Quand les associations jouent à l’expertise : l’exemple du REVAHB

RÉSUMÉ – Après avoir, dans un précédent article, mis au jour les stratégies d’alliances contre-nature adoptées par une association comme le REVAHB, on en vient désormais à sa revendication de se voir reconnaître comme « l’acteur essentiel » du débat posé par la vaccination contre l’hépatite B, et à sa prétention d’opérer comme instance d’expertise tout aussi bien médico-scientifique que juridique. Sur la base d’anecdotes vécues, mais qui dépassent la fiction, on est bien obligé de constater que le REVAHB n’est simplement pas à sa place quand il s’obstine dans cette voie. On en est donc réduit à s’interroger sur les bénéfices secondaires d’une telle usurpation: qui profite de qui ou de quoi ? On n’en comprend que mieux la vraie nature de la « démocratie sanitaire » promue par Kouchner: traquenard à destination des victimes (les vraies…), ainsi invitées à se regrouper derrière des “associations” qui fonctionnent, en réalité, comme de redoutables éteignoirs.

Introduction : l’incompétence affichée

Comme dans le premier article de cette série consacrée aux associations, on peut repartir ici du communiqué intitulé en toute humilité « Rétablissons la vérité », et diffusé par le REVAHB après l’indemnisation record d’une infirmière ayant contracté une sclérose en plaques post-vaccinale.

Ce qu’il y a de remarquable, avec ce communiqué, c’est que malgré sa peu cartésienne assertivité, n’importe quel lecteur tant soit peu au fait du problème posé y trouve une erreur ou une méconnaissance grave à quasiment chaque ligne : nous en avons déjà fourni quelques exemples lors de notre précédent article. Dans l’énumération qui suit, on s’en tiendra au plus important.

  • L’obstination du REVAHB à réduire drastiquement l’indemnisation accordée atteste une bien superficielle appréciation d’un problème médico-légal pourtant central en expertise, à savoir les besoins en tierce personne, dont l’évaluation se fait selon deux axes principaux : i) durée de l’assistance nécessaire ; ii) prix horaire de la personne employée1. Pour une association se targuant de « recueillir quotidiennement les témoignages » des victimes qu’elle prétend « défendre », ça fait un peu ballot d’ignorer une telle problématique, pourtant au cœur de leur vécu et du processus de réparation individuelle.
  • Ballot également, pour une association de « défense »2, de zapper sur environ 600 000 € d’intérêts de retard, conséquence malheureusement classique de la terrible lenteur des juridictions françaises – en général, et plus encore dès que l’affaire concerne la vaccination contre l’hépatite B.
  • Ballot de poser un distinguo incongru entre le travail attribué aux juges (« reconnaître le lien de causalité ») et celui de la victime (« faire la preuve de la défectuosité du produit ») : i) en droit civil, c’est à la victime d’apporter la preuve de la défectuosité ET de la causalité ; ii) dans l’ordre d’exposition, la démonstration d’un défaut PRÉCÈDE celle de la causalité, et la seconde étant indissociablement intriquée dans la première (lien entre le défaut et le dommage)3.
  • Ballot d’insinuer, d’ailleurs de façon très confuse, que la démonstration d’un défaut découlerait d’un « consensus » scientifique fondé sur des « études scientifiques » : i) quelle problématique technico-scientifique fait aujourd’hui l’objet d’un « consensus » ? La démonstration scientifique tient-elle du référendum ? ii) dans la mesure où tous les médicaments ont des effets indésirables, en quoi une étude « scientifique » attestant l’existence tel ou tel effet indésirable serait-elle constitutive d’un « défaut » au sens juridique du terme ?4.
  • Ballot de s’abriter derrière les estimations de l’administration sanitaire (qui ont d’ailleurs spectaculairement fluctué au cours du temps) pour accréditer qu’en pharmacovigilance, le taux de sous-notification serait de l’ordre de 2,5-3 (il est massivement supérieur5).
  • Ballot enfin, et jusqu’à l’absurde, de confirmer en une ligne et demie seulement (« malgré 3 études épidémiologiques indépendantes qui ont conclu à une augmentation significative des risques de SEP après cette vaccination ») une incompréhension radicale et multidimensionnelle des nombreux problèmes posés par les études sur le sujet, incluant notamment la méthodologie adoptée, la réinterprétation a posteriori de résultats significatifs comme « fortuits »6, ainsi que « l’indépendance » du financement : il faut toute l’ingénuité bornée d’une association trop honorée de collaborer avec « les grands professeurs » de l’administration pour considérer comme « indépendant » un financement assuré par l’AFSSAPS (l’ancêtre de l’ANSM), par la DGS ou par l’ANRS

Malgré cette démonstration édifiante d’incompétence tant juridique que scientifique, malgré la superficialité consternante présidant à l’analyse qui sous-tend ce communiqué, on va voir que, fidèle à son fantasme d’être « l’acteur essentiel de la reconnaissance des effets secondaires graves liés à cette vaccination » 7, le REVAHB ne cesse de se poser comme une instance d’expertise en matière de médecine et de droit : c’est l’objet de ce second article.

Juste afin de détendre un peu l’atmosphère, on va commencer par la narration d’une histoire vécue dont le lecteur m’accordera que, malgré son incongruité, elle ne peut pas avoir été inventée : surtout avec les associations de victimes ou de patients, la réalité dépasse parfois la fiction…

L’expertise façon yéti

Nous sommes probablement vers la fin de l’année 2007, et il est environ 8h00 du matin. À cette heure – qu’il me soit permis d’en faire l’aveu –, je suis là où même les rois (a fortiori le brave Dr Girard) vont à pied… Indice de ma dinguerie surmenée en cette époque : j’ai apporté mon combiné téléphonique sans fil. Justement, ça sonne…

Les jours d’avant, scandalisé par la médiatisation honteuse de la première étude française concernant la tolérance chez l’enfant des vaccins contre l’hépatite B8 (et concluant, évidemment, qu’il y avait zéro problème)9, j’ai rédigé en français, puis diffusé une analyse très critique de cette étude. Quoique une rédaction parallèle en anglais attestât mon souhait de porter le débat à l’international10, je m’en étais néanmoins tenu à ma position habituelle de « désintéressement » consistant à d’abord rendre publique ma contribution via Internet, quitte à compromettre ensuite mes chances de la voir acceptée par une revue de bonne diffusion11.

D’emblée et sur le ton du gars qui imagine que son autorité va de soi, mon correspondant se présente comme « ingénieur à la retraite et vice-président du REVAHB ». Dans sa classique Histoire de la guerre d’Espagne12, Hugh Thomas évoque l’un des chefs du contingent italien expédié là-bas et qui, de façon pavlovienne, se mettait (et restait…) au garde-à-vous dès qu’il avait Mussolini au téléphone, à 2000 km de là : je perçois vaguement que c’est le type de réaction auquel mon interlocuteur s’attend tout naturellement, mais comme le lecteur intuitif l’a bien compris, je ne suis pas – à ce moment – en situation de claquer les talons…

Sur ce même ton qui n’admet pas de réplique, mon interlocuteur me demande si j’ai déjà soumis pour publication le texte que j’ai diffusé peu avant. Dans sa naïve spontanéité (« Ben oui »), ma réponse déclenche un hurlement aussi terrible que lugubre, que je ne suis pas prêt d’oublier :

« MEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERDE !!!!! »

Depuis bientôt dix ans que je réfléchis au jour13 où je me déciderai à raconter publiquement cette histoire, je ne suis toujours pas certain d’avoir trouvé l’image de nature à représenter le mélange de fureur et d’accablement qui donnait à cette exclamation son exceptionnelle tonalité.

