Formation con…tinue
« À votre âge, j’aurais pensé que vous étiez formée depuis longtemps » répondais-je invariablement, dans un mélange d’humour graveleux et d’inconscience sexiste qui sont chez moi comme une marque de fabrique, quand une collègue me disait qu’elle devait se plier aux exigences de la « formation continue ». Il faut dire pour expliquer ce sexisme d’ailleurs injustifiable que, professionnellement, j’ai surtout travaillé avec des femmes, majoritairement des avocates – le monde expertal, qui m’était plus naturel, m’ayant froidement exclu ou snobé avec le concours empressé, comme j’ai eu diverses occasions de le narrer, de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, etc. Faute de grives, on mange des merles, pardon : des merlettes…
Ces derniers temps justement, un procès a beaucoup occupé le landerneau des barreaux : celui du Bataclan, qui a réuni des centaines d’avocats qui tenaient à y montrer leur tronche tant il est vrai, que par les temps qui courent, il n’y a pas de plus grande gloire médiatique que d’attraper le COVID d’avoir été victime (plus précisément : d’être avocat de victime, éventuellement entre deux consultations lucratives chez les puissants de ce monde). En pratique, les membres des barreaux qui émargent sur les cotisations de leurs adhérents pour assurer la formation continue d’iceux ont organisé des sessions où ils faisaient venir un responsable du GIGN, du RAID ou l’équivalent pour leur faire vivre en live l’angoisse d’une prise d’otage : rester planqué à plat-ventre dans un soupirail quelconque, tassé à l’aveuglette avec le maximum de blaireaux jouant à l’affolement. Curieusement, on n’a pas entendu les doléances habituelles qui, en d’autres circonstances, eussent déclenché une avalanche de plaintes complaisamment hystérisées : femelle plantureuse écrasant son voisin de ses seins, mâle vicieux baladant complaisamment une trique licencieuse… Et, pour citer Chirac quand il était encore en forme : je ne parle pas des ODEURS…
Trêve de plaisanterie : je suis parfaitement sérieux et rigole à la pensée que cette formation-là, plus coûteuse que celle dispensée à la Fac de Droit ou dans les écoles d’avocats, ne garantit pas que l’heureux élu saura faire la différence entre le droit civil et le droit pénal, ni qu’il aura la moindre notion du sacro-saint principe du contradictoire. Mais il aura pu contempler de près une arme à feu, sans aucun risque : à la différence des copains d’Alec Baldwin1, les membres du GIGN savent éviter les balles perdues…