Médicalisation et guerre des sexes
RÉSUMÉ
La promotion du genre n’apparaît ni par hasard, ni à partir de rien, mais dans la filiation directe d’une tétralogie mythique développée par le féminisme : i) assimilation du « patriarcat » à un monopole mâle de la violence ; ii) déploration unilatérale (dénoncée par A. Corbin comme « dolorisme ») sur la misère présumée de nos aïeules, sexuelle en particulier ; iii) célébration unanime de la pilule comme « libération » décisive ; iv) accès au monde du « travail » comme geste ultime de « l’émancipation » féminine. À partir de là, quoi d’irremplaçable dans la distinction mâle/femelle ?
Or, les belles histoires du féminisme résistent mal à l’examen critique (historique, notamment), tout en évacuant quelques questions sacrilèges, dont celle-ci : pourquoi la « libération » des femmes (la contraception médicalisée…) ainsi que les principaux fantasmes des promoteurs du genre (changement de sexe, PMA…) présupposent-ils une soumission absolue à l’endroit du complexe médico-pharmaceutique – dont la contribution au capitalisme sauvage ne peut être sérieusement niée et dont la criminelle brutalité est de plus en plus notoire ?
Il faut donc reprendre à sa racine le problème de la sexuation, et commencer par se demander si la violence a un sexe – sous réserve, bien entendu, de ne pas se focaliser sur les formes spécifiques de la brutalité masculine… Sur ce chemin, on en arrive vite à s’interroger sur la place de la pulsion dans ce perçu fallacieusement différentiel de la domination.
À ce stade de la réflexion, on est conduit à constater qu’historiquement, les deux grands piliers de notre civilisation (le catholicisme d’une part, l’esprit des Lumières d’autre part) ont, chacun à sa façon, puissamment contribué à l’occultation des difficultés posées par une gestion humaine de la pulsion. Par leur horreur viscérale du féminin, en particulier, les médecins (qui aiment tellement à déguiser la pauvreté de leurs fantasmes sous les oripeaux de la Science) ont très puissamment collaboré avec les religieux les plus réactionnaires pour attiser la guerre des sexes : à ceci près que si l’intégrisme catholique a pris des coups sévères dans la modernité, la médecine – elle – ne s’est jamais aussi bien portée (grâce notamment au soutien irresponsable des féministes les plus caricaturalement misogynes). Ainsi, il se pourrait que les catholiques conservateurs n’aient pas le monopole du puritanisme, que la « théorie » des genres s’inscrive dans la continuité d’une horreur séculaire à l’endroit d’une pulsion qui impose de conjoindre l’épreuve de l’ouverture et celle de la pénétration, et qu’elle réactive l’espoir alternatif qu’advienne enfin « le monde rêvé des anges » (B. Levet).
« L’anatomie, c’est le destin », disait Freud : il ne sert à rien de s’opposer frontalement à ceux qui sont assez fâchés avec le Réel pour ne pas craindre de défier ce destin, sans la moindre conscience de l’indigence intellectuelle qui sous-tend cette hubris. Il me paraît plus utile de proposer des concepts à ceux qui, tout en ayant gardé suffisamment de décence ordinaire pour s’effarer d’une telle démesure, peinent à trouver les mots pour le dire…
(En P.J., le texte complet de la conférence [35 pages])
Marc Girard
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