  • L’Abominable Homme des Neiges se coinçant le zob dans la fermeture-éclair d’un sac de couchage abandonné par un sherpa après une avalanche ?
  • Le patron d’une entreprise de démolition apprenant que le bâtiment de 28 étages que ses employés viennent de faire sauter avec succès n’était pas celui prévu par le contrat, mais un immeuble flambant neuf, réceptionné six mois auparavant, et habité par de nombreuses familles avec plein de jeunes enfants ?
  • La belle-mère ayant laissé carboniser des œufs durs – encore dans leur coquille – après avoir humilié sa bru en prétendant lui apprendre à faire la cuisine ?

Un truc horrible, en tout cas14

Sans transition, le gars se lance alors dans une diatribe aussi logorrhéique qu’incoercible, à laquelle je ne comprends RIEN hormis que j’ai tout mal fait au lieu d’attendre humblement sa propre contribution dont l’apport, a priori décisif, risque désormais d’être amoindri par mon initiative imbécile : bref, c’est du « casse-toi pauv’con » rétrospectif15

Ayant naturellement plus tendance à écouter qu’à la ramener, j’ai entendu pas mal de choses incongrues dans ma vie16, mais cette fois, la scène est proprement irréelle. Voilà un type que je ne connais « ni des lèvres, ni des dents » (pour parler comme F. Raynaud), qui n’a aucune compétence médico-pharmaceutique ni, manifestement, la moindre connaissance sérieuse du dossier de la vaccination contre l’hépatite B17 sur lequel, et depuis des années, j’ai épuisé mes jours, mes nuits, mes week-ends et mes vacances et qui, sans que je lui aie rien demandé, prétend se poser avec moi en patron de fac, allant jusqu’à m’interdire de remettre ma copie tant qu’il ne m’aura pas fourni de modèle !

Ayant quand même récupéré un minimum de souffle, je parviens à émettre quelques borborygmes de protestation accablée. Tant que la Providence me préservera des désordres cognitifs liés à la sénescence, je garderai dans la mémoire de mon oreille la vibration de jubilation condescendante avec lequel le « vice-président » me rétorque du tac au tac :

« Je ne veux pas vous écraser de mon savoir ! »

Je raccrochai.

Depuis lors – est-il besoin de le préciser ? – j’attends toujours cette contribution transcendante du REVAHB qui allait imposer le tonnerre divin de la Science et renvoyer à leur insondable nullité les promoteurs de la vaccination contre l’hépatite B. Quant à ma propre contribution, elle a d’autant moins eu besoin d’évoluer que sur l’essentiel, et bien avant la réalisation des études en question, j’avais déjà clairement anticipé leur nullité méthodologique (c’est le privilège de l’expérience que de connaître son monde…), allant jusqu’à mettre en garde le juge d’instruction contre ce qui serait un nouvel indicateur d’une volonté de tromper, à savoir prendre le carnet de vaccination comme indicateur d’exposition au vaccin quand il suffit de se rappeler la gabegie organisationnelle consternante18 qui avait présidé à la campagne vaccinale pour en apprécier l’évidente inadéquation : depuis quand les gamins vont-ils à l’école avec leur carnet de santé dans leur cartable19 ? Et si l’instruction n’a pas avancé sur ce scandale dans le scandale, à qui s’en prendre sinon aux parties civiles dont fait partie le REVAHB, maintenant que je n’y ai plus aucune responsabilité ?

Expertise victimaire

Pour incongruissime qu’elle paraisse, cette anecdote n’est malheureusement qu’un épisode parmi bien d’autres dans une histoire de presque 20 ans où, depuis son origine, le REVAHB s’est promu sans complexe comme une instance d’expertise, qu’il s’agisse d’expertise interne – des membres tels que mon « ingénieur à la retraite » revendiquant hautement je ne dis pas une place, mais bel et bien un leadership dans le débat médico-scientifique – ou d’expertise externe, les dirigeants du REVAHB prétendant disposer de la discrimination nécessaire pour désigner, et sur un ton qui n’admet pas de réplique, des personnalités extérieures à l’association qu’ils promeuvent comme incontournables dans ledit débat : on a déjà longuement analysé le cas Bégaud, dont le REVAHB ne craint pas de proclamer urbi et orbi qu’il « a parfaitement raison ». On verra dans un deuxième temps qu’à cette prétention de « dire la Science » s’ajoute une prétention de « dire le Droit », l’expertise naturelle de l’association s’étendant, cela va de soi, aux questions d’ordre juridique, fussent-elles complexes.

Expertise et sodomie

Lorsque, dans le cadre de mes mandats publics d’alors, j’avais eu à rencontrer pour la première fois des membres du REVAHB, ceux-ci m’avaient assuré avec une inébranlable conviction qu’ils s’étaient attachés, en interne, les services d’un « expert en pharmacovigilance ». Cela m’étonnait un peu car, connaissant bien le milieu (qu’il s’agisse pharmacovigilance administrative ou industrielle), je peinais à repérer le collègue prêt à se compromettre dans une affaire aussi manifestement explosive20 ; de plus, analysant celle-ci comme confirmatrice (à l’instar de bien d’autres) de l’évidente incompétence de cette pharmacovigilance française mise en place autour d’une fine équipe choisie par Dangoumau21, je n’en voyais pas beaucoup susceptibles de posséder le minimum de connaissances technico-réglementaires nécessaire22 pour clarifier les enjeux. N’importe : dans son omnicompétence de droit divin, le REVAHB – lui – voyait. L’identité de l’intéressé révélée, je n’eus aucune peine à vérifier qu’il était inconnu au bataillon, dépourvu du moindre titre ou travail susceptible de crédibiliser son savoir-faire en pareille matière, et auteur manifestement laborieux quoique rémunéré de quelques « expertises » privées dont je n’ai pas la notion qu’elles aient jamais capté la moindre attention des magistrats. Aux dernières nouvelles, l’intéressé fait une belle carrière dans les médecines « alternatives », gagnant quelque argent, si j’en crois Internet, dans le commerce de compléments alimentaires et autres fariboles.

