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La médecine est-elle violente envers les femmes ?

lundi 3 novembre 2014 par Marc Girard

Au mois de juillet 2014, j’avais été contacté par une journaliste de la revue Nexus sur "le bien-être des patientes en gynécologie-obstétrique". J’avais conditionné ma participation à l’enquête au fait que mon interview se ferait exclusivement par écrit et qu’aucune retouche ne serait apportée à mon propos, après évidemment m’être engagé à respecter le volume qui me serait fixé en nombre de caractères (soit 4500 signes).

Si j’ai tenu scrupuleusement mes engagements, le résultat qui vient d’être publié n’a qu’un lointain rapport avec l’interview sur laquelle la journaliste et moi nous étions entendus : disons même qu’il n’a rien à voir.

Je crois donc utile de communiquer à mes visiteurs le texte original et intégral de cette interview apparemment impubliable quoique dûment sollicitée...

Q. Tout d’abord comment dois-je vous présenter (étant donné vos nombreuses fonctions) ?

Mathématicien de formation, devenu médecin, spécialiste de iatrogénie (effets indésirables des traitements médicaux) ; également psychothérapeute freudien.

Q. Votre livre La brutalisation du corps féminin dans la médecine moderne paru en janvier 2013 cherche à comprendre comment la médecine à travers son histoire a été emmenée à “brutaliser le corps féminin”. Quel déclic vous a conduit à écrire sur le sujet ?

C’était l’époque du grand bordel idéologique post-mai 1968, avec la naissance d’une « écologie » d’inspiration nettement consumériste. D’un point de vue logique, je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait faire tant de foin avec le veau aux hormones tout en considérant que « la liberté » des femmes passait par leur imprégnation à des doses bien supérieures. D’un point de vue psychologique, je peinais à admettre que quand un homme désirait une femme, son assouvissement exigeait désormais que, pour cause de prescription contraceptive, il concède à un tiers une sorte de « droit de cuissage » relativement aux principaux privilèges qu’il sollicitait : la dénudation de l’Aimée d’une part, l’accès à son vagin d’autre part… Ça, ce fut le « déclic » – et il fut précoce : il a fallu ensuite attendre près de quarante ans pour me sentir enfin capable d’exprimer des choses aussi intimes – et aussi intenses – d’une façon assez impersonnelle pour que les autres y ancrent quelque chose de leur propre expérience.

Q. Vous mettez en avant la multiplication pour les femmes d’examens médicaux tout au long de la vie (traitements aux hormones, contraceptifs, épisiotomie, mammographie, etc.) que vous qualifiez de “débauche d’activisme aussi inutile que nuisible” et qui n’ont pas d’équivalent chez l’homme. D’après vos recherches pourquoi la femme est-elle considérée différemment de l’homme en médecine ?

C’est la thèse principale de mon livre (et elle semble suffisamment indisposer des historiennes « féministes » pour que j’aie quelques raisons de penser avoir tapé à l’endroit sensible) : la médecine occidentale est fondamentalement misogyne, et la situation actuelle s’est nouée au moment de la Contre-Réforme (à partir de 1560) quand les médecins ont associé leurs forces avec celles d’une autre instance radicalement misogyne elle aussi, l’Église catholique.

Q. Dans ce livre, vous divisez en trois domaines la brutalisation du corps féminin par la médecine moderne : accouchement, contraception, mammographie. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont ces brutalités ?

Pour des raisons de lisibilité, il faut souvent se restreindre quand on écrit un livre ; mais comme je l’ai évoqué dans ma 4e de couverture, j’aurais pu aborder bien d’autres domaines, à commencer par les traitements de la ménopause, ou les vaccinations spécifiquement conçues pour les femmes (rubéole, Gardasil…). Pour l’essentiel, la brutalité médicale consiste à rationaliser la peur viscérale (et non réciproque, notez-le) de l’homme à l’endroit des femmes en déclinant sous tous les prétextes l’imperfection constitutive de leur corps et la nécessité de le rectifier, fût-ce au prix de cruelles mutilations : environ un tiers des contemporaines finissent leur vie sans utérus, on a fini par croire que les femmes ne savaient pas accoucher sans les médecins, tandis que, objet quasi éternel de séduction, le sein est juste devenu un tissu précancéreux justiciable des sévices les plus inimaginables. Il va de soi que la féminisation de la profession n’est en rien un antidote contre une misogynie aussi formidable.

Q. Hormis une légère gronde des femmes sur Internet, le grand public et les médias ne parlent que très rarement de “violences médicales” ordinaires sur les femmes. Pour quelles raisons à votre avis ?

Les féministes, qui n’ont rien à envier aux médecins en matière de misogynie et qui sont promptes à accuser leurs critiques de leur faire un procès en frigidité, ont réussi à crédibiliser un dénigrement d’une toute autre ampleur : à savoir qu’avant l’apparition de la pilule, toutes les femmes de tous les pays étaient plus ou moins des « mal baisées », évidemment privées de tout accès à la jouissance. Je n’ai pas eu besoin de me fatiguer pour illustrer cette mystification immensément risible par d’inconcevables citations. Bien entendu, les forces obscures de la médicalisation (et des industries de santé) surfent sur cette idéologie primaire, mais efficace, pour faire avancer leurs petites affaires.

Q. Vous avez autoédité ce livre, pourquoi ce choix ?

Il est impossible de concilier le constat d’une misogynie médicale inhérente avec le mythe d’une « libération » liée à la médicalisation du corps féminin. Numériquement et sociologiquement, les féministes sont une infime minorité, mais – pour des raisons qui nous emmèneraient trop loin – leurs thèses bénéficient aujourd’hui d’un écho disproportionné, et je viens de vous en donner un exemple éloquent. Hormis une petite frange de réactionnaires plus ou moins « traditionalistes » (qui se sont d’ailleurs précipités sur mon livre avant de se rendre compte qu’il ne leur convenait pas trop, finalement…), les gens sont tétanisés à l’idée de contrer la propagande féministe malgré son indigence voyante. C’est une tâche suffisamment harassante d’écrire un livre, et sur un tel sujet de plus ; je n’avais pas d’énergie pour négocier mot à mot avec les idiots utiles – mâles en particulier – de la cause féministe, sachant de plus que cela n’aurait servi à rien. En m’autoéditant (alors que j’avais déjà une expérience assez éprouvée de l’édition « normale »), j’ai fait un choix à la fois pratique et éminemment politique.


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