeur de la DGS pour cette autorisation pourtant bien mal barrée avant le rapport “préliminaire” de l’étude IPPHS (daté de mars 1995 et dont on apprendra plus tard qu’il avait été réalisé à la hâte): on comprend donc mal l’ire de Servier à l’encontre du responsable de ce rapport objectivement providentiel…
- Le Canard Enchaîné, 08/12/99.
- On a aussi connu plus efficace dans la représaille: car, comme l’explique un article de Michel de Pracontal sur le site de Médiapart, on trouve encore Abenhaïm collaborant avec ce groupe pharmaceutique en 1997… Mieux: un article ultérieur du même journaliste documente que dix ans après, Abenhaim collaborait toujours avec le destinataire de ce fax “menaçant”, à savoir le Laboratoire Wyeth, ex-licencié de Servier pour l’Isoméride: on a vu des “menaces” plus opérantes…
- De fait, la presse s’était montrée moins émotive quand les autorités françaises s’alarmaient de “la lutte au couteau” que se livraient deux fabricants pharmaceutiques pour l’obtention d’un marché public: les exemples pourraient être multipliés…
- On n’ose imaginer jusqu’où serait allé Servier s’il avait opté pour l’agressivité…
- Encore un diagnostic différentiel à prendre en compte dans la prochaine super étude de la CNAM: les lésions cardiaques d’indignation.
- Dans Libération du 05/02/08, juste avant le début du procès, le même louait trois intervenants de l’affaire hormone de croissance en raison de leur rôle “décisif pour éviter l’embourbement du dossier”: le juge d’instruction, le procureur de Paris qui avait promis “un procès exemplaire” et un avocat de victimes, choisi parmi de nombreux autres sur des critères difficiles à apercevoir. On ne sache pas qu’il ait ensuite repris son palmarès pour déterminer le rôle de ces trois-là dans une relaxe pourtant aussi prévisible que prévue: il y a des fois où il vaudrait mieux rester “embourbé” que de se flanquer dans le mur…
- Incluant même les plaidoyers les plus partiaux des responsables les plus compromis en faveur de cette vaccination: j’ai souvenir d’avoir discuté de cet article avec une des responsables pourtant les plus bornées de l’AFSSAPS, qui n’en revenait simplement pas.