Le second « expert » adoubé par le REVAHB fut celui dont j’ai parlé dans mon précédent article : homéopathe ne craignant pas de facturer à ses adhérents des « expertises » sur une affaire à propos de laquelle il n’avait jamais envisagé qu’on pût tirer quelque inspiration que ce soit de la littérature internationale (à l’époque, il y avait déjà des centaines d’articles sur le sujet). Des informations qui me sont parvenues (mais que je n’ai pas pris la peine de vérifier personnellement), il semble avoir ultérieurement tenté de monnayer, toujours auprès de ses adhérents, l’importation d’une eau formidablement médicinale en provenance du Canada…

J’avoue ne pas surveiller de près les engagements libidinaux du REVAHB ou de ses dirigeants. Le troisième « expert » interne dont j’ai eu connaissance (il y en a peut-être eu d’autres) se trouve être le yéti qui a introduit au présent article. Malgré son savoir « écrasant », on n’a pas l’impression qu’il ait fait énormément avancer la cause des victimes après son élection à la vice-présidence.

Plus récemment, le REVAHB s’est entiché d’un nouvel « expert » qui se présente (et se trouve promu en interne) par l’association comme « mathématicien, ancien chercheur au CNRS ». J’en ai eu connaissance la première fois à propos d’un article où il dénonçait comme évidemment fallacieuse la façon dont j’avais présenté l’étude de Zipp et coll.23 dont il n’avait manifestement aucune connaissance sérieuse: il ne s’était même pas rendu compte que le risque relatif donné en 2e ligne du Tableau 2 était grossièrement faux (1,20 au lieu de 2,25) et, de façon plus basique encore, ne s’était jamais demandé pourquoi, avec une maladie comme la sclérose en plaques qui (au moins avant la vaccination…) n’était pas réputée pédiatrique, la population incluse par Zipp et coll. comportait pas moins de… 65% d’enfants de moins de 15 ans !! Semblable incompétence est fort révélatrice quant à la vulnérabilité du REVAHB au baratin pseudo-scientifique qui en impose aux ignares. De mon côté (on a quand même quelques procédures de vérification…), il ne me fallut pas longtemps pour apprendre qu’intervenant toujours du haut de sa compétence présumée en mathématiques (la « Reine des sciences »…) quoique incapable, apparemment, de justifier tant de ses travaux que de la façon dont il gagnait sa vie, il avait fini par lasser même les moins exigeantes des associations anti-vaccinales ; depuis, il semble passer l’essentiel de son temps à hanter les forums où, à l’instar de l’association qui a fini par le recueillir, il s’applique à s’accréditer comme « acteur essentiel » dans un débat où son incompétence est attestée par chacune de ses interventions. Ayant manifestement mal digéré un article pourtant ancien où j’avais balayé comme insignifiantes les objections qu’il m’avait adressées, il me poursuit depuis ce temps d’une alternance ambivalente de dénigrements mis en ligne sur les forums où il s’immisce avec un ravissement de Cousin Pons et d’innombrables messages personnels clairement destinés à accréditer un débat entre collègues, et auxquels je n’ai jamais répondu qu’exceptionnellement, quand il allait trop loin dans le débile. Récemment alerté par des lecteurs fidèles de médisances à mon sujet, diffusées sur le forum d’un site ami et auxquelles il s’était joint avec une délectation réflexe, je finis par lui dire qu’il n’était pas dans mes habitudes de débattre avec des « bouffons » incapables, comme lui, de justifier à quel titre ils se croyaient autorisés à envahir l’espace public de leurs divagations. Manifestement exaspéré de se voir une fois encore renvoyé dans les cordes de son illégitimité sur les problèmes de l’espèce, il se fendit d’une réponse qui vaut bien, en pesant de moutarde, celle du yéti qu’on a évoqué plus haut. Bon gré mal gré, j’avais participé à une lointaine manifestation de charité organisée par des victimes du vaccin, d’ailleurs complètement ratée, et lui aussi – mais le lendemain, de telle sorte que ni lui ni moi n’avions participé au moindre débat commun (que j’aurais refusé, de toute façon). En soi, cette simple coïncidence faisait un peu jeune pour accréditer un minimum de collégialité entre lui et moi, mais il avait gardé pour la fin l’argument massue destiné à crédibiliser qu’il était, lui aussi, un « acteur essentiel » du débat sur la vaccination contre l’hépatite B :

« Je peux même ajouter, petit détail amusant, que nous avons l’un et l’autre, Marc Girard et moi, dormi chez Lucienne, dans le même lit à 24 heures d’intervalle. »

On admettra qu’avoir « dormi dans le même lit à 24 heures d’intervalle » est un indicateur effectivement confondant d’une communauté d’engagements et de compétences…

S’il faut conclure en freudien cette anecdote aussi époustouflante, dans son genre, que celle de mon yéti, qu’il me soit permis de faire l’hypothèse qu’un tel excès d’attention à des questions de lit doit renvoyer à la volupté morbide avec laquelle les responsables d’associations aiment à se faire b*** par les responsables de l’administration sanitaire…

La mouche du coche associatif

À côté des intervenants évoqués plus haut qui fondent la prétention du REVAHB à être « l’acteur essentiel » de la reconnaissance des victimes24), il faut aussi compter avec les responsables qui, sans nécessairement se présenter explicitement comme « experts » 25, tranchent péremptoirement de tout au nom d’une omnicompétence qui appelle d’autant moins de justification qu’elle est inhérente au statut de victime.

Cette omnicompétence péremptoire et brouillonne se traduit notamment par une profusion d’emails censés répertorier des informations annoncées comme « tout à fait intéressantes », même si elles sont débiles, sans rapport ou interprétées à contresens, de documents « révélateurs » le plus souvent indigents mais qu’il convient de « lire absolument et très attentivement », de conseils de lecture exprimés sur le mode télégraphique-qui-n’admet-pas-de-réplique (« voir pièce jointe » ; « ouvrez la PJ »), voire d’injonctions qui n’eussent point dépareillé dans le corps expéditionnaire italien envoyé en Espagne dans les conditions que l’on a évoquées plus haut : « urgent, intervenez ! », « il faudrait faire vite »…

Comme, à l’instar de Madame Bovary, « il faut tout faire soi-même », ces responsables du REVAHB ne dédaignent pas non plus de s’entremettre pour enjoindre à diverses personnalités extérieures de bouger leur cul, comme on dit quand on est pressé – surtout « pour la bonne cause»… Je me suis vu ainsi prescrire de me mettre en rapport avec M. Hernan sur la question des scléroses latérales amyotrophiques (SLA), avec entre autres une mission de base clairement balisée : « a-t-il au minimum en mains la courbe de la CNAM ? » (c’est moi qui souligne). Sachant que : i) à ma connaissance, Hernan ne travaille pas sur les SLA ; ii) il faudrait n’avoir aucune peur du ridicule pour communiquer à un membre aussi éminent de l’équipe de Boston des données aussi notoirement merdiques que celles de la CNAM ; iii) à la différence des hystériques du REVAHB, Hernan n’a aucun engagement personnel dans la problématique de la vaccination contre l’hépatite B, ayant cosigné, à deux ans d’intervalle et avec une parfaite équanimité, deux études d’interprétation strictement antagoniste l’une de l’autre26; iv) jusqu’à plus ample informé, je prends contact avec qui je veux et sur les sujets qui m’intéressent moi, pas sur ceux présentées comme absolument prioritaires27 par les « empressés » du REVAHB qui, n’ayant rien compris à rien, « s’introduisent dans les affaires [et] font partout les nécessaires », alors que « partout importuns, [ils] devraient être chassés »28

Dans l’ordre des citations désopilantes que je dois au REVAHB et dont j’ai déjà présenté un petit échantillonnage, me revient la dédicace d’un livre écrit par une de ses responsables – si l’on peut appeler “livre” un ensemble relié de pages imprimées vides de tout contenu tant soit peu significatif – et consacré à la santé publique.

