Livebox et Orange
Je me sens dans l’état d’esprit déprimé/agressif de Fernand Raynaud (« Vous allez voir comme les gens sont méchants ») : vous allez voir comme les gens sont incompétents…
Voici maintenant près de 15 jours, par un beau dimanche après-midi, mon téléphone et ma ligne internet sont tombés en panne. Les voisins n’étaient pas là, et je suis donc resté coupé du monde. Par bonheur, j’ai pu obtenir un technicien dans la soirée, qui a posé le diagnostic d’une Livebox en panne, donc tout juste bonne à être remplacée.
Comme on ne trouve pas des Livebox à tous les coins de rue d’un village de 140 habitants, rendez-vous a été pris le lendemain avec une « conseillère clientèle » pour examiner les modalités pratiques d’un échange – sans téléphone, évidemment. Après avoir avidement attendu ledit rendez-vous car c’était elle qui gérait, j’ai donc reçu l’appel de ladite conseillère. Laquelle n’a rien écouté de mes explications, m’a refait faire les mêmes tests que la veille avant de conclure doctement : « c’est votre Livebox qui est en panne, il faut procéder à un échange, moyennant un numéro de code ». Rendez-vous à Saulges où la nouvelle box devait être déposée en Point-Relais. Le lundi, pas d’appel pour m’inviter à aller chercher la box. Le mardi, pas d’appel pour m’inviter à aller cherche la box. Le mercredi, pas d’appel pour m’inviter à aller chercher la box. Avec à chaque fois la phrase rituelle : votre Livebox n’a « pas encore » été livrée au Point Relais. J’avais bien ma petit idée, mais encore eût-il fallu qu’elle m’écoutât au lieu de me donner des leçons de civilité à l’égard du personnel de livraison (il peut avoir terminé sa journée trop tard pour assurer la livraison, il peut s’être égaré, il peut avoir eu d’autres priorités que vous) : Saulges est un hameau minuscule et je ne voyais aucun bâtiment susceptible d’y être un point relais. N’y avait-il pas gourance ? On voit le scénario : j’attends toute la journée et, à l’heure du RV, votre Livebox est en route, mais il a dû y avoir un retard du livreur : (variante : il peut être surmené/ bourré/ perdu… En principe, le point relais devait avoir le téléphone, mais ma conseillère clientèle avait une panne informatique dans son fichier qui lui interdisait de connaître le numéro de son point relais censé centraliser (c’est un peu l’histoire de la dépanneuse Simoun censée dépanner les automobiles qui sont allées dans le décor et qui se retrouve dans le décor sous la conduite des Dupont, obligés d’appeler l’entreprise Simoun…).
Soupçonnant un problème d’analphabétisme chez ma conseillère clientèle, je lui demande alors de m’épeler le nom du bled. Bingo ! Le point-relais n’est pas à Saulges, mais à Soulgé…(à 25 km environ)… C’est l’occasion d’observer que ma conseillère clientèle est aussi nulle pour déchiffrer les nombres que pour déchiffrer les mots : elle ne sait pas restituer un nombre simple (comme 781), mais doit ânonner chiffre par chiffre sept/huit/un, ce qui rend compte de ma difficulté complémentaire à lui faire avouer sans erreur le numéro de téléphone du point relais…
On continue. La nouvelle box doit être disponible dans un grand centre commercial. Justement, j’apprends qu’à Soulgé, la nouvelle box aurait été livrée dans un centre Leclerc – Leclerc Malo. Je peine vraiment à imaginer qu’un magasin Leclerc, même petit, soit installé dans un bled comme Soulgé, mais bon : n’est-on pas à relative proximité de St Malo ? En arrivant là-bas, je découvre que « centre Leclerc » en question est un modeste bar-tabac de campagne – Le Clair Malo – mais c’est bien l’adresse point-relais que je cherchais : il n’est pas encore 7h, car je visais à éviter la cohue d’un Leclerc à l’ouverture. Or, je tombe sur une fille assez sympa, qui (moyennant le code qui m’a été donné) va fouiller dans sa réserve et revient bredouille. Devant mon air aussi consterné qu’affamé (je