L’omnipotence maternelle appliquée au choix d’un prénom

Sous nos latitudes au moins, pendant que la mère se remettait d’un accouchement, c’est le père qui allait faire la déclaration de naissance. On peut imaginer qu’il en discutait avec la mère, mais c’était d’autant moins systématique que, très souvent, ce choix était préformaté par la tradition : le prénom du grand-père paternel pour l’aîné des garçons, celui de la grand-mère maternelle pour l’aînée des filles, etc.

Ces dernières années ont vu le bouleversement de ces règles ancestrales, avec le rôle moteur de la mère et de sa fantaisie : le décryptage des prénoms modernes en dit tristement long sur l’omnipotence maternelle et, corrélativement, sur l’effacement du père. On ne compte plus les prénoms contemporains (Armorik, Dénéris, Malohé…) qui ne s’inscrivent dans aucune tradition.

Un exemple. Une quadra en situation d’échec tous azimuts : au chômage, pas de mec hormis pour des passades, pas d’enfant malgré « l’horloge biologique ». Via un site de rencontres (qui résume son sens de la « rencontre ») où elle s’est présentée très à son avantage (physiquement, relationnellement, professionnellement – elle sait tout faire, même si elle n’a réussi à rien), elle parvient à alpaguer un jeune chef d’entreprise assez talentueux (que, par souci de clarté, j’appellerai « mon pote » dans la suite, ce qu’il était effectivement quand je l’ai rencontré aux alentours de l’année 2000), qui lui trouve un boulot où, de nouveau, elle donne la démonstration de son incompétence : naïvement, il lui avait confié la direction de son entreprise avant d’y renoncer devant les effets catastrophiques de sa « direction ». L’effet de séduction subi par ce jeune entrepreneur est d’autant plus problématique qu’en plus de tout, cette femme souffre de « fibromyalgie », entité clinique sur laquelle j’ai déjà eu l’occasion d’ironiser, dont les signes sont particulièrement difficiles à caractériser objectivement mais qui fournit à l’intéressée le motif imparable pour arguer que « pas ce soir Chérie ». En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, elle se fait engrosser : excuse, cette fois, toute trouvée pour ne plus mettre ses talents multiples à l’épreuve, évidemment, accessoirement pour blinder sa froideur érotique : des fois que faire l’amour fasse du mal au bébé (je dis bien « LE bébé » car il va de soi qu’on connaît le sexe dès qu’il est possible de l’établir – nonobstant le refus maternel de la médicalisation).

L’obstacle théorique d’une médicalisation profuse de cette grossesse n’en est pas un : quoique revendiquant son mépris pour le corps médical (i.e. pour toute personne de sexe masculin supposée en savoir plus qu’elle), elle passe son temps en consultations et trouve toujours un toubib pour faire ce qu’elle veut. Comme elle me disait un jour où je lui avais refusé une ordonnance de complaisance : « je trouverai sans problème ».

A la naissance, elle est très fière (et fait partager à son conjoint cette fierté) d’avoir trouvé un prénom dont il n’existe que 14 exemplaires en France (je me rappelle la mimique d’admiration du père quand il m’a expliqué que sa conjointe avait, de la sorte, fait du gamin une glorieuse exception). Mais rapidement, l’épreuve de réalité allait s’imposer : à force de vouloir en faire un objet dont l’exception rejaillissait sur la bonne à rien qui l’avait engendrée, impossible de socialiser le gamin. Comme il ne serait pas concevable de risquer qu’elle ne savait simplement pas élever ce gosse, il fut donc posé qu’il avait un déficit congénital – validé par tous les neuro-pédiatres consultés (surtout pas des pédopsychiatres qui auraient pu insinuer qu’il y a plus que la fatalité organique dans ce tableau)… Au rythme des conseils de bonnes copines, la famille s’engagea donc dans une série de déménagements radicaux : entre autres, elle allait se retrouver dans un coin archi-paumé du sud de la France, pour s’inscrire dans une école de paumés où l’on s’arrache les places, dirigée comme une dictature par… la fille de Pierre Rabhi, aussi experte en pédagogie que son père en agronomie.

Ce retour à la Nature n’imposa pas à la mère de travailler (par exemple, de montrer qu’elle savait faire pousser des carottes) car le père, informaticien de talent, réussit à diriger son entreprise via Internet – et à financer un train de vie confortable à la surdouée qui lui servait de conjointe.

Abrégeons. Aux dernières nouvelles, le fils est désormais adolescent et, tenez-vous bien, il a réussi à intégrer un établissement d’enseignement général : succès pas si spectaculaire qu’il y paraît compte tenu de l’effondrement du niveau scolaire. Il y aurait réussi de toute façon s’il n’avait pas été posé qu’il devait sortir du cursus destiné aux enfants n’ayant pas le chance d’avoir une mère exceptionnelle.

Deux remarques susceptibles d’éclairer l’histoire :

  • Malgré sa demande insistante concernant l’étiologie de la pathologie du fils, le père n’a jamais pris rendez-vous pour qu’on discute sérieusement ne serait-ce qu’une heure : il débarquait chez moi toujours à l’improviste pour qu’on déjeune ou dîne ensemble – bref quand il allait de soi qu’on n’allait pas discuter sérieusement.
  • La mère de mon pote avait plaqué son mari (le père de mon pote) pour vivre à l’aventure dans des conditions de logement épouvantables. Elle est sous tutelle depuis des années, et je soupçonne mon pote d’avoir voulu, avec la bonne à rien qui lui sert d’épouse (ils sont mariés maintenant), lui créer un statut de mère idéale antagoniste avec la folle à lier qui lui a servi de mère.

La famille de mon pote comporte un autre garçon et une fille :

  • Le garçon a épousé une salariée du privé à TRES haut salaire, qui lui permet de végéter professionnellement très confortablement : sur le papier, il est « éducateur » – et s’adonne désormais à la psychothérapie…
  • La fille, très belle quand elle était plus jeune, n’a jamais eu de compagnon identifiable malgré sa beauté (ou à cause d’elle…) : à 50 ans, elle vient d’avoir une fille, ayant laissé passer le délai légal d’IVG, faute pour son médecin d’avoir soupçonné une grossesse sur le tableau d’un retard de règles chez une femme très proche de la ménopause…

Il y a comme ça des familles où les hommes peinent à occuper une place.

Ce sera dur d’expliquer à cette gamine qu’elle a été désirée par un homme ET une femme…