« Avec tous mes remerciements [au professeur] (…) Bernard Bégaud (…) ainsi qu’[au docteur] (…) Marc Girard (…) »

Réalisé dès 1983, mon premier travail de pharmacovigilance était déjà une critique sévère de la pharmacovigilance officielle2930 dont, élève de Dangoumau, B. Bégaud allait bientôt devenir l’un des plus éminents représentants. Par la suite, que ce soit dans mon travail de consultant (notamment sur l’affaire des anorexigènes) ou d’expert judiciaire (notamment sur l’affaire de la vaccination contre l’hépatite B), je n’ai fait que détailler sur pièces les conséquences désastreuses, mais attendues, de cette pharmacovigilance-là. Dès lors, nous associer dans une dédicace commune, c’était à peu près aussi intelligent que dédier simultanément à Charles de Gaulle et à Philippe Pétain un bouquin vantant leur action durant l’occupation : les associations ont les intellectuel(le)s qu’elles peuvent…

Dire le Droit

Je serai plus bref sur cet aspect qui ne relève pas de ma compétence et qui enflamme nettement moins l’imagination des cadres du REVAHB que la neurologie, les maladies auto-immunes, le « syndrome de Gougerot-Sjögren » (quel pied de pouvoir lancer ça doctement à la tête du premier venu, surtout quand on n’y connaît rien : ça vous pose dans l’ordre d’une interdisciplinarité maîtrisée…), les études épidémiologiques, la méthode capture-recapture, la sous-notification, l’imputabilité, les statistiques… On a de toute façon déjà eu l’occasion d’examiner divers exemples de la remarquable incompétence juridique du REVAHB, notamment en introduction du présent article.

Ce qui frappe, c’est que par rapport à ce deuxième volet inhérent au problème médico-légal soulevé par l’espèce, les vices du REVAHB sont exactement les mêmes que ceux déjà inventoriés dans la gestion des questions médico-scientifiques. Même incompétence crasse recouverte d’une prétention à l’omniscience, même assertivité dans le commentaire de décisions de justice qui dépassent clairement la compréhension des responsables de l’association, même obstination dans l’erreur, même arrogance dans la sélection des « experts » supposés incontournables (certains le plus probablement psychotiques) et qui doivent être auditionnés de toute urgence par la justice, même propension aux alliances douteuses et même jouissance morbide en réaction aux abus pourtant cruels des autorités judiciaires : du moment qu’on les traite comme « l’acteur essentiel»31… La « reconnaissance », au fond, c’est la vaseline des associations de victimes, sauf qu’elle est à la seule disposition des responsables : pour les autres (ceux à qui on ne demande rien d’autre que de payer leur cotisation), ça fait toujours aussi mal – et même de plus en plus à mesure que le temps passe…

Un seul exemple, encore : l’obséquiosité gluante avec laquelle le REVAHB a régulièrement rendu hommage au juge du Pôle santé, quand l’association avait tous les éléments (incluant les précédents inquiétants de ce même juge32) pour dénoncer le blocage l’instruction sur la vaccination contre l’hépatite B et que, de toute façon, le non-lieu qui a récemment conclu l’instruction ouverte parallèlement sur les « myofasciites à macrophages » a confirmé mon analyse de toujours, à savoir que l’ouverture d’une seconde instruction autour de cette entité pathologique fallacieuse, saluée comme une « victoire » par tous les jobards, visait exclusivement à élaguer un nombre déjà significatif de vraies victimes du vaccin contre l’hépatite B, première étape d’un abandon généralisé et parfaitement prévu de toute poursuite dans ce scandale d’État.

Des communiqués atterrants du REVAHB, on reconstitue que sa seule initiative notable dans le cadre de l’instruction a été… d’imperturbablement communiquer au juge les décisions de justice parvenues à la connaissance de l’association dans des procédures civiles, administratives ou de sécurité sociale, c’est-à-dire dans des affaires où les références légales et jurisprudentielles n’ont absolument rien à voir avec celles du pénal. Outre cette incongruité33, on admettra qu’il faut à une association une naïveté qui confine la stupidité pour imaginer que ce serait son rôle de profane d’assurer une veille jurisprudentielle au bénéfice d’un juge paraît-il éminent…

Reste que si, épuisées et ruinées qu’elles se trouvent par la maladie, les victimes vont rarement vers les associations pour se faire dire la Science, elles sont – cela va de soi – ardemment en demande de recommandations, voire de soutien, sur les démarches à entreprendre et les personnes à contacter pour se lancer dans la réparation de leur dommage. Dès lors, ces victimes sont clairement mal barrées avec une association qui présente comme « discrimination » les différences inhérentes à la voie procédurale choisie, qui se plie aux diktats de leurs adversaires les plus naturels34, qui les manipule pour leur dissimuler les conséquences financières parfois cruelles de sa duplicité, qui dépense une énergie inépuisable à promouvoir médiatiquement le principal concepteur de l’argumentation plus que douteuse où les magistrats vont puiser pour ruiner tout espoir de réparation, et dont les conseils juridiques sont plus concernés par la mise hors-jeu de leurs confrères les plus performants que par la moindre demande d’acte tant soit peu stratégique ou par la moindre initiative procédurale tant soit peu inspirée.

L’expertise victimaire à l’œuvre

Dans les lignes qui précèdent, on s’est surtout attaché à décrire le mode opératoire par lequel une association comme le REVAHB s’ingénie à se faire reconnaître comme « l’acteur essentiel » dans la judiciarisation de la vaccination contre l’hépatite B. Sur deux exemples parmi bien d’autres, on va à présent, et une fois encore, illustrer l’impact réel de cette prétention sur le processus de réparation.

L’étude de Zipp et coll., 1999

On l’a rappelé plus haut : le REVAHB s’est adjoint les services éminents d’un « mathématicien, ancien chercheur au CNRS » dont l’une des obsessions les plus facilement documentables est de prétendre croiser le fer avec moi histoire de se poser, lui aussi, comme « acteur essentiel » du débat. Revenons à l’étude de Zipp et coll. que, de toujours, je me suis contenté de balayer sommairement en la décrivant comme un faux grossier. Heureusement pour la Science française, il existe de vrais « chercheurs », « mathématiciens » de surcroît, à qui on ne la fait pas :

« L’expert Marc Girard estime, selon les informations dont il dispose, que le risque de SEP n’est pas un risque faible mais au contraire élevé, voire très élevé. Or, si ce risque est élevé des études auraient dû le mettre en évidence : les tailles de leurs échantillons dépassant les 100 000 (par exemple l’étude de Zipp et coll., 1998, a suivi une cohorte de 134 698 sujets) et en admettant un risque élevé de l’ordre de 1 pour 2500 cela ferait en moyenne 40 SEP en plus par tranche de 100 000 ce qui aurait dû donner des écarts significatifs. Par contre, si on admet un risque de 1 pour 25000 par exemple, cela donne 4 cas supplémentaires en moyenne pour 100 000, ce qui peut être insuffisant pour déceler une différence significative. Contrairement à Marc Girard, les experts de l’OMS, de l’Afssaps ou de la réunion de consensus de novembre 2004 ont toujours admis que si le risque existait il ne pouvait être que faible (…). » (c’est moi qui souligne).

