“Cas-contact”
D’une enseignante, j’ai appris hier que son fils était un « cas-contact ». Les professeurs étant des gens qui en savent suffisamment pour enseigner à ceux qui ne savent pas, je me suis trouvé tout bête et pas vraiment propre sur moi : voilà quelques décennies que je gagne ma vie (et maintenant ma retraite) comme épidémiologiste, et je n’ai pas la moindre idée de ce qu’on peut désigner comme un « cas-contact ». Et quitte à patauger dans la boue de mon incompétence, force m’est d’avouer que je ne sais pas plus ce qu’on appelle « geste-barrière ». Récemment, au cours d’un petit déplacement en voiture, je me suis avisé de chercher des WC sur le trajet de façon d’autant plus décidée que mon envie commençait à être pressante (ça arrive même sans avoir de problème prostatique…). Durant tout le trajet, j’ai erré sans pouvoir me soulager tellement les chiottes étaient dégueulasses. Or, toutes sans exception arboraient les affiches vantant la nécessité des gestes-barrières – parfois sous peine de représailles policières.
À dire vrai, je crains que personne ne sache vraiment ce qu’est un « cas-contact » ou un « geste barrière ». Mais tout le monde en parle : parler sans savoir, c’est un peu comme vanter les bénéfices du sexe en étant vierge… Ce que véhiculent ces slogans, ce ne sont pas de réalités observables, mais des mots : comme vanter l’esprit de décision ou le CV vertigineux du Président (ou l’inaltérable jeunesse de son épouse, ou encore l’érudition historique et archéologique de Stéphane Bern).
Il est évident que l’enseignante qui déplore avoir un cas-contact comme fils attend de la compassion, au minimum, et serait bien déçue si on traitait sa plainte comme une nouvelle dérisoire et non significative. On ne sait pas ce qu’est un cas-contact, mais on sait que c’est sérieux, et qu’il ne faut pas rigoler avec ça. Voilà le prodige : cela fait deux ans qu’ont attend la moindre manifestation sérieuse de la PANdémie, mais tout le monde est au courant que c’est grave1.
Car des problèmes graves, sanitaires ou pas, il y en a plein : le chômage, la précarité, la dépolitisation, la nullité du personnel politique ou des journalistes, le raccourcissement de l’espérance de vie en bonne santé, la malbouffe, la pollution, le niveau de réflexion de Marlène Schiappa… Mais on n’en parle pas, ou quasiment pas.
« Le covid, vous dis-je », pour pasticher l’excellent Molière (dont il apparaît rétrospectivement que, le plus probablement, il souffrait du covid…).
Mis en ligne le 13/12/21, ce post a suscité le jour même la réaction suivant d’une consoeur anesthésiste.
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