Marc Girard interviewé par François Ruffin

Mettre en lumière les occultations involontaires de cette interview ancienne permet de reposer la question du totalitarisme quand il se camoufle derrière le prétexte de la « santé ». On aimerait que ceux qui se présentent comme les acteurs d’une rupture politique radicale aient un minimum de conscientisation sur la véritable nature de « la bête immonde » et sur ses modes opératoires1.


Par hasard, je tombe sur une archive de l’émission « Là-bas si s’y suis », dans laquelle j’avais été interviewé par François Ruffin, et dont la première diffusion remonte au 23/11/2009.

Ce qui m’avait frappé, c’est que l’émission, comme par hasard centrée sur les crimes de Big Pharma, avait totalement expurgé ce qui a toujours été l’essentiel à mes yeux, à savoir la responsabilité des autorités judiciaires. Que les fabricants se soient défendus bec et ongles contre moi n’est qu’une confirmation rétrospective, douloureuse mais intellectuellement rassurante, de la pertinence de mon point d’attaque (à savoir la réglementation et le droit pharmaceutique, dramatiquement ignorés par les critiques les plus bruyants du système) ; mais que la justice, par l’intermédiaire de ses instances les plus éminentes (la Cour d’appel de Versailles, le Parquet de Paris, la Cour de cassation – voire la Cour européenne des droits de l’homme), se soit acharnée contre moi jusqu’à l’exténuation (et, je l’ai déjà confessé, quasiment jusqu’à la mort), voilà qui me paraît infiniment plus significatif et bien plus inquiétant.

Cette censure objective, sinon délibérée, de mon propos éclaire mes critiques ultérieures relatives aux positions de Ruffin quant au coup de force des autorités sanitaires visant l’élargissement brutal des obligations vaccinales : clairement tétanisé à l’idée qu’on puisse le confondre avec un anti-vaccinaliste, il ne craint pas, de concert avec Rivasi, d’affirmer simultanément qu’en matière de vaccinations, il « ne sait pas » tout en clamant qu’il est « résolument favorable » aux vaccinations – en général… Ces contradictions voyantes amènent à s’interroger sur les limites d’une réflexion globale dont j’ai spontanément dénoncé la dépolitisation2, situation préoccupante pour quelqu’un qui ne craint pas de se présenter comme l’incarnation d’une opposition radicale au système, au point d’envisager publiquement sa candidature à la magistrature suprême. La “dépolitisation” (sur laquelle certains lecteurs, intrigués de me la voir invoquer, m’ont parfois interrogé), c’est ne pas appréhender la portée éminemment politique des situations et comportements du quotidien et que le système, précisément, s’évertue à dissimuler sous des faux débats : ne pas se souvenir, par exemple, qu’en 2009 (lors de la grippe H1N1), Mélenchon – le principal allié de Ruffin: celui qui confond démagogie et démocratie – tempêtait contre les imbéciles qui avaient prétendu “discuter” avant d’imposer “d’abord” la vaccination à tout le monde. Ne pas comprendre, non plus, que la « santé publique » (incluant les dépistages les plus incongrus et les préventions les moins validées) justifie le rançonnement des pauvres au profit des riches par le biais pervers de la « Sécurité Sociale » (et autres artifices de “solidarité”)3 dont la défense outrée fait l’unanimité chez tous les blaireaux décervelés, dont, bien entendu, les amis de Mélenchon4.

Cela me rappelle la façon dont, au grand dam de certains proches, j’avais conclu le débat Le Pen/ Macron lors de la dernière campagne présidentielle : lequel des deux serait le pire président (sachant que, personnellement, je n’avais jamais eu le moindre doute sur la nullité crasse de Marine Le Pen) ?… On a désormais quelques éléments de réponse. Sur la base de cette première interrogation dont la pertinence ne peut plus être contestée, qu’il me soit permis de poser à nouveau une question très incorrecte : de Macron 2, avec sa précipitation d’enfant-roi à tout casser au bénéfice de ses sales amis, ou de Ruffin, comme frappé d’idiotie dès qu’il s’agirait de saisir à l’œuvre le mode opératoire des impudents exploiteurs qu’il dénonce avec une aussi spectaculaire énergie, qui serait le pire président ?

Il se pourrait que ce que Ruffin s’obstine à ignorer soit justement au cœur du problème auquel je n’ai cessé de revenir : je ne crois pas à l’efficacité politique d’une critique qui se limite à dénoncer la faute des autres . Les tenants du capitalisme contemporain ont parfaitement compris que pour maximiser le retour sur investissement, il y avait plus subtil que d’exténuer les travailleurs ou d’affamer les gens – attendu qu’il y a toujours un risque d’émeute quand la populace a trop faim. C’est moins risqué sociétalement de les séduire par tous les artifices de la consommation, au premier rang desquels la médicalisation – qui fait de chaque citoyen son propre contremaître au service du système : l’injonction de « surveiller sa santé » (et celle de ses enfants), via notamment le « dépistage » ou la « prévention », n’est-elle pas au cœur de l’idéologie de fausse maîtrise qui gangrène notre société d’esclaves narcissiques ?

Il est plus facile de créer une unanimité de façade contre Bernard Arnault (qui en a vu et en verra bien d’autres) que de conduire chacun – chômeurs et gilets jaunes inclus – à s’interroger sur sa réceptivité aux séductions pourtant infâmes d’une médecine qui occulte la misère du quotidien et banalise l’indignité de la dépendance.

  1. Qui vont très au-delà du port obligatoire de la cravate…
  2. À partir du moment où le plus anodin scepticisme concernant la politique vaccinale de Buzyn est interprété, par la presse à la botte (Franceinfo, 16/03/19), comme le stigmate d’une décrédibilisation radicale chez Rivasi, ce ne serait quand même pas trop demander à son cosignataire de conscientiser qu’il pourrait y avoir quelque chose de vaguement politique dans tout ça (Précisons : je ne pense pas que Rivasi soit politiquement crédible ; mais je ne crois pas que ce qui effrite sa crédibilité soit lié à son timide scepticisme sur la politique vaccinale des autorités sanitaires)…
  3. Au fait, qui finance encore les indemnisations, d’ailleurs atrocement chiches, des narcolepsies après vaccination contre le H1N1?
  4. Comme illustré par ce lien vers les amis de Mélenchon, il n’y a rien, dans leur programme sanitaire, qui soit susceptible d’inquiéter Big Pharma ou les lobbies médicaux (hormis une pétition de principe sur “l’indépendance”, on a déjà entendu ça). Le piège à cons dans lequel ils tombent tous consiste à répondre démagogiquement aux associations demandeuses de soins ou de prises en charge diverses, sans jamais se demander qui va payer et à qui ça va rapporter. L’engouement dictatorial de Mélenchon pour la vaccination anti-H1N1 (dont le coût exorbitant est resté dans toutes les mémoires) est une parfaite illustration de cette sévère obtusion.