C’est vraiment beau, les mathématiques, surtout quand c’est à ce point maîtrisé – et qu’en plus, c’est adossé à l’autorité de l’OMS, de l’AFSSAPS et de la “conférence de consensus” de 2004…

Sauf que, outre les incohérences grossières relevées plus haut sur les données numériques de cette étude et qui ont complètement échappé à mon sourcilleux censeur (lequel, encore aujourd’hui, n’a aucun scrupule à me relancer obsessionnellement sur le sujet) :

  • le REVAHB – c’est la seule décision sensée que j’ai jamais obtenue d’eux – a boycotté comme manipulation grossière la « conférence de consensus » de 200435 ;
  • dès février 2000 (c’est-à-dire quelques mois seulement après sa publication), l’AFSSAPS – quant à elle – avait formellement « rejeté » l’étude de Zipp et coll. en raison de ses « nombreux problèmes méthodologiques » et de « discordances majeures » entre les différents états de l’analyse ;
  • dans un compte rendu antérieur à la publication (23/09/98), l’AFSSAPS s’était déjà lâchée sur cette étude en dénonçant ses « biais majeurs » dont, en particulier, une surestimation « d’un facteur dix » de l’incidence des scléroses en plaques chez les témoins : c’est sûr que si on commence par multiplier par dix l’incidence chez les témoins, on a vite fait de gommer une augmentation chez les vaccinés…
  • cerise sur le gâteau : dans toutes ses critiques de l’étude, pas une seule fois l’Agence ne prononçait le nom de Zipp ou de ses cosignataires, se contentant de la désigner comme « l’étude menée par le Laboratoire SmithKline Beecham » alors que RIEN, dans la publication finale, n’apparaissait de nature à expliciter cette responsabilité du fabricant ; en d’autres termes, Zipp et ses collaborateurs n’étaient que des ghostwriters (des auteurs fantômes) dont la signature visait à dissimuler que l’étude avait été entièrement financée et menée par les fabricants – soit l’une des falsifications les plus grossières que l’on puisse imaginer en recherche clinique.

Ainsi, le démentiel coupage de cheveux en quatre opéré par mon contradicteur (« 40 SEP en plus par tranche de 100 000 (…) 4 cas supplémentaires en moyenne pour 100 000 »36) passait complètement à côté de l’essentiel pourtant patent, à savoir que cette étude était un faux grossier, de surcroît entièrement conçu et financé par le fabricant37.

REVAHB 1 – Girard 0.

Sauf que le grotesque ne s’arrête pas là. À partir de février 2002 (c’est-à-dire, comme par hasard, juste après diffusion de mes premières expertises judiciaires qui détonnaient évidemment dans le consensus expertal prévalant jusque-là), l’administration sanitaire diffuse son fameux « rapport Dartigues », lequel marque un revirement complet des évaluations jusqu’alors opérées par cette même administration : sans un mot de justification, l’étude de Zipp et coll. – dont on avait pourtant compris qu’elle avait la poubelle comme destination la plus naturelle – se retrouvait purement et simplement intégrée au regroupement des études supposées démontrer – “scientifiquement”, cela va de soi – la parfaite innocuité du vaccin. Plus écornifleur, tu meurs…

Ainsi, il apparaît que prise au dépourvu par une critique globale déjà aussi radicale que documentée et, évidemment, incapable d’assumer un débat avec moi, mais « à la loyale », l’administration a suffisamment paniqué pour se lancer sans la moindre pudeur dans la réfutation forcenée de ses propres analyses. Détail intéressant : le premier signataire du rapport opérant un revirement aussi indécent n’était autre que l’idole du REVAHB, à savoir Bernard Bégaud.

REVAHB 2 – Girard 0…

Il revient à plus compétent que moi de qualifier juridiquement les faits marquants de cette histoire, concernant dans un premier temps les falsifications des fabricants, puis, dans un deuxième temps, celles de l’administration sanitaire – mais il est évident qu’à elle seule, leur mise au jour eût pu suffire à imprimer un virage déterminant à l’instruction en cours : sous réserve, bien entendu, que par l’intermédiaire de ses « experts » ou qu’en l’honneur de ses héros, le REVABH n’use pas de tout son poids pour les dissimuler et pour décrédibiliser, au contraire, ceux qui avaient eu le cran d’en démonter la perversité. À moins que, trop occupé, de son côté, à mégoter sur la juste rémunération de ses concurrents, l’avocat du REVAHB n’ait simplement pas eu la disponibilité pour examiner la question : la voie judiciaire, vous savez, ça prend tellement de temps…

Une « nouvelle étude » promue par le REVAHB

Assumant sans barguigner le risque de faire se retourner Descartes dans sa tombe, le REVAHB promeut depuis quelques mois une étude publiée par D. Le Houézec, l’un de ses plus fidèles membres, sous le titre suivant : « Une nouvelle étude fait le lien entre vaccin hépatite B et sclérose en plaque (sic) ». Puisque la chose est ainsi démontrée – et grâce au REVAHB ou à l’un de ses membres – une seule question demeure, désormais : qu’est-ce qu’on attend pour envoyer les responsables aux galères ?

Personne – en tout cas pas moi – ne conteste à Le Houézec la réalité et la durabilité de son dévouement à la cause du REVAHB, sinon précisément à celle des victimes. Mais ce qui est en cause avec cette « étude », ce n’est pas une question de dévouement…

Le premier problème, et non des moindres, c’est que, sauf erreur de lecture, on ne retrouve pas les données chiffrées dans les références bibliographiques présentées comme sources dans son article. Le second problème, c’est qu’au contraire d’une confusion entretenue par une présentation assez maladroite, les chiffres de la CNAM ne concernent pas le nombre de scléroses en plaques dans notre pays (lequel est, de toute façon, difficile à évaluer avec précision), mais celles qui sont prises en charge en affection longue durée (ALD), ce qui n’est pas du tout la même chose38.

