Borne encore
On l’attendait avec une certaine impatience, le nouveau premier ministre.
En bon flaubertien, j’ai une certaine horreur des calembours. Bien des commentateurs de l’actualité se sont laissé aller à ironiser sur une nomination qui « dépasse les bornes » – calembour facile à la portée du premier Laurent Gerra venu –, mais depuis l’intronisation de notre première ministresse, il en est un moins usité qui me démange et qui me démange d’autant plus qu’il finit par avoir du sens à force de nonsens. Les « born again », ce sont les évangélistes gorgés d’hypocrisie dont on a tous vu les mises en scènes dominicales dissimulant les sordides arrangements avec la morale ou, simplement, avec la décence ordinaire : abus d’argent, d’alcool, de drogues, de sexe – et, plus encore, de sexe interdit (prostitution, homosexualité…). À titre d’illustration, rappelons que ce modèle de vie morale qu’est Georges Bush se revendique « born again ».
Notre modèle français de « born again », qui brandit haut l’étendard du plein emploi et de la réduction des déficits, avait déjà un pedigree difficile à égaler (avec la RATP, la SNCF, la Sonacotra, la faillite du laboratoire familial dont elle avait hérité…) même pour un mec sans scrupule. Alors pour une femme championne de la cause des femmes… On relève comme significativement naïf d’imaginer qu’une femme, surtout une femme d’affaires, puisse avoir quelque chose de féminin…
On ne sait s’ils sont « born again » ou simplement increvables. Mais si Macron, porté par une chargée de presse mise en examen pour des choses pas propres, n’était pas passé maître dans les recettes bizarres, fussent-elles à base d’ingrédients aussi rancis qu’une boîte de raviolis (contrôlée par ses Services), qu’une épouse maquillée en partenaire irrésistible et si ses proches n’avaient pas eu les fonds pour lui mitonner un CV d’enfer accréditant une puissance intellectuelle qui lui fait si cruellement défaut, il aurait pu rester dans la tradition familiale de la mangeaille et ouvrir un restaurant.
J’ai l’idée d’une enseigne qui aurait correctement récapitulé le destin sublime de notre Jupiter :
L’art d’accommoder les vieux restes.