n’avais pas petit-déjeuné), elle retourne fouiller, mais rien n’y fait : aucun paquet pour moi et, preuve que je suis bien dans un point-relais, elle remarque que les box d’Orange sont facilement reconnaissables. Après avoir attendu l’appel de ma conseillère, je finis par me ranger à l’idée d’aller à Laval, dans une boutique Orange. Manque de pot, le Centre commercial abritant la boutique Orange est dans une périphérie insensée (Grenoux), que je ne connais même pas (j’ai passé toute ma jeunesse à Laval) et qui n’est pas sur mon GPS. Fidèle à mon habitude, après m’être arrangé avec quelqu’un qui sait manipuler Google Drive et me guider via mon téléphone de voiture, j’arrive à l’ouverture indiquée par Orange, qui est 10h et pas 9h… Je ne souhaite pas à la pire des belles-mères d’arriver une heure en avance dans une zone commerciale déserte et totalement goudronnée : comment fait-on pour pisser quand on a envie, comment fait-on pour retrouver sa voiture quand, sous l’empire du stress, on n’a pas noté le numéro de place, comment fait-on pour sortir en voiture quand la sortie n’a rien à voir avec l’entrée, comment fait-on pour sortir de l’autoroute qui marque l’entrée ? Bon, bref. Moyennant le paiement du péage, je réussis péniblement à rentrer chez moi. J’ai ma Livebox et elle est neuve.
Las ! Impossible de faire démarrer la chose : « signal Orange non détecté, vérifier les connections ». En désespoir de cause, ma conseillère ne va pas m’envoyer un banal technicien pour voir ce qui merde avec les branchements, mais va mandater un « expert »… Lequel, après une brève conversation – téléphonique une fois encore –, va décider ce que j’attends depuis le début : m’envoyer un technicien – vous savez, un de ces mecs qui, avec une pince et un tournevis, vérifient en deux temps trois mouvements que les branchements sont corrects. De fait, le lendemain à la première heure, après avoir vérifié l’adresse chez les voisins (l’adresse était ambiguë car il y a deux maisons dans mon quartier), un technicien se pointe qui met environ une minute à voir que le branchement chez moi était défectueux et à le réparer.
À quoi bon encombrer la blogosphère avec une histoire aussi personnelle et misérable ? Tout simplement parce que Karl Marx est dépassé sur un coup pareil. Aujourd’hui, le jeu n’est plus d’exploiter les gens jusqu’à la mort par famine ou par accident. Via la technologie, les patrons peuvent se passer de personnel : ceux qui souffrent, ce ne sont pas les travailleurs, ce sont les consommateurs. Sans être hypocondriaque, j’avoue que j’étais dans une telle tension nerveuse qu’à plusieurs reprises, je me suis vu péter un vaisseau : une coronaire, une artère cérébrale, un ulcère de stress… Les bouffons qui étaient sur le parking du centre commercial sont les moteurs de ce système : gamins bourrés de sucreries par des parents surpressés, adolescentes pendues aux vitrines des magasins d’habillement ou de chaussures, étals remplis de malbouffe à type de pizzas (forcément géantes), de crèmes glacées énormes,…
Moyennant des emplois d’analphabètes dont neuf sur dix sont reçus au baccalauréat (généralement avec mention), le chômage est plus ou moins contrôlé. Mais tous les désordres que je viens d’énumérer sont, fondamentalement, des failles dans les apprentissages de base : lire, compter, déchiffrer un plan, détecter des incohérences quand elles sont patentes. À quel coût ? On m’a facturé 60 € et, de fait, je pense qu’on pouvait rémunérer un bon technicien à ce prix (dix dépannages à 60 € en une demi-matinée, ça peut payer un gars). Mais au tarif d’un médecin même retraité, ça coûte beaucoup plus… Et ça rapporte encore plus aux gens comme XN ou apparentés, qui commandent par millions des Livebox en Chine et les vendent à des mecs sérieux prêts à dépenser des journée entières pour réparer l’incurie des gens qui vendent (et cher) des Livebox.