Quoi qu’il en soit et pour aller à l’essentiel du raisonnement tenu par Le Houézec, il n’y a rien de très « nouveau » dans cette publication, contrairement à ce que soutient le REVAHB. C’est effectivement Le Houézec qui a eu l’idée, de mémoire vers la fin des années 1990, de compulser les chiffres d’ALD et d’y repérer une augmentation modeste, mais sensible, à partir de 1994 et, plus encore, de 1995-96, c’est-à-dire au moment où, à l’instigation des autorités, la vaccination contre l’hépatite B battait son plein. Bien entendu, la signification de cette augmentation fut véhémentement démentie par ces mêmes autorités, sur la base d’un mélange d’arguments dont certains étaient recevables (le manque de fiabilité notoire des données d’ALD), et d’autre carrément crapuleux (l’introduction d’interféron, en réalité postérieure au pic observé)… À ces données connues depuis bientôt 20 ans, Le Houézec ajoute celles de la notification spontanée, elles aussi disponibles et médiatisées depuis fort longtemps et dont chacun sait, sauf au REVAHB et chez ses amis de l’administration sanitaire, qu’elles sont quasiment ininterprétables.

Par conséquent, la seule chose « nouvelle » dans cet article récent, c’est d’avoir plaqué sur des données archi-connues un « modèle » statistique sorti d’on ne sait où, validé on ne sait comment, mais qui illustre cette propension dramatiquement récurrente chez les médecins à imaginer qu’il suffit de recouvrir d’équations des données vagues et imprécises pour en faire quelque chose de précis et de démonstratif. Il y a quelque chose de scientifiquement consternant à voir présentés des coefficients de corrélation à la septième décimale près (!!!) appliqués à des données comme la notification spontanée où, même en s’en tenant aux estimations optimistes des « experts » de l’administration (sous-notification de 1/10 à 1/100), la marge d’incertitude va… de 1 000% à 10 000%.

Autrefois, c’est dès la classe de seconde scientifique que l’on apprenait à se défier des fausses précisions liées aux décimales découlant mécaniquement de n’importe quel calcul39 : si trois enfants savent que l’héritage de leurs parents va avoisiner 100 000 € environ, il n’ont rien gagné en précision d’estimation une fois qu’ils en ont déduit qu’il leur reviendra à chacun environ 33 333,3333333333 €40. Mais les « docteurs en mathématiques », « statisticiens », « anciens chercheurs du CNRS » ou « ingénieurs à la retraite » qui ont mis leur expertise au service du REVAHB paraissent ignorer tout cela41

Conclusion : l’expertise victimaire au service du foutage de gueule

Ce que ne voit manifestement pas Le Houézec, c’est que lorsque nous avons commencé à nous préoccuper du problème de la vaccination contre l’hépatite B dans un contexte dramatique de tromperie tous azimuts, de publicité mensongère, de dissimulation et de falsification des données, cela a été une bouffée d’oxygène salutaire, sinon décisive, d’objectiver, par le moyen indirect des ALD, qu’il semblait bien y avoir un problème nouveau avec les scléroses en plaques dans notre pays – et il ne peut avoir oublié que je lui ai toujours reconnu le mérite de cet argument. Mais à quoi bon, vingt ans plus tard, faire tout un foin rétrospectif avec une augmentation se chiffrant à tout casser par quelques milliers de cas sur les années 1994-99, quand il n’est plus contesté par personne42 que, sur la décennie qui a vu une vaccination massive contre l’hépatite B, le nombre de scléroses en plaques a au moins quadruplé dans notre pays, passant d’environ 20 000 à au moins 80 00043 – soit un delta d’au moins 60 000 cas44… Le REVABH est dans la situation du veilleur qui a sonné l’alerte sur la base d’une étincelle, et qui continue d’alerter sur cette étincelle sans apercevoir que, dans l’entre temps, le quartier entier a été ravagé par un terrible incendie.

Ainsi, la question n’est plus – et depuis longtemps – de détecter « un signal » comme le pérorent sans rire les membres du REVAHB sur la base de cet article aujourd’hui dépourvu du moindre intérêt, mais de caractériser et d’expliquer la catastrophe qui s’en est suivie. Or, reposer le problème de cette façon, c’est du même coup apercevoir les bénéfices secondaires que le REVAHB tire de son indifférence à l’essentiel et de sa crispation sur le dérisoire.

  • Admettre qu’en dépit de signaux (les notifications spontanées, puis les ALD) apparus dès le début des années 199045, RIEN de sérieux n’a jamais été entrepris par les autorités sanitaires françaises, ce serait conscientiser que dans sa « collaboration scientifique » entreprise dès 1988 avec ces dernières au nom de la « démocratie sanitaire », le REVAHB s’est fait… – disons – rouler dans la farine (pour revenir à des métaphores décentes en cette fin d’article) : ça a servi à quoi que le REVAHB devienne « l’acteur essentiel de la reconnaissance des effets secondaires graves liés à cette vaccination » ? Ça a servi à quoi, hormis à cautionner la stratégie de dénégation de plus en plus cynique adoptée par les autorités sanitaires : alors que le 15/12/1994 (avant qu’elles ne bénéficie de la « collaboration scientifique » du REVAHB), la Commission nationale de pharmacovigilance admettait, dans son style inimitable, que « le nombre des notifications d’effets indésirables graves semble néanmoins singulariser la pharmacovigilance des vaccins contre l’hépatite B », la même Commission, dans sa séance du 27/09/11 (où les représentants du REVAHB – Le Houézec inclus – ont fièrement signé la feuille de présence) n’est-elle pas allée jusqu’à écrire carrément que « 17 années de suivi 46 n’ont pas permis de confirmer les signaux évoqués en 1994 » ? Faut-il croire qu’elle va maintenant changer d’avis sur la base de « la nouvelle étude » de Le Houézec, dramatiquement crispée sur ces signaux antédiluviens et de tout façon formellement « non confirmés » ?
  • Ergoter jusqu’à la nausée, comme le REVAHB et Le Houézec n’ont cessé de le faire depuis bientôt 20 ans, sur le paramètre malheureusement insignifiant de la notification spontanée (« c’est pas 1 123 cas comme le prétend l’AFSSAPS, mais plutôt 1 302 selon nos propres décomptes, nin, nin, nin ! »47), c’est maintenir les conditions d’une relation sans nuages avec B. Bégaud qui, lui aussi, admet qu’il doit bien y avoir « un petit quelque chose » avec ce vaccin (Libération, 05/10/98)… De même qu’on aura vu apparaître, ces dernières décennies, la microchirurgie, le REVAHB aura – sous la houlette du grand spécialiste bordelais – puissamment contribué à la naissance d’une micro-épidémiologie concentrée sur les décimales…

Affronter, au contraire, l’idée effroyable que la vaccination contre l’hépatite B ait pu se solder par des dizaines de milliers de scléroses en plaques, auxquelles s’ajoutent des milliers, voire des dizaines de milliers de complications auto-immunes (rhumatismales, hématologiques, hépatiques…), ce serait avoir le courage de dénoncer une tragédie probablement sans précédent en matière sanitaire, doublée d’un scandale d’État, et apercevoir la vertigineuse décadence « des grands professeurs »48 avec lesquels le REVAHB est si fier de faire ami-ami. Ce serait, plutôt que d’en tirer gloire, s’interroger sur les motivations profondes d’une « démocratie sanitaire » qui vous a spécifiquement choisi (« reconnu comme l’acteur principal ») dans le contexte d’une telle dépravation. Ce serait – du moins pour les médecins – admettre que les exigences humainement asphyxiantes de la Fac n’ont pas vraiment contribué à sélectionner des esprits capables de résister à ce niveau de perversion intellectuelle et de déliquescence morale chez les auctoritates; accessoirement aussi, à former des professionnels de santé assez solides sur leurs pattes pour dénoncer le scandale d’une vaccination exclusivement destinée à faire du fric, sans trembler – ni se laisser paralyser par la peur de passer (aux yeux de qui?) pour un “anti-vaccinaliste”.

