La libéralisation des services publics : un exemple… « éclairant »

La libéralisation des services publics : un exemple… « éclairant »

 

À la veille de l’élection présidentielle où, abstraction faite d’une question de « genre », on peine à voir le moindre différence entre les deux candidats, une récente mésaventure permet de replonger les choses dans le réel incarné.

Le mercredi 20 avril, alors que j’étais en train de travailler à mes Œuvres complètes, une panne d’électricité s’abattit sur le village qui a l’honneur de me compter parmi ses quelque 140 citoyens. Ça n’a l’air de rien, mais d’un seul coup, plus moyen d’écrire, de téléphoner, etc.

Bah ! pensais-je, ça va bientôt revenir…

Or, ça ne revient pas et on a beau être au printemps, la nuit tombe d’autant plus vite que la pleine lune est passée depuis quelque temps. Quant aux disciples écolo de Jadot, Hidalgo & Co, je les invite à venir vérifier si l’on peut vraiment lire à la lumière d’une bougie (ou de plusieurs, ça ne change pas vraiment).

En désespoir de cause, je prends ma voiture et vais au bar du bled chercher des nouvelles. Là, il y a bien attroupement des voisins, qui me confirment que ce n’est pas juste chez moi : mais personne, pas même les élus, n’a pu obtenir la moindre information sur la durée prévue de la panne. Dans l’entretemps, pas moyen de faire la cuisine pour les malheureux qui, comme moi, ont une maison qui fonctionne au tout électrique (une idée promotionnelle géniale de feu – hi ! hi ! – EDF)1. Et les gros malins qui me faisaient la leçon sur les bienfaits du gaz ne sont pas mieux lotis pour faire fonctionner leur frigo ou leur congélateur, d’autant que faute d’informations sur la durée prévisible de la panne, il vaut mieux garder les congélateurs bien calfeutrés.

À partir de ce moment, c’est le ballet des utilitaires ENEDIS, avec leur gyrophare orange. Chaque passage dans le sens de l’aller ou du retour ranime l’espoir d’un dépannage, mais en vain…

À la fin, je reprends ma voiture pour essayer d’avoir des nouvelles. Je n’en obtiens aucune, mais je constate alors que, sur la superficie du village, il y a plein de maisons normalement éclairées (on ne remarque pas ce genre de choses quand tout va bien), d’où je déduis qu’avec un minimum de savoir-faire, n’importe quel technicien doit pouvoir poser une alimentation provisoire… Mais de nos jours, grâce à Meirieu et ses disciples, il y a eu une invasion de diplômés qui ne savent rien faire hormis dire qu’ils sont diplômés.

Bizarrement, le ballet des gyrophares s’est arrêté vers 2h du matin : je mettrais mes deux mains à couper que, nonobstant les engagements contractuels de l’opérateur sur la continuité du service, les techniciens sont rentrés chez eux s’octroyer un repos bien mérité : on n’a plus vu d’utilitaire Enedis avant 10 h du matin. Peut-être une panne dans la préparation des croissants ?

Mais revenons vers 2h du matin. Cela n’a l’air de rien, mais se retrouver d’un seul coup la nuit dans une maison privée de tout éclairage expose à un certain nombre de situations inédites : ne pas de casser la gueule dans l’escalier pour aller pisser (car que faire dans le noir hormis boire un coup pour passer le temps en attendant que ça revienne : mais une vessie qui se remplit est, à la longue, plus réactive que les transformateurs d’Enedis…), ne pas pisser à côté de la cuvette quand on a localisé les chiottes, etc. Quant à se laver… Avant de comprendre qu’il s’agissait d’une panne de secteur, j’étais allé fouiller dans tous les endroits pas forcément nickel (les limites d’une maison de campagne) où étaient les divers compteurs ou fusibles : j’étais aussi dégueulasse qu’une tête de loup après un grand nettoyage de printemps.

Bon, bref : passons sur les détails… Car je n’ai pas encore raconté le plus beau : le courant a été rétabli vers 11h30 le matin. Et à partir de ce moment, Enedis s’est fendu d’une lettre pour annoncer que le courant avait été rétabli, ce dont nous étions aperçus tout seuls. Mais puisque démonstration était ainsi faite qu’Enedis pouvait nous joindre quelques minutes seulement après la réparation, on se demande – sans aucun mauvais esprit, cela va de soi – si pour le même prix, les usagers n’auraient pas pu recevoir un minimum d’informations sur la panne elle-même, ses causes, sa durée probable, etc. Voire, soyons fous, recevoir un chèque de dédommagement pour le contenu des congélateurs (parfois pleins à craquer chez les chasseurs, les jardiniers, etc.).

« Enedis vous garantit l’accès à une électricité de qualité, en ville comme ailleurs » dit un message promotionnel que l’on trouve partout. « En ville », ça m’étonnerait sur la base de mon expérience passée (quand j’habitais « en ville »). Mais « ailleurs » aussi, puisque j’habite désormais « ailleurs »…

Question subsidiaire et d’actualité : qui, de Le Pen ou Macron, va faire mieux sur les services publics ?

  1. Je ne parle pas des parents qui n’ont pas de chips en réserve pour leurs gamins