  1. Ce fut une des victoires majeures de cet arrêt, à côté de laquelle le REVABH est complètement passé, que la Cour d’appel eût reconnu qu’une tierce personne devait être rémunérée selon un tarif décent (en l’espèce, 21 € par heure).
  2. Dont le site propose généreusement des informations sur les « démarches à effectuer » : mon précédent article a permis d’apprécier la crédibilité des informations fournies par le REVAHB sur les « démarches à effectuer » dans le cadre d’une vaccination obligatoire…
  3. Je n’ignore pas que, dans les affaires civiles concernant ce vaccin, la Cour de cassation a cru bon d’innover en prétendant imposer un préalable “d’imputabilité” strictement étranger à l’esprit de la Directive de 1985 sur les produits défectueux: preuve, s’il en était besoin, que les plus hautes autorités judiciaires de notre pays sont vraiment prêtes à tout pour que le scandale pourtant terrible de cette vaccination ne trouve jamais sa juste sanction. Mais ce devrait être une raison supplémentaire pour que le REVAHB ne brouille pas encore plus les cartes par son incompétence juridique…
  4. Confirmation s’il en était besoin de la préoccupante confusion juridique où baigne l’association : sur l’accueil de son site, il est textuellement stipulé que « Nous demandons une reconnaissance de la réalité de ces “aléas thérapeutiques” ». Que vient faire le défaut si l’on en reste à l’aléa ? Décidément imbattable dans l’aptitude à concentrer le maximum d’inepties dans le minimum d’espace : la quinzaine de lignes destinées à cet « Accueil » revendique sans la moindre arrière-pensée décelable que « Notre association n’a aucune visée anti-vaccinale puisque nous sommes par définition tous vaccinés. » Avec un état d’esprit aussi conciliant, bonjour pour qualifier juridiquement les circonstances qui ont conduit les membres de l’association à s’exposer au vaccin contre l’hépatite B…
  5. Quoique, par définition, inévaluable : c’est la face immergée de l’iceberg, on n’en sait à peu près rien de précis et on peut simplement procéder par recoupements, fondés sur une expérience qui fait manifestement défaut au REVAHB.
  6. Commission nationale de pharmacovigilance, 30/09/08.
  7. Les monstres préhistoriques qui ont encore un minimum de sens syntaxique noteront à sa juste valeur l’usage, à cet endroit, de l’article défini : « l’acteur essentiel», et non pas « un acteur » ou « un des acteurs »… À l’instar des associations de vaccins, celle de Grévisse et de Freud peut avoir des effets ravageants…
  8. Il s’agit de cette série d’études co-signées par Mikaeloff et Tardieu, systématiquement exploitées l’AFSSAPS (qui avait participé à leur financement) comme exonérant cette vaccination de tout risque neurologique pédiatrique (compte rendu du 30/09/08) et aujourd’hui encore promues par le REVAHB comme paradigmes d’études « indépendantes » : à l’aune des critères validés par cette association, le Tibet fait partie des voisins les plus « indépendants » de la Chine, et l’on doit pouvoir dire quelque chose d’approchant entre la Tchétchénie et la Russie…
  9. Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M et al. Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset multiple sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med. 2007;161(12):1176-82.
  10. De tout temps, cela a été une difficulté centrale dans mon travail sur le sujet : en raison notamment du statut extrêmement problématique (soyons polis) de la spécialité franco-française Genhevac, le scandale inhérent à la campagne lancée par Douste-Blazy présentait des spécificités nationales qui n’avaient aucune raison d’intéresser les étrangers. À l’inverse, concentrer mes travaux sur des objectifs de publication en France, c’était se condamner à un refus systématique de toutes les revues – incluant le cas échéant celle « qui ne se trompe jamais » (Prescrire, qui n’avait rien trouvé de mieux que d’attribuer sa « Pilule d’or » au premier vaccin anti-hépatite B concocté par la France dans des conditions de professionnalisme pharmaceutique dont l’explicitation contreviendrait à l’exigence de charité).
  11. Les dates de diffusion telles qu’indiquées sur mon site sont fantaisistes car, comme je l’ai expliqué par ailleurs, ledit site était totalement inactif à cette époque ; en conséquence, j’avais diffusé cette contribution directement via ma liste de contacts.
  12. Robert Laffont, 1961.
  13. Lequel est manifestement arrivé…
  14. Formellement proche de la technique dite du « cri primal » (à ceci près que la source du stimulus est cette fois d’origine externe et non interne), une expérience comme celle de ce matin-là serait probablement très bénéfique aux personnes qui souffrent de constipation chronique : d’expérience, elles sont nombreuses, notamment dans les associations.
  15. Dans mon précédent article, j’avais déjà noté le souci – apparemment récurrent chez les responsables du REVAHB – que ma bêtise ou mon dérangement mental ne nuisent à « leur » cause.
  16. On n’a pas idée de jusqu’où peuvent aller les cons quand ils s’imaginent qu’on les écoute au seul motif qu’on ne les a pas interrompus…
  17. Il ignore tout des dispositions technico-réglementaires qui conditionnent pourtant l’appréhension des données de tolérance ; il ignore également tout quant à l’historique supposé justifier l’existence de l’association dont il est vice-président.
  18. Incluant des infirmeries scolaires ne disposant pas des frigos nécessaires à la conservation du vaccin…
  19. Si les études pédiatriques diligentées par l’administration sanitaire avaient fait la preuve du moindre sérieux, une sérologie aurait été programmée au titre des indicateurs d’exposition.
  20. Qui, de toute façon, aurait soulevé de singuliers conflits d’intérêts : à cette époque, j’étais le seul spécialiste à opérer comme travailleur indépendant.
  21. Le premier compte rendu (15/12/94) de l’enquête nationale de pharmacovigilance (qui avait conjugué les compétences de l’Agence et celle des fabricants concernés) était particulièrement éloquent à cet égard.
  22. Incluant le développement pharmaceutique, dont quasiment aucun membre de la pharmacovigilance officielle n’avait l’expérience à l’époque, ainsi que la réglementation gouvernant la publicité pharmaceutique en général, celle des vaccins en particulier.
  23. Zipp F, Weil JG, Einhaupl KM. No increase in demyelinating diseases after hepatitis B vaccination [letter]. Nature Medicine. 1999;5(9):964-5.
  24. Au désespoir desquelles contribue très significativement l’argumentation mise au point par les idoles de l’association.
  25. Mais, parfois, après être allés suivre quelques cours à la fac de médecine dans le but non dissimulé de faire le coup de poing contre les contradicteurs, fussent-ils – eux – d’authentiques experts.
  26. Celle d’Ascherio et coll. (NEJM 2001 ;1;344(5):327-32), qui concluait à l’absence de risque neurologique, et celle dont il est le premier cosignataire (Pharmacoepidemiology and Drug Safety. 2003;12:S59-S60, dont la version finale allait être publiée un an plus tard dans Neurology), qui concluait à un triplement du risque neurologique.
  27. Comme on peut s’en douter dans une dynamique d’omniscience, les informations transmises avec zèle par certains cadres du REVAHB ne se limitent pas à la vaccination contre l’hépatite B : elles concernent tout autant le bisphénol, les OGM, la crise de l’hôpital public – j’en passe et des meilleures.
  28. La Fontaine : « Le coche et la mouche ».
  29. Il fallait même un certain culot pour un jeune thésard qui, à la différence de la dernière coqueluche du REVABH, ne s’est jamais donné le ridicule de se présenter soi-même comme « lanceur d’alerte »…
  30. À dire vrai – cela me revient en écrivant – mon « premier » travail de pharmacovigilance avait été de participer à une enquête nationale de pharmacovigilance, concernant une classe pharmacologique dont mon employeur de l’époque vendait un des composés. Quoique, à ce titre, je fusse signataire de droit de la publication finale réalisée sous la houlette d’un des représentants de cette jeune pharmacovigilance officielle, je refusais d’y voir mon nom adjoint tant le résultat final était lamentable. On appréciera la portée de ma juvénile répulsion au regard du fait que ce travail aurait sinon constitué ma première publication…
  31. Ils ont dû oublier la majuscule à « acteur ».
  32. Relaxe dans le sang contaminé, relaxe dans l’hormone de croissance, etc. – pour ne point parler des « urgences de santé publique » finalement disparues corps et biens, telles que celle du Buffalo-Grill opportunément surgie pour monopoliser l’attention du juge juste après remise d’un pré-rapport d’expertise concernant la vaccination, et quasi unanimement considéré comme accablant tant pour les fabricants que pour les autorités sanitaires…
  33. On retrouve cette même incongruité dans les lamentations du REVAHB concernant les « discriminations » dont les victimes feraient l’objet selon la voie procédurale choisie, alors qu’à l’évidence, les textes de référence ne sont pas les mêmes…
  34. La DGS dans les procédures sur la vaccination obligatoire…
  35. Dont mon contradicteur, par excès de compétence une fois encore, ignore qu’il ne s’est jamais agi d’une « conférence de consensus », mais d’une simple « audition publique ». Il n’a clairement pas capté la différence, et ignore tout de la bagarre qu’il a fallu pour imposer aux autorités le débaptisage de cette réunion là encore destinée à tromper.
  36. « J’pose zéro et j’retiens rien » comme disait le décidément irremplaçable Fernand Raynaud.
  37. À la différence des Américains et malgré la “démocratie sanitaire” (hi! hi!) concoctée par Kouchner, on ne dispose en France pas de Freedom of Information Act permettant d’avoir accès aux données originales: les autorités ont donc tout pouvoir pour organiser ou promouvoir les falsifications qu’elles veulent (on vient d’en voir un super exemple avec le remboursement à la Russie des deux navires de guerre qui n’ont pas été livrés). Heureusement, la jobardise et le cynisme des responsables offrent souvent l’occasion de recoupements accablants qui, s’ils n’autorisent pas à reconstituer toute la vérité, objectivent néanmoins le mensonge (on en a vu un bel exemple avec la mise à plat du discours de Bégaud dans ses indécentes contradictions ou ses grossières occultations): encore faut-il, pour les détecter, aiguiser sa propre sensibilité à tous les “critères indirects de crédibilité” et non pas, à l’instar du REVAHB et de ses “experts”, jouer à l’autruche propagandiste, qui garde la tête sous le sable et patine frénétiquement des pattes pour en répandre le maximum dans les yeux des gens autour.
  38. Dans les limites du présent article, il n’est pas nécessaire d’entrer dans le détail de ce distinguo pourtant fondamental si l’on entend utiliser les données ALD à fins d’analyse épidémiologique, a fortiori dans une publication internationale destinée à des lecteurs pas forcément au fait des spécificités de notre assurance maladie.
  39. Je ne veux pas vendre la peau de l’ours, mais je crois savoir que Madame Belkacem est fermement décidée à affronter d’une main de fer les causes d’une telle incompétence. Aux dernières nouvelles, elle envisagerait des stages de remédiation sur un an, organisés comme suit: 6 mois d’arithmétique, 3 mois d’initiation aux sciences expérimentales, 9 mois consacrés aux compétences mathématiques selon le genre, 5 mois de stage en entreprise, 3 mois de débriefing axé sur “la communication” – le reste du temps étant réservé à la préparation d’un TIPE sur la significativité des chiffres.
  40. De la même façon que les gamins sont fascinés d’avoir un chrono au centième de seconde près, alors que leur temps de réaction pour actionner le bouton est dix à cent fois supérieur…
  41. Au lieu de se lancer dans de pseudo-études ou dans une collaboration « scientifique » dépassant nettement les capacités de ses dirigeants, que le REVAHB ne s’est-il lancé dans une enquête parfaitement à la portée d’une association et susceptible, elle, d’identifier des signaux convaincants : à savoir, par exemple, investiguer auprès des fabricants de béquilles et de fauteuils roulants pour examiner l’évolution de leurs ventes depuis la campagne vaccinale ? Cela n’aurait pas été très difficile à faire, mais ça aurait exigé un certain travail de type secrétarial : vachement moins excitant que d’aller suivre des cours à la fac de médecine avec l’objectif vaguement démentiel d’en remontrer aux meilleurs spécialistes…
  42. Cf. notamment le Livre Blanc, mais toutes les autres sources convergent.
  43. J’ai donné les sources dans mes publications antérieures.
  44. J’ai dit plus haut que le nombre exact de cas était difficile à évaluer, comme c’est le cas avec à peu près toutes les pathologies (la grippe…) dans un pays décidément fâché avec l’épidémiologie de terrain. Mais cela ne change rien au présent argument: les chiffres reproduits ici viennent de sources officielles et personne ne conteste que le nombre de scléroses en plaques a littéralement explosé dans la décennie 1990. Je maintiens donc que cela n’a aucun sens d’ergoter sur le petit et fort problématique sous-ensemble des ALD.
  45. Et jugés assez convaincant par le fabricant d’Engérix pour le conduire à exiger des autorités une modification de la notice Vidal…
  46. Dont treize en “collaboration démocratique” avec le REVAHB…
  47. Ce, au lieu de faire ce qui reste à la portée d’une association, même privée d’experts, à savoir montrer que les exigences de l’AFSSAPS en matière d’enregistrement des cas étaient strictement contradictoires avec la réglementation en vigueur : ce genre de manipulation irait chercher quoi, au pénal, du moins si on disposait d’un avocat qui fait son boulot ?
  48. M. Girard. Médicaments dangereux : à qui la faute ?, Dangles, 2011 : chap. 1.